Croissance économique et développement


 

Ce chapitre a pour objet d'introduire les principaux thèmes du programme de terminale SES. Il nous permet de poser deux interrogations : qu'est ce qui fait que nos sociétés ont évolué et pourquoi ce niveau de développement n'est pas homogène dans le monde ? 

Un rappel du cours de première nous permettra de nous remémorer ce qu'est la croissance, puis comment elle mène au développement. Nous verrons que le mouvement vers le développement à partir du phénomène de croissance peut connaître des fluctuations au gré des cycles économiques. Pourtant, même si cette évolution n'est pas irréversible, les progrès économiques et technologiques conduisent sur le long terme à une augmentation des conditions de vie. Ainsi, si la croissance est la voie de développement, le développement mène au changement social. Nous verrons que celui-ci, au delà d'une simple amélioration des conditions de vie, et de la satisfaction des besoins, se traduit par une mutation des institutions et des mentalités. A partir d'exemples nous mettrons en évidence les grandes différences de conditions de vie d'une époque à une autre, d'un continent à un autre.

Nous envisagerons enfin une vision pessimiste de la croissance et du développement autour des peurs liées aux perturbations de notre écosystème.

Nous ne ferons qu'aborder ces différents thèmes, que nous approfondirons tout au long de l'année.

I. Qu'est ce que la croissance ?

    A. Définition

La croissance économique est en général résumée par l'évolution en volume dans le temps de l'indicateur macroéconomique Produit Intérieur Brut, on considère donc que la croissance dans un pays entre l'année n et l'année n+1 est : (PIB n+1) - (PIB n)/PIB n.

On rappelle au passage que le PIB se calcule à partir de la somme des valeurs ajoutées de la production marchande (+ tva + droits de douane) à laquelle on additionne les coûts des services non marchands, rappel du chapitre de première à ce sujet.

On rappelle également que dans l'identité Y = C + I + G en économie fermée, Y représente le PIB, C la consommation des ménages, I la FBCF c'est-à-dire grossièrement l'investissement donc la consommation de capital fixe des entreprises et G représente la consommation des administrations publiques. Par conséquent la croissance de la production entre deux dates s'accompagne de la hausse de la consommation.

 

L'augmentation de la production donne également lieu à répartition des fruits d'une augmentation des richesses produites, donc à une élévation des revenus à même de satisfaire de nouveaux besoins, le niveau de vie augmente donc, on le mesurera par l'évolution du PIB par habitant.

    B. La croissance, condition sine qua non du développement et vice versa

Le phénomène de croissance peut être approfondi par les notions d'expansion, de développement et de progrès. Si l'expansion désigne une amélioration quantitative à court terme des performances économiques, la croissance évoque la même tendance sur le long terme Le développement en découle et affecte profondément la société dans le sens d'une amélioration de leur bien-être  (hausse de l'espérance de vie, élévation du niveau d'étude, urbanisation et tertiarisation, ...). Le progrès, quant à lui, se rapporte à une analyse des performances qualitatives, à l'amélioration de l'efficacité économiques (productivité) et aux innovations.

Certains économistes en sont donc venus à contester la mesure du développement par l'évolution du PIB par habitant, considérant qu'à cet indicateur quantitatif il fallait substituer un indicateur qualitatif : l'IDH.

L'IDH, un indicateur de développement

 

Si la croissance est la condition du développement, le développement a son tour va générer la croissance, on peut parler là d'un cercle vertueux.

Ainsi les principales transformations générées par le processus de développement sont les suivantes  :

        l'échelle de production s'élève (l'industrie devient d'abord dominante avant d'être détrônée par les services ) ;

        la structure de la population active se modifie et s'urbanise, d'abord paysanne en majorité puis ouvrière avec le développement de l'industrie et enfin hausse des qualifications  avec suprématie des services ;

        des firmes de grande taille apparaissent ;

        le pouvoir d'achat s'élève fortement avec en conformité avec la loi d'Engel une part moins importante des dépenses consacrée aux biens primaires  (voir tableaux 1 et 3);

        une augmentation de l'espérance de vie et une augmentation des qualifications.

Parmi ces éléments économies d'échelle, progrès technologiques et augmentation des qualifications de la main d'oeuvre sont porteurs d'une productivité plus forte qui entraîne à son tour une croissance forte et durable.

