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Argent, le dernier tabou
Ayant
voué aux gémonies ce "fric capitaliste" toujours sale et
salissant, nos modernes Caton n'en sont que plus à l'aise pour louer
l'argent de l'État qui anoblit ceux qui le distribuent et, plus encore,
ceux qui le dépensent.
Entre
l'argent public et l'argent privé, il y aura la même différence
qu'entre une arme détenue par un particulier qui peut servir à faire un
hold-up ou bien à protéger un innocent et une arme confiée à un soldat
et qui a pour seule fonction de défendre la patrie. C'est dire que l'une
inspire la défiance et l'autre le respect.
François
de CLOSETS, Toujours plus
GUIZOT
: Enrichissez-vous
!
Pourquoi
les français qui en ont les moyens seraient-ils généreux, alors que la
société les condamne précisément pour avoir acquis ces moyens ? La générosité
n'est-elle pas à double tranchant dans un pays où l'argent doit se
cacher et où, par conséquent, l'évergétisme est voué à l'exécration,
sauf dans quelques rares cas, comme dans l'entretien d'une équipe de
ballon rond ? Comment espérer s'attirer la reconnaissance de ses
compatriotes en tant que bienfaiteur public, si le don a pour premier
effet de signaler le donateur comme un être immoral, puisque possesseur
d'une grande fortune ? La haine "chrétienne et révolutionnaire"
de l'argent engendre ainsi une société non moins inégalitaire que
d'autres, mais notablement plus avare, plus égoïste, plus hypocrite.
Jean-François
REVEL
Autodéfense,
un droit inaliénable
L'emploi
des armes est le dernier et nécessaire recours de quiconque est agressé.
Vladimir
VOLKOFF
Bonheur
L'homme
doit chercher à vivre avec intensité, avec plénitude,
avec perfection. Lorsqu'il pourra le faire sans exercer de
contraintes sur les autres, ou sans en supporter jamais, et
quand ses activités lui seront toutes agréables,
il sera plus sain, plus normal, plus
civilisé, plus vraiment lui-même. Le plaisir est un témoignage
de la nature, le signe de son approbation. Quand l'homme est heureux, il
est en harmonie avec lui-même et avec ce qui l'entoure.
Émile
DURKHEIM
Capitalisme
La
supériorité des occidentaux tient en dernière analyse au capitalisme,
c'est-à-dire à la longue accumulation de l'épargne. C'est l'absence de
capitaux qui rend les peuples sujets.
C'est
l'absence de capitaux qui rend les peuples sujets.
Jacques
BAINVILLE, Fortune de la France
Sous
le capitalisme, les gens ont davantage de voitures. Sous le communisme,
ils ont davantage de parkings.
Winston
CHURCHILL
Le
capitalisme est un pari sur le mouvement : c'est de là que vient le
progrès.
Alain
MINC
Chômage
Le
chômage s'est en partie nourrit de
son recensement et de l'allocation auquel il donne
droit. Ensuite il sera massif, mais ne sera pas la
conséquence de la libéralisation, plutôt
celle de l'effondrement des industries
lourdes et d'une reconversion industrielle
manquée.
C'est
l'État-Providence, greffé par la gauche sur la prospérité de ces
quarante dernières années, qui a crée le chômage, ou
plutôt qui a fait du chômage un problème en
enfermant les chômeurs dans une dépendance sociale.
Le chômage est devenu la forme moderne de
la pauvreté, une pauvreté inventée par la gauche.
Cette pauvreté n'est pas matérielle (les assurances
chômage et les aides publiques garantissent
contre cet aspect), elle est spirituelle : asservissement vis
à vis de la puissance publique combiné
à la disparition des solidarités familiales, religieuses et
communautaires traditionnelles, détruites par les menées idéologiques
de la gauche.
Pour
créer des emplois, Jacek Kuron exhorte les Polonais à se
lancer dans des activités nouvelles, à fonder des
PME. Mais, en réalité, comme le secteur public
monopolise les principales activités et collecte tous
les fonds publics, que reste-t-il au secteur privé ? Des métiers périphériques
tels commerce et services, qui se glissent dans les interstices
d'une économie restée massivement socialiste. Toutes ces
activités nouvelles sont très visibles, sur les marchés urbains en
particulier, mais elles restent marginales
dans l'ensemble de l'économie nationale.
