Les entreprises sur leur marché


I. Les objectifs des entreprises

A. D'abord et surtout la recherche du profit

1. Le profit, un impératif de survie

Bien que ce soit à la mode chez certains "économistes", critiquer la recherche du profit n'a pas de sens. En effet le premier impératif pour une entreprise est de survivre, or la condition sine qua non de cette survie est de produire en restant rentable, c'est-à-dire en satisfaisant mieux ses clients que ne le font ses concurrents. Cette capacité à satisfaire les besoins des clients se traduira par l'obtention du profit. En comptabilité la notion de profit peut être approchée par l'excédent brut d'exploitation (EBE).

L'EBE représente en effet ce qui reste de la valeur ajoutée (rappel : la valeur ajoutée est le chiffre d'affaires dont on soustrait les consommations intermédiaires, elle mesure la valeur créée par l'entreprise) après que l'on ait distribué les salaires - cotisations sociales comprises - et payé les impôts liés à la production.

2. Plus de profits pour se développer

Les entreprises chercheront aussi à faire plus de profits que leurs concurrents, ce profit plus important permettra :

d'investir davantage pour développer la production et innover ;

de mieux rémunérer les actionnaires et ainsi d'en attirer de nouveaux qui mettront à disposition des fonds pour l'entreprise (être actionnaire d'une entreprise c'est lui apporter des fonds en achetant ses actions et en en devenant un des propriétaires).

B. Profit et concurrence

1. Le profit résulte de la compétitivité...

Rappelons nous de ce que disait la main invisible au sujet du bon boulanger : s'il vend le meilleur pain ce n'est pas pour nos "beaux yeux" mais pour l'argent que nous lui donnerons, car il sait alors que nous n'irons pas acheter notre pain chez son concurrent. C'est en servant son propre intérêt qu'il nous rend le meilleur service possible.

Toutes les entreprises agissent comme le boulanger de l'histoire elles cherchent à offrir un meilleur service que celui de leurs concurrents, qu'il s'agisse de proposer des tarifs moins élévés, on parlera alors de compétitivité-prix, ou qu'il s'agisse de proposer des produits plus attractifs, on parlera de compétitivité hors-prix.

2. ...et de la transgression du modèle de concurrence pure et parfaite

Pourtant à travers le modèle de concurrence pure et parfaite nous avions vu qu'il était impossible d'obtenir un profit puisque le prix qui s'établit sur le marché tend à l'annuler. En effet si les conditions de cette concurrence pure et parfaite sont remplies alors l'existence d'un profit attirera de nouveaux offreurs et fera baisser suffisamment les prix pour que ce profit disparaisse.

En réalité ces conditions AFHTM (atomicité, fluidité, homogénéité, transparence, mobilité) sont rarement toutes remplies, et même dans l'histoire du boulanger de la main invisble une de ces conditions n'est pas remplie et explique que notre boulanger fasse un profit : il s'agit de la condition d'homogénéité des produits, puisque les pains sont différents en qualité (donc non homogènes) et le fait d'en vendre un meilleur permet l'obtention de ce profit.

 

Pour aller plus loin nous pouvons citer Philippe Simonnot : "La théorie de la concurrence pure et parfaite est finalement incapable de concevoir le profit. Pour la raison toute simple que l'entrereneur telle qu'elle le conçoit ne correspond à aucune réalité. Ce n'est même pas un idéal type vers lequel l'entrepreneur concret devrait converger dans des conditions idéales. L'entrepreneur de la concurrence pure et parfaite est un zombie. Il ne peut avoir aucune influence sur ses concurrents, sur ses fournisseurs, sur ses clients. Il est à la tête d'une entreprise semblable à toutes les autres. L'état de la technique, à un moment donné, s'impose à lui comme à tous les autres. L'information étant parfaite, il n'est confronté à aucune incertitude. En un mot commeen cent, il ne prend aucun risque. Il faut reconnaître à la théorie une certaine cohérence dans son irréalité. Cet entrepreneur-bureaucrate est en fait un technicien supérieur juste capable d'administrer une entité dont les paramètres sont parfaitement connus de tout le monde. Il ne manquerait plus qu'il fasse des profits ! Non, cet entrepreneur-là n'a droit à aucune sorte de profit. Il est comparable à un chef d'usine dans une économie socialiste centralisée."