 

Tableau 1. Temps de travail nécessaire à un salarié non qualifié pour obtenir :

 en 1948en 1975en 1983
1 kg de pain24 minutes10 minutes 
1 kg de sucre45 minutes13 minutes 
1 kg de beurre7 heures1 heure 25 minutes 
1 kg de poulet8 heures45 minutes 
Machine à laver le linge400 heures 30 heures
Pénicilline52 heures1,8 minute 
Voiture (2 CV)2 562 heures908 heures

  J. Fourastié et M. Bazil, Pourquoi les prix baissent, Hachette Livre, 1984

Evaluez l'augmentation du pouvoir d'achat d'un salarié qualifié pour chacun de ces produits, vous développerez un commentaire de 30 lignes.

II. Le phénomène des cycles économiques

    A. La nature des cycles économiques

La croissance économique française et plus généralement celle des pays développés ne s'est pas déroulée selon un rythme régulier.

Ainsi une phase de croissance économique forte, appelée aussi phase d'expansion culmine jusqu'à une crise économique. Cette crise se produit à l'apogée de la croissance et marque un infléchissement du rythme de la production débutant une phase de récession, laquelle est marquée par une baisse du taux de croissance. Enfin, au plus bas de la conjoncture économique arrive la reprise qui marque un retour à une phase d'expansion, etc ...

Attention ne pas confondre la dépression qui correspond à une baisse de l'activité économique donc taux de croissance négative du PIB, avec la récession qui est une baisse continue du taux de croissance du PIB, donc taux de croissance du PIB qui reste positif mais plus faible.

Cette évolution s'appelle le cycle économique, elle est représentée sous la forme d'une courbe schématisant l'évolution du PIB dans le temps. Il explique plusieurs types de cycles économiques suivant leur origine et leur périodicité.

    B. Déroulement des cycles économiques

            1. Le cycle Kitchin

Ce cycle, de faible amplitude sur une période de 2-3 ans, est en relation avec les opérations de stockage et de déstockage de l'entreprise. En phase d'expansion l'entreprise produit en anticipant une demande forte, une dépression très modérée intervient ensuite lorsque l'entreprise limite sa production pour alimenter la demande en déstockant.

            2. Le cycle Juglar

Dans le cycle Juglar, que l'on appelle aussi "cycle des affaires" et qui se déroule en moyenne sur 8 ans, la phase d'expansion est la conséquence d'une augmentation de la demande. Les prix s'élèvent alors dans un premier temps et incitent les producteurs à augmenter leur production pour faire face à cet afflux de demande, ils vont donc embaucher et investir. Mais bientôt apparaît une surcapacité de production par rapport à la demande, c'est la crise. Alors intervient la phase de récession ou de dépression lors de laquelle l'offre est supérieure à la demande et donc les prix baissent, ce qui décourage la production et l'investissement.  Des entreprises font faillites puis l'offre devient inférieure à la demande et la reprise s'annonce.

 

            3. Le cycle Kondratieff

 

Le cycle mis en évidence par l'économiste russe Kondratieff dans les années 1920 dure en moyenne 50 ans.

Il comprend lui aussi deux phases :

        une phase A, dite d'expansion, durant laquelle les prix et la production augmentent ;

        une phase B, dite de récession, qui voit le phénomène inverse se dérouler.

 

Pour Kondratieff c'est le volume de la masse monétaire par rapport à la production qui explique ce cycle. Ainsi l'augmentation de la masse monétaire stimule la demande, qui en retour stimule la production, puis la surproduction conduit à une baisse des prix.

 

L'analyse de Kondratieff jusque là ressemble à celle de Juglar sur une période plus longue, elle n'était pas très satisfaisante pour expliquer ces longues phases A et B. Schumpeter va donc perfectionner l'analyse : il  fait le lien entre ce cycle long et les évolutions technologiques majeures. Ainsi les phases longues d'expansion seraient permises par les innovations d'entrepreneurs capitalistes à la recherche de rentes de monopoles. Celles-ci permettent une augmentation de la productivité au fur et à mesure qu'elles se diffusent. Puis les effets de ces innovations s'épuisent alors qu'elles deviennent obsolètes, pour que l'expansion revienne enfin avec de nouvelles innovations.