Guy
SORMAN
L'existence
d'indemnités chômage relativement confortables aboutit à ce
que, face à une réduction de leur
demande, les entreprises américaines recourent désormais
davantage à la méthode d'ajustement par les licenciements
qu'à celle par réduction d'horaires ; et cela de connivence
implicite avec les salariés et
leurs représentants syndicaux qui, en fonction de la nouvelle
législation et d'un calcul économique très simple, trouvent
finalement plus avantageux de subir une période de chômage
temporaire subventionnée par les pouvoirs publics que
de voir leur emploi garanti avec des horaires diminués.
Martin
FELDSTEIN
Les
socialistes avaient constaté il y a six ans que
raccourcir la semaine de travail et allonger la durée
des congés, que forcer des milliers de salariés à prendre
une retraite anticipée, tout cela sans gain correspondant de productivité,
n'avait eu pour effet que de faire
grimper la France de 1 700 000 à 2 600 000 chômeurs en deux
ans. Ils ont même constaté aujourd'hui que la reprise de la croissance,
à partir de 1985, et la création de 300 000 emplois nouveaux en 1988 ne
réduisaient pas sensiblement le pourcentage des chômeurs.
Jean-François
REVEL (28/08/89)
Christianisme
"Peut-on
dire, s'interroge le pape Jean-Paul II dans l'encyclique de 1991, qu'après
l'échec du communisme le capitalisme soit le seul système social qui
l'emporte ?
Si
sous le nom de capitalisme, on désigne un système économique qui reconnaît
le rôle fondamental de l'entreprise, du marché, de la propriété privée
et de la responsabilité qu'elle implique dans les moyens de production,
de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse
est sûrement positive.
Mais
l'économie libre est négative si elle n'est pas encadrée par un
contexte juridique ferme qui la met au service de la liberté humaine intégrale."
Formule qui constitue l'essence même du libéralisme.
Le
message de "Centesimus annus" est que l'économie libre doit prévaloir,
mais que la vie d'une société ne se ramène pas à l'économie. Nous
devons la subordonner à des valeurs morales et religieuses avec
lesquelles le marxisme est, en revanche, lui, incompatible.
Jean-François
REVEL
Les
collabos
Le peuple pense mal..............
il faut changer le peuple...............
Bertold
BRECHT
Le
cardinal Etchégaray (attaché au Vatican et l'un des rédacteurs de
l'encyclique "Sollicitudo rei socialis" de février 1988),
rentrant d'un voyage de Cuba en janvier 1989 exprime sa "rare
joie" d'une rencontre avec Fidel Castro, et ajoute: "Nous
partageons la même passion de l'homme, pour sa dignité et sa liberté".
Mao
fut un phare de la pensée humaine.
Valéry
Giscard D'ESTAING (1976)
C'est
une erreur de ne pas avoir considéré que la réforme de l'audiovisuel
était la priorité des priorités. Il était urgent de changer les
statuts de l'audiovisuel, et non pas quelques hommes ici ou là. Il ne
s'agit pas de couper des têtes ; ce que nous mettons en cause, c'est un
système d'information qui reste le produit de l'ancien pouvoir et qui
n'est pas en mesure d'expliquer honnêtement la politique du gouvernement.
Claude
Estier, cité par Pierre Favier et Michel Martin-Rolland, La Décennie
Mitterrand
Les
socialistes ont une politique à conduire, qui doit être expliquée aux
citoyens (...). Ceux qui ont la charge d'informer doivent le comprendre ou
bien partir.
Georges
FILLIOUD, cité par Jérôme Bourdon, Haute Fidélité
Cuba
et la RDA sont des pays qui, malgré leurs déficiences dans le domaine
des droits de l'homme, ont beaucoup fait pour le système d'éducation et
de santé et qui ont fait des efforts considérables en matière de
culture, bibliothèques, spectacle vivant, des efforts qu'on n'a pas vus
dans les pays capitalistes."...
Jack
LANG, 26 novembre 2003, émission de Giesbert
En
1975, je suis allé en URSS, à Kharkov, à Kiev et ailleurs, j'ai retrouvé
partout la même ferveur. Dans les écoles primaires, les lycées, j'ai
rencontré la foi, l'enthousiasme qui avaient marqué l'école de la IIIe République (...).
L'acquis
est énorme. Surtout l'acquis économique (...).