C. La course au monopole

La situation la plus comfortable pour l'entreprise est le monopole et pour cela il faut que l'entreprise soit capable de briser la condition d'homogénéité en instaurant des barrières à l'entrée de son marché.

Il existe plusieurs types de barrières à l'entrée :

celle que l'on obtient par les économies d'échelle (voir cette notion plus bas) c'est-à-dire en obtenant des coûts de production si faibles que nul concurrent ne saurait être compétitifs en terme de prix ;

celle que l'on obtient par l'innovation ou la différenciation du produit en protégeant sa découverte par le dépôt d'un brevet, d'une marque ;

celle que l'État accorde en interdisant la concurrence au nom du service public.

 

II. Les stratégies des entreprises

Les entrepreneurs ne sont donc pas passifs, ce sont des acteurs qui influent sur le fonctionnement de leur marché en cherchant à obtenir des avantages concurrentiels par le moyen de stratégies.

A. Pour une compétitivité prix : la stratégie de concentration

Attention le terme "stratégie de concentration" s'applique de façon large aux stratégies de développement externe, mais comme nous allons le voir il existe aussi d'autres types de développement externe en dehors de la concentration.

1. Types et formes de la concentration

a. La concentration : une forme de développement externe

On peut opposer les stratégies de concentration aux stratégies de croissance interne. En effet la croissance interne ne se fait que par les propres ressources de l'entreprise, alors que le développement externe suppose le regroupement des forces d'entreprises que ce soit par la concentration proprement dite, par des alliances ou des partenariats. La concentration s'opère le plus souvent par des opérations financières telles que la fusion (deux sociétés fusionnent pour n'en créer qu'une seule comme Air France-KLM) ou l'absorption suite au rachat d'une autre société.

Il faut distinguer trois types de concentration :

la concentration horizontale concernant l'acquisition d'entreprises dont les activités se situent au même stade de productionet qui résulte en le contrôle par une même entreprise d'un produit ou service, elle se manifeste par la constitution d'un oligopole, ainsi la fusion dans le secteur de la sidérurgie entre les géants Mittal Steel et Arcelor renforce la concentration de ce secteur ;

la concentration verticale consiste en l'acquisition d'entreprise permettant de contrôler des stades successifs de production, que ce soit des stades antérieurs - concentration amont - et/ou des stades postérieurs - concentration aval -, c'est d'ailleurs à une concentration amont que procède Michelin en rachetant 6 plantations d'hévéas au Brésil et au Nigéria ;

la concentration conglomérale est relative à la diversification des secteurs de production contrôlés, c'est une orientation qu'a pris le groupe Bouygues, qui en dehors de son métier qui est le BTP, s'est diversifié vers les média (participation au capital de TF1 et du journal gratuit Metro) et la télécommunication (Bouygues Télécom).

b. L'alliance et le partenariat

Ces formes de développement externe permettent à des entreprises de collaborer ensemble tout en conservant un degré d'autonomie plus ou moins important selon la forme de collaboration. Des accords ponctuels dans le cadre de projets peuvent déboucher sur une coopération renforcée, mais ils ont le mérite de demeurer dans un premier temps dans le cadre de collaborations. En effet la fusion est un processus lourd et irréversible à ne mener qu'à bon escient.

 

Si cette collaboration lie des entreprises concurrentes on parle d'alliance, comme pour la constitution d'un pôle de recherche commun (Philips et Sony pour le standard du CD) ou la création d'un joint-venture.