 

Tableau 2. Le cycle des technologies

 

Durée du cycleType d'innovationPays dominants
1790-1847 Machine à vapeur,  métier à tisserGrande-Bretagne et France
1848-1896Chemin de fer, charbon, acierGrande-Bretagne, Allemagne, Etats-Unis
1897-1940Electricité, chimie, moteur à explosionEtats-Unis
1945-1995Développement des transports (auto, avion), des biens de consommation durables, nucléaireEtats-Unis, Europe, Japon
1995- ....Technologie de l'information et de la communication, biotechnologiesEtats-Unis, Europe, Asie

    B. Que faut-il pour se développer ?

Il s'agit non pas d'ouvrir une réflexion théorique mais de recueillir des idées auprès des élèves ...

D'abord et avant tout le moteur de la croissance c'est la capacité à  investir donc la possibilité de voir naître une classe moyenne qui soit en mesure d'épargner. Pour les PVD ces investissements peuvent venir de l'étranger, seule condition pour sortir du sous-développement.

Le capital, c'est-à-dire les investissements permettent le progrès technique donc la capacité de produire plus et mieux à moindre coût, de se spécialiser dans des production à forte valeur ajoutée. Mais pour que les investissements soient bien utilisés et profitent au pays, il faut que la population ait l'esprit d'entreprise et que l'Etat ne décourage pas l'innovation, qu'il ne taxe pas trop ceux qui prennent des risques et ne créé pas des trappes à la pauvreté orientant vers l'assistanat, là encore la courbe de Laffer démontre qu'un Etat trop interventionniste peut casser le développement. Bien sûr ce développement passe aussi par un creusement des inégalités : avant le développement tous étaient pauvres donc égaux, avec le développement certains s'enrichissent beaucoup plus vite que d'autres.

Enfin les ressources naturelles ne sont pas la première condition du développement, l'Arabie Saoudite n'est pas très développée en dépit de la rente pétrolière alors que le Japon est la troisième puissance économique mondiale en dépit de son absence de ressources naturelles.

 

III. Développement et mutations sectorielles

    A. Les modèles d'analyse du développement

            1. Le modèle de Rostow

La croissance économique est un processus global : les techniques, les comportements des agents, les structures politiques et institutionnelles évoluent. Pour identifier la nature est l'importance de ces changements, nombreux sont ceux qui cherchent à découper la croissance en étapes homogènes.

L'économiste américain Walter Rostow construit ainsi un modèle simple de décomposition de la croissance dont chaque étape correspond à un certain niveau de PIB par habitant :

             la société traditionnelle avec prédominance de l'agriculture (Moyen-âge en France et pays les moins avancés) ;

           le démarrage, phase où l'on dépasse le stade d'autosubsistance,  l'épargne et l'investissement apparaissent (18eme siècle en France et pays en développement) ;

              le décollage avec développement de l'industrie et des innovations technologiques (19eme siècle en France et nouveau pays industrialisés) ;

             la maturité avec la diversification de la production et le développement des services (1950 en France et pays de l'Est) ;

            la consommation de masse, dans laquelle les besoins essentiels sont satisfaits, les biens de consommation sont produits en abondance et les services prédominent (pays occidentaux industrialisés).

 

                    2. Les transformations sectorielles selon Fourastié

 

Jean Fourastié, le fameux auteur de l'expression les "Trente Glorieuses" explique dans son ouvrage s'appelant justement les "Trente Glorieuses" (1979) l'évolution sectorielle des économies à travers les gains de productivité et le structure de l'emploi.

 

Pour le comprendre nous allons utiliser la théorie de la compensation de Sauvy.

Soit P la production et N les effectifs employés. La productivité est donc P/N. Et N = P/ (P/N) 

La  théorie de la compensation d’Alfred Sauvy démontre que :

               si la production augmente moins vite que la productivité alors l’emploi diminue ;

               si la production augmente plus vite que la productivité alors l’emploi augmente.

 

Ainsi l'agriculture ne réalise que peu de gains de productivité dans les sociétés traditionnelles, afin de satisfaire les besoins en biens agricoles il faut donc maintenir une majorité de la population active dans l'agriculture. Lors de cette phase les besoins en produits alimentaires sont à peine satisfaits, ils le sont ensuite grâce aux gains de productivité dans ce secteur. L'augmentation continue des gains de productivité agricole et la satisfaction des besoins dans ce domaine pousse à une baisse de la demande et de l'emploi dans ce secteur. Une partie des agriculteurs doit donc trouver à se réemployer dans l'industrie, c'est la phase de décollage.