Les
victoires technologiques soviétiques (...) ont été des victoires
populaires, l'essor du pays a été prodigieux.
Pierre
MAUROY "Héritiers de l'avenir"
Il
n'y aura pas de retour au passé, certaines formes d'opposition auront été
détruites.
Louis
MERMAZ (1981)
Je
me rappelle un entretien sur les hôpitaux psychiatriques "spéciaux"
de l'URSS qui réunissait, en septembre 1977, Michel Foucault, Raymond
Aron, Eugène Ionesco, Vladimir Boukovski et moi-même (entre autres), à
Paris, au musée Guimet où l'on avait obligeamment mis une salle à notre
disposition. A un moment de la conversation, Michel Foucault, sans doute
excédé par les analyses répétées du système concentrationnaire soviétique,
de l'"enfermement" dans la société communiste ( la seule
caractérisée de haut en bas et de long en large par
l'"enfermement" foucaultien), se mit à exploser en vociférant
qu'il nous fallait aussi organiser la lutte contre le "goulag
occidental". C'était d'un goût parfait en présence du participant
qui sortait tout juste du vrai goulag, Boukovski, lequel fut saisi d'une
crise de fou rire, cependant que Ionesco de mandait à la ronde d'une voix
sonore s'il avait bien entendu.
Jean-François
REVEL
Mauroy
est un démocrate, mais l'alternance après une victoire de la gauche était
pour lui un non-sens intellectuel
Thierry
PFISTER, son ancien conseiller (1985)
Il
faut créer les conditions d'un passage irréversible au socialisme.
Jean
POPEREN (1981)
Communisme
Communisme
et prise du pouvoir
La
dérive révolutionnaire du gouvernement marxiste de Salvador Allende
montre qu'il faut nécessairement choisir entre le socialisme et les
libertés. Il est certain qu'une fois qu'on l'a amorcé, en donnant le
pouvoir à la gauche révolutionnaire, on ne sort pas facilement du cercle
vicieux où la misère engendre la poussée de l'extrême gauche qui, à
son tour, renforce la misère existante. La politique de nationalisation a
fait fuir les capitaux. Le terrorisme de gauche a été la cause de
l'exode des élites.
Un
coup d'État met fin, en septembre 1973, à l'Unité populaire, l'armée
n'a fait que répondre au coup d'État qu'était en train d'opérer
Allende. S'il avait respecté la volonté que le peuple venait de
manifester lors des élections qui venaient de donner la majorité à la
droite au parlement chilien, Allende, élu en 1970 à la présidence de la
république grâce à l'appui des communistes, aurait dû quitter le
pouvoir. Mais Allende ne considérait comme démocratique que ce qui lui
permettait de poursuivre la révolution en se maintenant au pouvoir.
Conséquents
avec eux-mêmes, les socialistes affirment que le socialisme est le bien
du peuple et que le peuple ne peut pas ne pas vouloir son bien, une fois
que les socialistes l'ont mis en sa possession.
Raymond
BOURGINE
Il
ne saurait être question de discuter le résultat d'élections libres ; mais
de libres élections, si elles expriment la volonté du peuple, conformément
à ses intérêts, si elles ne sont pas perturbées ou influencées, ne
peuvent se traduire que par le désir de passer d'une démocratie avancée à
une démocratie plus avancée, tout retour en arrière étant invraisemblable
sinon impossible; il s'agit donc, pour le Parti, d'éclairer le peuple sur ses
véritables intérêts; la démocratie sera respectée mais après
l'élimination de tous les partis fascistes et de tous les relents du
fascisme; or c'est naturellement le parti communiste qui seul définira le
fascisme, et cela peut aller loin si l'on se souvient qu'il n'y a guère
d'hommes politiques ou de secteur de l'opinion qui n'y soit passé.
La
social-démocratie a été "l'aile modérée du Fascisme" (Joseph
Staline, 1924) et la SFIO le complice du fasciste de Gaulle, le MRP le
fourrier du fascisme, dont le PC traduisait le sigle par Mensonge, Réaction,
Perfidie; le RPF la forme moderne du fascisme, de Gaulle l'agent de la finance
anglaise puis un émule d'Hitler: "Le parti communiste ne tolèrera pas
que de Gaulle prenne le pouvoir et fasse en France ce que Hitler a fait en
Allemagne en 1933".