Si cette collaboration lie des entreprises non concurrentes alors il s'agit d'un partenariat que celui soit mis en place à travers une structure juridique commune comme le Groupement d'Intérêt Économique qui permet de mettre en commun des activités, des moyens, de mener à bien des projets ponctuels ; ou à travers des contrats comme ceux de sous-traitance, de concession ou de franchise. Ces collaborations par contrat ou encore croissance contractuelle unissent en général des grandes entreprises à de petits commerçants. Le sous-traitant réalise une partie de la production de son donneur d'ordre, comme par exemple la SARL World Tricot qui travaille pour de grands couturiers comme Chanel, Dior, Jean-Paul Gaultier. Le concessionnaire est un vendeur de véhicule auto ou moto qui possède l'exclusivité de distribution de véhicules d'une marque donnée. Le franchisé est un commerçant qui exploite une enseigne connue contre versement d'une partie de son chiffre d'affaires à l'enseigne, par exemple les magasins Mac Donald's appartiennent tous à des franchisés.

2. Les raisons des stratégies de concentration

Chimie de base : la course à la concentration

Les entreprises de taille moyenne n'ont plus leur place dans le secteur de la chimie de base. D'autant plus que les tailles critiques des installations pétrochimiques n'ont cessé d'augmenter. Un vapocraqueur coûtait en 2000 entre 6 à 7 milliards de francs contre 4 à 5 millions il y a vingt ans. Pas de nouvelles unités de propylène à moins de 500 000 tonnes de capacité contre 200 0000 tonnes il y a dix ans.

Pour survivre il faut donc désormais être capable de réaliser son chiffre d'affaires sur les cinq continents. Elf Atochem, numéro 1 de la chimie française, avait fait le choix de consolider sa chimie de base sur le seul continent européen, interrogé par l'Usine nouvelle en 1997 Jacques Denis, son secrétaire général déclarait :"Nous pouvons être en Europe d'excellents régionaux dans la chimie de base. Mais nous ne pouvons espérer être présents sur tous les continents. Nous continuerons, à l'ouest et à l'est du continent européen, à conforter notre portefeuille, sans exclure de nouvelles alliances". Depuis Elf Atochem et Röhm & Haas ont créé AtoHaas, le poids lourd des produits acryliques. Les coentreprises se multiplient d'ailleurs dans le secteur des plastiques de base, des chimistes s'y allient aux groupes pétroliers afin d'obtenir leurs matières premières à moindre coût.

 

Les grands groupes chimiques vont aussi externaliser les activités à faible valeur ajoutée s'éloignant de leur métier de base et, au contraire, vont intégrer les activités en cohérence avec leur métier. Air Liquide entend ainsi se spécialiser davantage dans le secteur de la santé et pour cela rachète l'allemand Schlückle & Mayr et prend le contrôle d'une partie du capital d'Anios. Quant à Rhône-Poulenc, ce géant a fait le choix de vendre une partie de son activité chimie de base afin de se désendetter et de se spécialiser plus fortement dans les sciences de la vie.

 

1. Cherchez la part de la production mondiale dans la chimie fine réalisée par chacune des entreprises citées, peut-on dire que ce secteur est très concentré ?

On répondra à cette question en traçant une courbe de concentration. Pour cela on calculera le pourcentage de la production de la chime fine réalisé par les 5, 10, 20, ... plus grandes entreprises. On placera donc le nombre d'entreprises en abscisse et la part de la production mondiale en ordonnée.

2. Quelles sont les raisons qui expliquent la concentration dans le secteur de la chimie ?

3. La mondialisation contribue-t-elle à ce mouvement ?

4. Quelles autres stratégies sont à l'oeuvre ?

 

La concentration résulte d'une action volontariste de l'entreprise qui l'engage sur le long terme et qui est difficilement réversible, on parle donc là d'une action stratégique.

a. Obtenir des économies d'échelle

L'objectif principal de la concentration est la recherche d'économies d'échelle dans les secteurs où les coûts fixes sont importants, comme dans l'industrie. En effet, les économies d'échelle sont le mécanisme à travers lequel les coûts unitaires baissent au fur et à mesure que la production augmente, ceci résulte de la répartition des coûts fixes sur une plus grande quantité de produit permettant d'atteindre la taille critique à partir de la quelle la production depuis rentable (voir le point ci-après).