Puis des gains de productivité sont réalisés dans l'industrie, la demande augmente d'abord plus vite que les gains réalisés, ce qui conduit à une part croissante de la population active dans l'industrie. La demande augmente ensuite moins vite que la productivité, ce qui conduit à une baisse de l'emploi industriel dans les années 1970, dès lors on s'oriente vers la phase de consommation de masse lors de laquelle les services sont très demandés et prédominent dans la part des richesses créées ainsi que dans la part de la population active occupée.

Fourastié considérait que les services, contrairement à l'agriculture et à l'industrie était peu susceptibles de gains de productivité, que la demande de ceux-ci devait rester forte voire augmenter donc que sa part dans la population active serait en croissance constante.

Il faut nuancer cette vision dans la mesure où si certaines activités du tertiaires sont peu enclines à une augmentation de leur productivité : services non marchands, services à la personnes (aide-ménagère par exemple) d'autres sont sources de gains de productivité comme par exemple les services bancaires avec le développement notamment des NTIC. La structure de la population active à venir dépend de cette distinction, ainsi que les prix relatifs des différents services.

Tableau 3 : Emploi intérieur par branche (en % de l’emploi total depuis 1970)

...

1970

1980

1992

1999
2003

PRIMAIRE

13,3

8,4

5,4

4,4
4,1

INDUSTRIE

28,0

26,1

20,7

16,7
15,6

bâtiment

9,8

8,7

7,2

5,8
6,0

TERTIAIRE

48,8

56,8

67,0

73,1
74,3

dont : commerce

11,6

12,1

12,2

13,6
14,0

transports

5,1

5,4

5,9

4,2
4,4

services marchands

13,5

17,4

22,9

27,1
28,3

services non marchands

18,6

21,9

26,0

28,1
27,6

Source : INSEE comptes nationaux

 Réflexion :

A votre avis comment évoluera la structure de la population active en France dans les années à venir ?

Des gains de productivité ne sont-ils pas possibles dans le secteur non-marchand ?

A partir de cette dernière question faire la différence entre croissance intensive et croissance extensive.

Croissance extensive : l'augmentation de la production croît proportionnellement à l'augmentation des facteurs de production, c'est souvent le cas du secteur non-marchand dans lequel les fonctionnaires exigent davantage d'argent et de personnel pour effectuer les tâches qui leur sont appliquées. Dans ce cas la croissance se fait sans augmentation de la productivité.

Croissance intensive : l'augmentation de la production se fait sans augmenter les facteurs de production, elle passe par une augmentation de la productivité souvent induite par le progrès technique et la flexibilité.

Expliquez la phrase en italique.

        B. Un modèle réaliste

Les conditions de vie dans le temps et l'espace

            1. Un développement lent étapes par étapes

Mis à part lors de quelques périodes de développement accompagnées de découvertes scientifiques, comme lors de l'Antiquité grecque et romaine, le Moyen-âge s'étendant des invasions barbares à la Renaissance (du cinquième au seizième siècle) est une période de croissance zéro voire négative sur certaines périodes de guerre et d'épidémie. C'est tout de même à partir du onzième et douzième siècle que quelques villes se développent comme celles des Flandres, de Venise, de Florence et que des grandes foires rassemblent les marchands et les banquiers. La Révolution agraire fut véritable le premier stade des développements ultérieurs. Commencée en Angleterre avec les enclosures permettant de développer la propriété foncière, elle fut couplée aux technologies telles que la rotation des cultures et les premières machines agricoles. Elle mettra fin au mythe malthusien d'un décalage entre la croissance de la production agricole et celle de la population. Ainsi, avec la phase de démarrage le commerce international devint intercontinental et le rythme de croissance de la production par habitant se développa mais faiblement, de l'ordre de 0,2 à 0,3 % par an du dix-huitième siècle au début du dix-neuvième siècle.