Philippe
MALAUD
Concurrence pure et parfaite,
l'hypothèse
Le
marché ne peut fonctionner sans une inégalité d'informations. Les prix
résultent d'un processus qui exige des informations différentes et des
comportements hétérogènes de la part des acteurs.
Il
n'existe pas de délit d'initié, puisque celui-ci participe à la
formation du juste prix: la plus-value constitue la récompense du rôle
joué au profit de la collectivité en contribuant à faciliter l'équilibre
du marché.
Alain
MINC
Vous
pouvez, jusqu'à un certain point, organiser
d'en haut la concurrence entre les entreprises collectives, les
contraindre à la rentabilité (calculée comment ?) ; vous pouvez décentraliser
les décisions, "responsabiliser" les gestionnaires et les
travailleurs: vous n'obtiendrez jamais la vraie concurrence, donc la vraie
compétitivité, donc la vraie modernisation. Pour une simple raison : la
concurrence n'est jamais voulue. Elle n'est pas agréable. La preuve en
est que les entreprises concurrentes s'efforcent souvent de la neutraliser
par des tarifs concertés et des ententes. Pour que la vraie concurrence
existe, il faut qu'elle soit imposée par l'infrastructure de la
propriété ;
tout marxiste devrait le comprendre.
Jean-François
REVEL
Contrat
social
Chaque personne possède certains droits. Il s'agit là de droits naturels dont la raison fournit la liste. La vie, la liberté, la poursuite du bonheur figurent parmi les droits irrécusables que les hommes, égaux du point de vue juridique, ont reçu en partage. C'est par une institution de la nature que les hommes recherchent, d'abord, et de préférence à toute autre finalité,
leur propre intérêt. L'homme jouit d'une capacité innée de prendre des décisions rationnelles et réfléchies dans les domaines majeurs de l'existence. Il a, en conséquence, un droit inaliénable à mener une existence indépendante, où il décide seul et en dernier ressort pour lui-même. Il n'est donc d'autorité légitime que celle qui émane du consentement des gouvernés. A côté de la liberté individuelle et de la rationalité, le contrat est l'institution clef de la pensée libérale.
Il n'y a pas, en effet, pour des individus libres, rationnels et susceptibles de s'informer, d'autres moyens de traiter les uns avec les autres que le contrat. Parmi toutes les formes de gouvernement, celle-là sera libérale qui permettra le contrôle et la participation des gouvernés au gouvernement. L'unique objectif pour lequel le gouvernement a été établi est la préservation des droits naturels. Il a pour seule activité légitime la conservation de ces droits. Parce que l'homme est un être libre, qu'il connaît seul bien son intérêt et qu'il dispose de la capacité d'en poursuivre rationnellement la réalisation, sont dits contraires à la nature les gouvernements qui sont politiquement, économiquement ou socialement autoritaires. Les libéraux se fondent aussi sur leur croyance à l'harmonie de la nature et à la conciliation spontanée des intérêts pour donner un fondement théorique au strict cantonnement du gouvernement, qui soustrait à la politique l'essentiel des activités humaines. C'est comme une association d'individus libres, égaux sous le rapport des droits fondamentaux, qu'est définie la "bonne société".
A l'inverse des conceptions holistiques ou organiques qui fondent l'intervention économique et sociale de
l'Etat sur l'idée qu'en l'absence d'Etat, il n'est pas de société durable, les libéraux considèrent que la société a existé avant le gouvernement et qu'elle est le produit des volontés individuelles.
Raymond BOURGINE
L'individu
rationnel et raisonnable des Lumières affirme sa souveraineté dans
l'exercice du pouvoir de libre examen et la proclamation du droit de
disposer "civilement" de soi, ce qui le rend propriétaire de sa
personne. Il lui revient naturellement et en toute liberté de consentir
ou non aux contraintes de l'entrée en société : une société dont il
ne dépend pas et à laquelle il ne doit initialement rien pour autant
qu'il n'en provient pas mais au contraire la compose littéralement avec
le concours d'autres hommes ; une société essentiellement conçue comme
une collection, ou mieux, une association contractuelle d'individus égaux
en leur qualité de citoyens-sociétaires, voire propriétaire ; une
société, enfin dont la finalité ne réside que dans la garantie des
droits de ses membres en matière de sûreté, de dignité et de
propriété. Le lien social s'établissant à partir de la concorde
spontanée et raisonnée des intérêts individuels, cet individualisme
optimiste et confiant en la nature humaine ignore résolument la
nécessité d'un pouvoir politique contraignant.