 

Les économies d'échelle : notions et exercices

La concentration horizontale est propice à l'obtention d'économies d'échelle, elle peut conduire à la constution d'oligopoles voire de monopoles contestables. Ce monopole consiste en l'exclusion du marché des producteurs dont les coûts sont supérieurs aux prix du monopoleur (sauf à proposer des produits ou services différenciés). On ne peut pas pour autant parler d'un pouvoir de la firme concentrée sur les prix, car si le service se dégrade ou si ses prix augmentent, une concurrence pourra apparaître et devenir rentable.

b. Mobiliser des ressources externes

En dehors de la réalisation d'économies d'échelle, la concentration horizontale peut permettre de mobiliser des ressources en matières de R&D, mais aussi en terme de notoriété. Il s'agira d'acquérir ainsi une entreprise concurrente détenant un brevet important, une marque, une réputation, une expertise dans son métier. Du reste ce sont souvent de petites firmes qui innovent (start-up) et qui se font racheter afin de donner une dimension industrielle à leurs découvertes.

c. Augmenter le pouvoir de négociation

Le principe "big is powerful" peut expliquer la concentration par un autre mobile, celui d'un plus grand pouvoir de négociation. Ainsi une entreprise concentrée détiendra un pouvoir de négociation de par le chiffre d'affaires qu'elle peut représenter pour ses fournisseurs, elle pourra obtenir alors des matières premières et des consommations intermédiaires à des conditions tarifaires, de livraison et de réglement plus intéressantes que ne l'obtiendrait une PME. La grande entreprise pourra ainsi augmenter sa marge au détriment de ses fournisseurs sur lesquels elle se déchargera des risques conjoncturels comme c'est parfois le cas dans la sous-traitance (si un produit se vend moins il suffira de rompre un contrat avec un sous-traitant).

Les organismes financiers lui accorderont des prêts plus facilement et la grande entreprise pourra avoir recours directement au marché financier.

La possibilité d'intégration en amont et en aval par la concentration verticale constitue aussi un atout dans la négociation. Ainsi un grand fabricant capable de lancer son réseau de distribution pourra négocier avantageusement avec les commerçants écoulant sa production, il pourra ainsi leur rappeler que raccourcir la chaîne de distribution peut lui permettre de réaliser des économies ou de maintenir des prix plus bas en ne rémunérant pas les intermédiaires.

d. Réduire l'exposition aux risques

Un autre type de concentration consiste à "ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier". Il s'agit de la concentration conglomérale, laquelle donne naissance à ce que l'on nomme souvent un groupe (c'est-à-dire un ensemble de sociétés contrôlées soit par une société-mère, soit par une société de portefeuille). Si les activités sont alors diversifiées, il convient de chercher à créer des effets de synergie par la complémentarité des activités déveleppées et à s'intéresser à des secteurs rentables. Sinon la trop grande diversité des activités d'un groupe peut le rendre ingérable.

 

Exemples de concentration conglomérale

est un acteur majeur du divertissement présent dans la musique, la télévision, le cinéma, le mobile, l'internet et les jeux. Vivendi investit toute son énergie et tous ses talents pour offrir à tous d'extraordinaires univers de divertissement. Ce développement est porté par les sociétés du groupe, toutes leaders sur leurs marchés : »

- Universal Music Group, filiale à 100 % de Vivendi, est le numéro un mondial de la musique avec plus d'un disque sur quatre vendus dans le monde et une position de premier plan sur le marché de la musique numérisée,

- Groupe Canal+, filiale à 100 % de Vivendi, est le numéro 1 français de l'édition de chaînes premium et thématiques et de la distribution de télévision à péage ; un acteur majeur, en France et en Europe, dans le financement, l'acquisition et la distribution de longs métrages.