La Révolution industrielle permet ensuite le décollage, le niveau de vie de la population se développe avec un taux de croissance annuel par habitant de 1 à 2 % en France et pratiquement le double en Grande-Bretagne et au Etats-Unis. La maturité correspond au début des "30 Glorieuses". Cette période s'échelonne de 1950 à la crise de 1973, période durant laquelle le PIB a été multiplié par plus de 3 avec un rythme de croissance annuel de 5,4 %.  L'enrichissement de la population a trouvé un débouché idéal dans des temples de la consommation : les "grandes surfaces", le premier supermarché apparaissant en France en 1963, date qui marque le début de la phase de consommation de masse, ainsi de 1960 à 2000 la croissance en volume de la consommation des ménages français a été multipliée par 3,2. La consommation de masse répondait à une production de masse, celle-là même qui explique le fort taux de croissance et qui fut permise notamment par des économies d'échelle importantes avec la standardisation des produits industriels permise par la révolution qu'introduisit Henri Ford dans la production dès l'entre-deux guerre aux Etats-Unis.

                2. Un développement accéléré dans les NPI

Les habitants des NPI d'Asie du Sud Est : Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan ont connu des taux de croissance de 7 % par an dans les années 80, ce qui a permis au revenu moyen par habitant de doubler tous les 10 ans. Cela signifie que le niveau de vie d'individus qui figuraient parmi les plus pauvres du monde et qui correspondait à la société traditionnelle, a pu  en l'espace d'une génération devenir comparable à celui des habitants des pays riches. Comment expliquer cela et comment expliquer qu'en Afrique le niveau de vie stagne, que les Argentins, parmi les plus riches au monde au début du vingtième siècle se soient fait largement distancer dans la course au mieux-être ?

Une tentative d'explication a été théorisée à travers la théorie du rattrapage : les investissements réalisés dans les PED permettraient une très forte productivité, dans la mesure où ces pays produisaient autrefois avec très peu de capital. Par ailleurs les Etats ont la faculté de mettre en péril croissance et développement quand les dirigeants se laissent aller à la mise en place de politique volontariste de (sous) développement à coup d'autarcie et de planification. Le Péronisme a ainsi été fatal au développement argentin et les théories du développement autocentré ont mené à des tragédies économiques et sociales...

Calcul d'un taux de variation

       C. La société transformée

            1. Définition du changement social

Ici le terme social renvoie à la notion de société. Effectivement, le développement se manifeste, par définition, par une transformation de la société dans ses structures économiques et sociales, modifiant de façon durable les mentalités, les habitudes et pratiques de la population.

                   2. Observation des manifestations de ce changement

Déterminons les changements sociaux intervenus dans nos sociétés développées depuis les années 50.

                            a. Vérification de la loi d'Engel

Tableau 4. Evolution de la structure de la consommation des ménages (coefficients budgétaires, en %)

 1956197919892000
Alimentation45,425,821,113,7
Habillement11,77,864,2
Habitation et équipement18,12426,223,8
Transports et communications8,313,413,814,3
Loisirs et culture 5,96,46,87,6
Santé et hygiène5,76,46,99,9
Service divers4,916,319,226,5

INSEE

La première loi d’Engel constate que la part des dépenses d’alimentation dans le budget des ménages (c'est-à-dire leur coefficient budgétaire) baisse au fur et à mesure que le revenu augmente : les biens alimentaires sont donc des biens inférieurs.

La deuxième loi énonce que la part des dépenses d’habillement et de logement reste stable avec l’augmentation des revenus, ces biens sont donc normaux.

La troisième loi dit que la part des dépenses de santé et de loisirs croît avec la hausse des revenus, ces biens sont donc supérieurs.

 

Questions :

Rappelez comment l'on détermine le caractère inférieur ou supérieur d'un bien.

Comment calcule-t-on un coefficient budgétaire ?

Le coefficient budgétaire désigne la part d’un type de dépenses dans l’ensemble des dépenses de consommation.

Montrez que l'évolution de la structure de la consommation des ménages est conforme à la loi d'Engel, pour cela vous reproduirez notamment le tableau ci-dessus en mettant les valeurs de 1956 à l'indice 100.

La part des consommation de biens alimentaires a bien décru dans la consommation globale.  Pour aller plus loin : Mais à travers cette catégorie de consommation des bouleversement sont intervenus avec la forte baisse de la part des produits traditionnels (pain, patates) et de l’alcool au profit des protéines animales, des boisson non alcoolisées, des aliments surgelés … 

La part des dépenses d’habillement baisse également avec une faveur pour les prix bas, de même pour les biens d’équipement des ménages mais qui traduisent en réalité la forte baisse de leur prix réel (donc part moins importante des dépenses) et non une moindre consommation.