Alain
LAURENT
Le
contrat social ne doit lier que des individus qui le concluent unanimement
entre eux. Ils s'unissent alors en société pour leur conservation, leur
sûreté mutuelle, la tranquillité de leur vie, pour jouir paisiblement
de ce qui leur appartient en propre, et être mieux à l'abri des insultes
de ceux qui voudraient leur nuire et leur faire du mal. Chaque particulier
convenant avec les autres de faire un corps politique, sous un certain
gouvernement, s'oblige envers chaque membre de cette société de se
soumettre à ce qui aura été déterminé par le plus grand nombre et d'y
consentir, les autres demeurant selon leur volonté dans l'état de nature
par rapport aux premiers. Dans l'état de nature, chaque individu a droit
de faire exécuter les lois de la nature et de punir les coupables qui les
ont violées.
Cette
liberté par laquelle l'on n'est point assujetti à un pouvoir absolu et
arbitraire est si nécessaire, et est unie si étroitement avec la
conservation de l'homme, qu'elle n'en peut être séparée que par ce qui
détruit en même temps sa conservation et sa vie. Or, un homme n'ayant
point de pouvoir sur sa propre vie ne peut, par aucun traité, ni par son
propre consentement, se rendre esclave de qui que ce soit, ni se soumettre
au pouvoir absolu et arbitraire d'un autre, qui lui ôte la vie quand il
lui plaira.
La
liberté individuelle s'exerce même dans le droit dont dispose chaque
individu de choisir sa société. Ceux qui veulent nous persuader que ceux
qui sont nés sous un gouvernement y sont naturellement sujets et n'ont
plus de droit et de prétention à la liberté de l'état de nature, ne
produisent d'autres raisons que celle-ci, savoir que nos pères ayant
renoncé à leur liberté naturelle, et s'étant soumis à un
gouvernement, se sont mis et ont mis leurs descendants dans l'obligation
d'être perpétuellement sujets à ce gouvernement-là. Mais nul ne peut,
par aucune convention, lier ses enfants ou sa postérité. Hors d'un
contrat donnant-donnant, aucun acte du père ne peut plus ravir au fils la
liberté qu'aucun acte d'aucun autre homme peut faire.
John
LOCKE, Deuxième traité du gouvernement civil, 1690
Pour
que l'individu se sente personnellement lié par ce fameux "contrat
social" qu'on essaie de lui faire accroire, il faudrait qu'il l'ait
signé lui-même. Si ce sont d'autres qui l'ont signé à sa place, il
faudrait qu'ils aient obtenu au préalable sa procuration. Comme il n'en
est rien, le prétendu contrat social est considéré par lui comme nul et
non advenu.
Les
individus ont des droits qu'ils ne peuvent limiter que par contrat ; comme
l'État n'est pas fondé sur un contrat, il n'est pas plus légitime
qu'une mafia.
Lysander
SPOONER
L'Etat est l'ennemi, le meurtrier de l'individu, l'association en est la fille et l'auxiliaire ; le premier est un esprit, qui veut être adoré en esprit et en vérité, la seconde est mon œuvre, elle est née de moi.
L'Etat est le maître de mon esprit, il veut que je croie en lui et m'impose un credo, le crédo de la légalité. Il exerce sur moi une influence morale, il règne sur mon esprit, il proscrit mon moi pour se substituer à lui comme mon vrai moi.
Bref, l'Etat est sacré, et en face de moi, l'individu, il est le véritable homme, l'esprit, le fantôme. L'association au contraire est mon œuvre, ma créature ; elle n'est pas sacrée et n'est pas une puissance spirituelle supérieure à mon esprit.
Max STIRNER
L'homme est individu et n'est que cela, il dispose naturellement de droits ne provenant en rien d'une société dont l'ordre doit plus à
l'auto-organisation spontanée qu'à l'intervention de l'Etat.
Les devoirs de l'homme ne consistent qu'en deux points: ce qu'il doit à Dieu, et de ne point faire à autrui ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fît. L'homme n'est point rentré en société pour être pire qu'il était auparavant, ni pour avoir moins de droits qu'il n'en avait, mais pour que ces droits lui fussent mieux assurés. Ses droits naturels sont la base de tous ses droits civils.