- SFR, filiale à 56 % de Vivendi, est le second opérateur de télécommunications mobiles en France. SFR est également actionnaire à 40,5 % de Neuf Cegetel, le deuxième opérateur de télécommunications fixes en France.

- Maroc Telecom, filiale à 51 % de Vivendi, est le premier opérateur de télécommunications mobiles et fixes et de l'accès internet au Maroc.

- Vivendi Games, filiale à 100 % de Vivendi, est numéro 1 mondial des jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs par abonnement.

- Vivendi détient 20 % de NBC Universal, un géant mondial des médias présent dans la production de films et d'émissions de télévision, la diffusion de chaînes de télévision et l'exploitation de parcs à thèmes.

 

Extrait de http://vivendi.com

Virgin Group est un groupe industriel qui a été créé par Sir Richard Branson. Virgin est un groupe très diversifié qui regroupe entre autres des compagnies aériennes, des opérateurs de téléphonie mobile et des sociétés de distribution. Parmi les sociétés du groupe, on peut citer :

- Radio Free Virgin Virgin Atlantic (compagnie aérienne transatlantique)

- Virgin America (compagnie aérienne américaine à bas prix)

- Virgin Express (compagnie aérienne à bas prix, basée à Bruxelles)

- Virgin Trains (société ferroviaire)

- Virgin Blue (compagnie aérienne australienne à bas prix)

- Pacific Blue (compagnie aérienne)

- Polynesian Blue (compagnie aérienne)

- Virgin Mobile (société de contenu téléphonique)

- Virgin Megastore

- Virgin Finance V

- V irgin Drinks pour les boissons non alcoolisées, principalement des sodas comme Virgin Cola

- Virgin Wines pour les boissons alcoolisées

- virgin.net (fournisseur d'accès à Internet)

- V2 Records est le retour de Virgin dans la musique après la vente de Virgin Records

- Virgin Galactic (société ayant pour but de développer le tourisme spatial dans les prochaines années)

- Oüi FM (la radio rock parisienne)

Parmi les anciennes sociétés du groupe, on peut citer : Virgin Cinema, racheté par UGC Virgin Radio, racheté par Scottish Radio Group. Virgin Records, racheté par EMI. En Février 2007, Richard Branson annonce qu'il souhaite créer en Grande-Bretagne une banque "mutualiste" de sang de cordon ombilical au sein du groupe Virgin. Le prélevement et le stockage serait payant, mais l'utilisation ne serait pas limitée au seul usage thérapeuthique personnel, étant disponible au sein d'une banque de greffon publique.

 

Extrait de Wikipedia

1. Expliquez le principe de la synergie

2. Dans quels secteurs se situent les groupes Vivendi et Virgin ?

3. Peut-on trouver des synergies dans ces groupes, développez votre réponse.

 

3. Le mouvement de concentration dans le monde         
a. Vers une stratégie globale

La mondialisation élargit le marché en dehors des limites nationales, il s'agit donc de produire pour le marché mondial avec la possibilité d'utiliser des facteurs de production qui viennent du monde entier. La massification de la production, les possibilités de délocalisations poussent à la concentration et à une concurrence forte sur les coûts.

Ces opérations de concentrations passant par des rachats ou des joint-ventures (prises de participation ou créations d'entreprises souvent à 50-50 dans des sociétés locales) s'insèrent dans des stratégies globales de multiplication des sites d'implantation avec une vision unifiée des marchés et des investissements. Ainsi la mondialisation échappe aux États et à leur volonté de réglementation : les firmes transnationales s'adressent directement aux besoins de consommer moins cher, de travailler et de faire travailler à des coûts plus faibles, de placer des capitaux là où ils rapportent le plus et sont moins taxés.