Par contre la part des consommation en hausse concerne les dépenses de logement, en grande partie du aux équipements plus importants. Mais aussi les dépenses de santé avec le vieillissement de la population, l’offre de soins plus importante, plus sophistiquée, plus coûteuse. Mais surtout le poids de la culture, des loisirs et des télécommunications est en forte progression. On parlera d’ailleurs de tertiarisation de la consommation avec une part des services de 47 % en 1998 contre 28 % en 1960.

 

                    b. Evolution des Professions et Catégories Socio-Professionnelles

Tableau 5. Variation en milliers des emplois par PCS en France

 1962-19751975-19901990-1999
Agriculteurs exploitants- 1354- 678- 371
Artisans, commerçants et chefs d'entreprise- 318 + 57- 163
Cadres et professions intellectuelles supérieures+ 642+ 1074+ 420
Professions intermédiaires+ 1294+ 1070+ 854
Employés + 1320+ 1114+ 755
Ouvriers+ 405 - 1235- 641

INSEE

Mesurez la variation annuelle pour chaque PCS et commentez les résultats.

                    c. La consommation de masse des 30 Glorieuses

La demande suit un pouvoir d’achat croissant du revenu disponible de l’ordre de 5 % l’an jusqu’en 1974. Parallèlement la demande se diversifie par l’accès plus aisé à de biens coûteux (automobiles) et avec l’augmentation de la consommation de loisirs. Les consommateurs sont en effet attirés par plus de consommations hédonistes, ils sont plus jeunes et issus du « baby boom » en grande partie. La production suit facilement le rythme de la consommation avec la mise en place de la fabrication en série : une fabrication de masse qui permet des économies d’échelle. En outre, l’accès au produit est facilité par le développement des grandes surfaces. Enfin l’accès au crédit se développe et permet de donner les moyens de la consommation.

                d. La révolution des NTIC

 

IV. Des limites au développement ?

C'était mieux avant ?

        A. Pollution et épuisement des ressources

            1. Des prescriptions du Club de Rome ...

Le Club de Rome, en 1972, a construit un modèle économique mondial chargé d'étudier les effets de la croissance économique et démographique sur les ressources terrestres. La conclusion fut alors alarmante, le rapport "Halte à la croissance" énonce que "si les tendances actuelles se poursuivent sans modification, ou pire encore, même si l'on parvient à multiplier le progrès technique et à accroître le potentiel de ressources en matières premières disponibles, les limites à la croissance sur notre planète seront atteintes au cours des 100 prochaines années".

Ces perspectives qui s'inspirent de Malthus sont quelque peu dépassées mais ont inspirés certains économistes qui souhaitent mettre en place une  "croissance zéro".

 

                2. ...Au concept de développement durable

 

La Conférence de Rio de 1992 reprend à son compte les inquiétudes du Club de Rome et transforme le concept de "croissance zéro" en développement durable. Elle définit ainsi ce concept : "Ce qui permet à la génération présente de satisfaire à ses besoins sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ».

Mais le développement durable ne peut signifier la fin du développement, il est donc question de permettre un développement qui soit à même de résorber la pauvreté dans le monde sans pour autant porter atteinte à l'écosystème et en préservant une nature propre et la biodiversité pour les générations futures.

 

Ces recommandations font l'unanimité mais les moyens de les mettre en place sont sujets à litiges entre :

 

    - les interventionnistes favorable à de super institutions internationales, qui dénoncent les mécanismes de marché et du libre-échange et rêvent d'une planification mondiale de la croissance ;

    - les  libéraux favorables à une régulation par le marché du type "droits de polluer"et au développement de technologies permettant de produire plus et plus propre, les OGM participent de ces possibilités ;

 

Quant aux pays en développement ce sont eux qui pollueront le plus avec le développement de leurs industries (les Etats-Unis sont en passe d'être détrônés par la Chine en matière de pollution), ils se méfient donc de normes internationales en matière d'environnement qui conduiraient à les laisser dans le sous-développement.

 

Des menaces pour l'équilibre de la planète ?

 

        B. Le développement accentue les inégalités de condition

 

Selon Marx, la croissance de la production dans un contexte de concurrence se faisait au prix de l'augmentation de l'exploitation d'où la paupérisation absolue du prolétariat qui le rendrait incapable d'acheter la production des capitalistes. Des crises de surproduction devaient alors survenir jusqu'à la chute finale du capitalisme. L'histoire a donné tort à Marx et les marxistes dénoncent aujourd'hui une paupérisation absolue du Tiers-Monde prolétaire par l'exploitation des pays capitalistes impérialistes, cette fameuse théorie de l'impérialisme qui a jeté une partie du pays pauvres dans les aberrations d'une utopie du développement autocentré.

 

En réalité si paupérisation il y a, elle n'est que relative. Ceci signifie que les pauvres s’enrichiraient, mais moins vite que les riches – de sorte qu’ils se sentiraient de plus en plus pauvres en se comparant aux riches.

 

Cet écart est mesurable entre le Nord et le Sud, mais s’il est vrai que l’écart de revenus entre les 20 % les plus pauvres de la population mondiale et les 20 % les plus riches s’est accru de manière sensible depuis 1960, il est tout aussi vrai que les pays pauvres progressent globalement. Selon l’Institut de Recherche Economique Production et Développement, 6 asiatiques sur 10 vivaient en 1975 dans la pauvreté absolue. Ils ne sont plus aujourd’hui que 2 sur 10. Le taux de mortalité infantile a chuté de moitié depuis 1965. Un enfant né aujourd’hui dans le Tiers Monde peut espérer vivre 10 ans de plus qu’un enfant né en 1965. Ainsi, si le nombre de pays à développement humain élevé (IDH +) représente bien 20 % de la population répartie dans 48 pays, les taux de croissance de grands pays à niveau de développement intemédiaire (Russie, Europe de l'Est, Brésil, Malaisie, Turquie, Afrique du Sud) permettra de doubler la population riche qui devrait atteindre 30 % de la population mondiale avant 2015. La Chine, le Maghreb, l'Amérique Latine devraient atteindre ce niveau de développement entre 2020 et 2025, plus de la moitié de la population mondiale aura alors atteint notre niveau de développement.

 

Il n'en reste pas moins que 20 % de la population mondiale vit encore avec moins d'un dollar par jour et par habitant, évidemment le pouvoir d'achat d'un dollar est différent dans les PED et ceci ne peut être imputable au développement.

 

Mesurer la pauvreté dans les PED

 

L'indicateur de pauvreté humaine et salariale (IPH) du PNUD est un nouvel indicateur du niveau de vie dans un pays. Mais à l'inverse de l'IDH il estime dans quelle mesure la population ne bénéficie pas du développement. Il reprend donc les composantes de l'IDH en terme de niveau de vie, de longévité et de connaissances. Ainsi le niveau de vie sera évalué à partir d'un indice composite mesurant la part de la population située sous la moitié du revenu médian du pays (pauvreté relative), qui n'a pas accès au service de santé, à l'eau potable, ainsi que les enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition. La longévité tiendra compte de la part de la population dont l'espérance de vie est inférieure à 40 ans. Enfin les connaissances se mesure par le taux d'analphabétisme de la population adulte.

L'indicateur IPH confirme la résorption progressive de la pauvreté sur la période 1995-2002 :
- l'IPH de la Chine (1,3 milliards d'habitants) est passé de 17,1 à 13,1 ;
- l'IPH de l'Inde (1 milliard d'habitants) est passé de 35,9 à 31,4 ;
- l'IPH de l'Indonésie (217 millions d'habitants) est passé de 20,2 à 17,8 ;
- l'IPH du Nigeria (121 millions d'habitants) est passé de 40,5 à 35,1

Le développement n'est pas responsable de la situation des plus pauvres, c'est au contraire l'absence de développement qui l'est. Il faut donc se garder de considérer le processus de développement comme un jeu à somme nulle, globalement la population des pays les plus pauvres ne s'est pas appauvrie avec le développement des pays du Nord, mais la croissance du revenu par tête y est restée insuffisante pour déclencher une phase irréversible de développement.


 

S'entraîner au bac avec la question de synthèse : le développement est-il source d'inégalités ?