 

Aller plus loin : la stratégie d'internationalisation

b. Les limites du gigantisme

Si les années 60-70 ont été marquées, dans les pays industriels, par un renforcement du pouvoir de la grande entreprise en raison d'un vaste mouvement de concentration. On s'aperçoit, depuis quelques années, que la grande taille peut être un handicap pour la pérennité de l'entreprise. Le mythe d'une World Company ne tient donc pas : en grandissant l'entreprise se heurte aux déséconomies d'échelles dues à sa bureaucratisation, à son manque de réactivité, à la mauvaise circulation de l'information. En effet, plusieurs phénomènes sont susceptibles d'apparaître au-delà d'une certaine taille, tels qu' une plus grande vulnérabilité aux attaques des concurrents ; une évolution non maîtrisée de la technologie ; une difficulté à piloter des activités trop diversifiées et souvent trop différentes ; une incompatibilité des cultures d'entreprises, un risque de rachat en bourse, une crise de confiance de la clientèle vis-à-vis de gammes de produits trop diversifiées ...

Le rachat lui-même dans le but de concentration endette d'emblée l'entreprise absorbante et implique des restrcuturations à même de créer un mauvais climat social dans l'entreprise (supression des services doublons, crainte des licenciements).

 

Il faut préciser que la concentration n'est pas profitable à tous les secteurs : le tertiaire, où les coûts fixes sont faibles l'est très peu, alors que, dans l'état de la technologie actuelle, l'énergie présente une structure oligopolistique, étant donnés les investissements nécessaires.

 

La tendance actuelle est au recentrage sur le « cœur de métier ", et à l'abandon des activités périphériques, ce qui n'entre pas en contradiction avec la concentration sur le coeur de métier comme nous l'avons vu dans le cas de la chimie fine. Les entreprises les plus modernes cherchent à alléger leurs structures en confiant une partie de leurs activités à des prestataires extérieurs : sous-traitance pour la fabrication et externalisation pour la prise en charge de services.

Les grandes entreprises choisissent donc de plus en plus de développer des réseaux de partanariat (on en revient à cette forme de concentration vue plus haut). Ces réseaux permettent une plus forte flexibilité vis-à-vis d'une demande dont les exigences sont plus fortes, mais aussi une réduction des coûts fixes (les équipements par exemple appartiennent aux sous-traitants) avec des contraintes et des risques qui se répercutent sur les partenaires.

 

Développement structuré : la concentration de l'entreprise

B. Pour une compétitivité hors-prix : innovation et différenciation des produits

    1. Qu'est ce que l'innovation ?

Une innovation consiste dans la production à grande échelle et la commercialisation réussie d'une invention concernant un produit, un nouveau marché, une nouvelle technique de production ou une nouvelle méthode d'organisation ou de gestion. L'intelligence, la créativité constitue donc le premier des facteurs de production de l'entreprise.

Outre la recherche "rationnelle". d'une augmentation de compétitivité en termes de coûts et de spécificités des produits, l'innovation tient aussi du phénomène social : en effet, même si tout entrepreneur recherche le profit, l'innovateur, en introduisant un nouveau produit ou une nouvelle manière de faire ne peut être considéré que comme un déviant, un transgresseur des normes dominantes. C'est l'innovateur, qui prend les marchés à ses concurrents par le lancement de nouveaux produits ou de nouveaux procédés, c'est lui  qui mène à la ruine ses concurrents, même si ils ne sont pas chers, car il les démode aux yeux des consommateurs. L'innovateur est ainsi celui qui invente et développe l'usage de l'ampoule électrique en ruinant les fabricants de bougie, il lance le moteur à explosion marquant la fin de la voiture à cheval ...

 

En partant d'une analogie, Philippe Simonnot, dans "39 leçons d'économie contemporaine" montre que l'innovateur recherche surtout le monopole en tant que rémunération de sa prise de risque.

 

Quand j'écris un roman, par exemple, que je le signe de mon nom, je vise à atteindre une situation de monopole. Je serai le seul producteur de ce livre. Ce roman, unique en son genre, va entrer en concurrence avec des milliers d'autres livres. C'est dire que je ne pourrais pas pratiquer n'importe quel prix. Mais si je parviens à en faire un best-seller ou à décrocher le Goncourt, je vais me trouver pendant un moment dans une situation quasi monopolistique. Et jouir de superprofits considérables. J'ai pris un risque, en supposant qu'il existerait un marché pour ce livre, dans une situation de totale incertitude. Voila ce qu'ignore la théorie de la concurrence pure et parfaite. La prise de risque dans un environnement incertain. En vérité, l'auteur du bestseller partage ce risque avec l'éditeur. Le livre aurait très bien pu faire un flop. Ce n'est pas un jeu où l'on gagne à tous les coups, sinon ça se saurait ! Autrement dit, le "superprofit" dont jouissent l'auteur et l'éditeur en cas de réussite est la récompense du risque qu'ils ont pris. Il en est de même pour l'entrepreneur qui a engagé des capitaux dans une activité nouvelle. Tout innovateur est forcément en situation de monopole.

 

 

1. Comment peut-on évaluer le risque pris par l'innovateur ?

2. Comment expliquer qu'il puisse en obtenir un monopole ?

3. Ce monopole se justifie-t-il ?

 

2. Les objectifs de la différenciation

L'innovation s'inscrit dans le cadre plus vaste des stratégies de différenciation des produits : il s'agit de doter le produit de caractéristiques distinctes des concurrents et désirables par le client (marque, design, services...), afin de s'affranchir de la concurrence par les prix, on peut parler d'introduction d'une concurrence monopolistique par la volonté de briser l'homogénéité des produits et services disponibles sur le marché. Cette différenciation conduit souvent à segmenter le marché en catégories de clientèle, ou en gammes de produits. La stratégie de différenciation est ainsi adaptée à l'entrée sur des marchés apparemment saturés ou arrivant à maturité.

 

 

 

III. Des stratégies sous surveillance

A. Les fondements de l'intervention publique

Le principe de l'intervention de l'État en matière de réglementation de la concurrence découle de la volonté de calquer le réel sur le modèle irréaliste de la concurrence pure et parfaite. Comme nous l'indique Philippe Simonnot : "... selon Cournot le monopoleur peut arrêter de produire avant que son profit ne s'annule, alors que dans la situation de concurrence pure et parfaite, je le rappelle, le producteur en théorie produit jusqu'à ce que son profit soit nul. Par rapport à une situation de concurrence parfaite, la production est donc moindre et le profit n'est pas nul. Comme la concurrence parfaite est censée conduire à l'optimum, la situation de monopole engendre, au détriment des consommateurs, des profits au-dessus de la norme (laquelle, nous l'avons dit, tendrait vers zéro en cas de concurrence parfaite), bref des profits anormaux, des superprofits. À partir de là, la théorie s'est raffinée pour tenir compte de situations plus complexes, telles les oligopoles, les ententes, les cartels ... Pourtant, une question simple se pose : puisque superprofit il y a, comment se fait-il que ce superprofit n'attire pas d'autres capitalistes ? Cette question revient à se demander pourquoi il n'existe qu'un seul producteur sur le marché du produit en question ? ..." À partir de là on peut se demander qui empêche la concurrence, certainement le monopoleur lui-même, mais sans le renfort de l'État ce monopole n'est pas durable.

B. Le droit de la concurrence

Les réglementations publiques conduisent souvent à la mise en place de monopole réglementaire, c'est-à-dire incontestables. Il y a donc une certaine ironie à ce que ce soit l'État, par l'intermédiaire du gouvernement et sous les avis du Conseil de la Concurrence, qui réprime des pratiques anticoncurrentielles tout en déterminant lui-même les cas pour lesquels des atteintes à la concurrence sont acceptables. Ainsi le principe de l'exemption rend légal certaines ententes et abus de position dominantes, c'est le cas pour les conventions entre les médecins et l'assurance-maladie qui permet d'établir des tarifs de consultation unique pour les médecins dits conventionnés. L'exemption est aussi prévue pour autoriser des pratiques anti-concurrentielles de nature à assurer un progrès économique que ce soit en terme de productivité ou d'emplois.

1. La prohibition des ententes entravant la concurrence

Sont considérées comme ententes :

les accords passés entre entreprises concurrentes visant à se répartir des sources d'approvisonnement (donc ne pas se faire concurrence auprès des fournisseurs) ;

les accords passés entre entreprises concurrentes visant à se répartir des marchés (ne pas se faire concurrence auprès des clients) ;

les accords visant à placer des barrières à l'entrée du marché ;

les accords en terme de prix, qu'il s'agisse de prix prédateurs fixés à un niveau assez faible pour éliminer un concurrent, ou de prix élevés pour que chacun maintienne une forte marge (les opérateurs de téléphone mobile ont ainsi été condamnés au sujet des prix élevés des SMS) ;

les accords portant sur les conditions générales de vente, sur les prix préconisés (notamment par les associations de producteurs à leurs adhérents).

2. Le contrôle des concentrations

Les pouvoirs publics - à travers le Conseil de la Concurrence et le gouvernement en France, ou le commissaire européen à la concurrence en Europe - règlementent la concentration sous prétexte de risque d'entente sur les prix ou d'abus de position dominante. Ainsi le ministre français de l'économie de l'époque, Christian Sautter, a refusé en 1999 le rachat d'Orangina, groupe Pernod-Ricard, par Coca Cola, privant Coca Cola d'une plus grande concentration dans les soft drinks et Pernod Ricard d'un financement de son développement dans le secteur des seules boissons alcoolisées.

Ce n'est pas tant le niveau de concentration qui détermine l'accord ou le refus opposé à la fusion, mais les effets anticipés de cette concentration sur la concurrence.

3. L'abus de position dominante

L'abus de position dominante concerne des pratiques commerciales qui seraient autorisées si elles étaient le fait de petites entreprises, elles sont cependant prohibées si elles sont le fait d'entreprises possédant une forte part de marché. Il suffira le plus souvent pour tomber sous l'accusation d'abus de position dominante, de fixer ses prix ou sa politique commerciale de façon à nuire à ses concurrents, ce qui est tout de même le principe de toute entreprise.

4. L'abus de dépendance économique

Le délit d'abus de dépendance économique est constitué par la mise en place de pratiques commerciales considérées comme abusives vis-à-vis de partenaires commerciaux fortement dépendants. Les centrales d'achat sont souvent accusés d'abus de dépendance économique lorsqu'elles imposent des baisses de tarifs à leur fournisseur sous peine de ne plus commercialiser leurs produits (déréférencement) ou lorsqu'elle les font participer à la promotion sur leurs produits vendus en grandes surfaces (pratique des marges arrières). Le législateur considère ici l'abus de dépendance économique car le petit fournisseur n'a pas prévu d'autres circuits de distribution.

5. La concurrence déloyale

Sont considérés comme délits de concurrence déloyale :

le dénigrement c'est-à-dire la volonté de nuire au concurrent en jetant le discrédit sur ses produits ou sa réputation ;

la désorganisation du concurrent, elle peut passer par le débauchage de ses cadres, la divulgation de ses secrets de fabrication, ... ;

l'imitation consistant à introduire dans l'esprit du consommateur une confusion avec le produit vendu par le concurrent ;

le parasitisme, il s'agit là de tirer profit sans rien payer des efforts et dépenses faites par un concurrent, cela peut aller jusqu'à l'espionnage industriel.

Le procès des monopoles

Les lois anti-trust aux États-Unis