Les droits naturels sont ceux qui appartiennent à l'homme en raison de son existence: droits de l'esprit, droits d'agir comme un individu, pour sa propre satisfaction et pour son bonheur, en tant qu'il ne blesse pas les droits naturels d'autrui. Les droits civils sont ceux qui appartiennent à l'homme, en ce qu'il est membre de la société. Le pouvoir civil est composé de la réunion de cette classe de droits naturels dont la jouissance n'est pas parfaitement au pouvoir de l'homme.
Thomas PAINE
Corruption
Il est
temps d'aborder de front le problème de la corruption à la française qui
permet à de hauts fonctionnaires, après avoir fait ou défait des fortunes
avec une simple signature, de pantoufler à haut traitement dans les entreprises
privées qu'ils ont directement ou indirectement contrôlées.
Raymond
BOURGINE
Plus l'État
assume de tâches et est amené à manier de l'argent, plus les chances de
corruption augmentent.
Albin
CHALANDON
Peut-on
admettre qu'il n'existe plus que cette infime différence juridique, la
nue-propriété, entre l'argent du Souverain et notre argent ? Est-on
encore dans le simple gaspillage lorsque la satisfaction d'intérêts
particuliers l'emporte à ce point sur toute considération de l'intérêt
général, lorsque que le fait du Prince devient le seul critère de la dépense
?
Nos
maîtres tendent de plus en plus à se considérer comme les usufruitiers
et non plus seulement les gestionnaires de la France. Ils s'offrent des
fantaisies qui n'ont pas grand rapport avec le bien commun mais que la
justice ne peut sanctionner faute d'enrichissement personnel. C'est ainsi qu'insensiblement les frontières de l'honnêteté
ont été reculées si loin qu'il faut véritablement être un imbécile
pour céder encore à la tentation de les franchir.
François
de CLOSETS
Dans
la plupart des cas, l'expression financière de la "générosité"
de l'entreprise, reste en effet liée à l'accomplissement d'un acte
d'obtention d'un marché public ou de délivrance d'autorisations
administratives qui découlent des responsabilités confiées par un
mandat électif. Il ne s'agit pas de participation à une oeuvre
philanthropique mais d'échanges dans le dos des citoyens et au mépris
des règles du droit.
Certains
élus ne remplissent plus normalement leur mandat, mais se font rémunérer
en s'octroyant 1 à 3% du montant des marchés publics. Le "payer de
sa personne" a cédé la place à la formule "payer la
personne". En fin de compte et quel que soit le circuit emprunté,
c'est toujours le même qui règle la note: le contribuable.
Les
entreprises versant pouvaient contrecarrer les propositions des
concurrents soumis aux mêmes pressions pour obtenir des marchés, des
programmes aidés par l'Etat, ou des décisions administratives telle que
délivrance de permis de construire, révision de POS, etc...
Les
pots-de-vin versés aux corrompus sont inexorablement répercutés sur
les marchés concernés. Les entreprises ne peuvent se permettre de les
imputer sur leur marge bénéficiaire habituelle. Lorsqu'il s'agit de réalisations
à caractère privé, c'est l'acquéreur qui paie la note. Pour les marchés
publics, c'est en définitive l'ensemble
des contribuables qui sans le savoir. Ils financent de ce
fait et contre leur gré des affiches électorales, des colleurs non déclarés,
des déplacements en grande pompe, des petits fours, des intermédiaires
ou les charges fixes de bureaux d'études inutiles voulant se créer une
apparence de légalité. Un véritable inventaire à la Prévert. Dès
lors, pour dégager 100 F en espèces provenant d'un "taxi" du
style Paul Bernard, c'est généralement plus de 140 F qui sont
frauduleusement soustraits des poches du contribuable.
Selon
la même logique, dans le cas d'un bureau d'études "politiquement
marqué", le contribuable règle,
en plus des pots-de-vin destinés aux élus corrompus, les charges
artificiellement engendrées par le fonctionnement de cette structure
telles que loyers des locaux, salaires, fabrication de justificatifs
fantaisistes, etc. En d'autres termes, la perversité de la pratique fait
que les pots-de-vin et le financement des structures de corruption sont prélevés
sur l'argent des impôts! En outre, le système est suffisamment opaque
pour permettre à certains bénéficiaires, toujours empressés de se
retrancher derrière le "financement des partis politiques" de
s'enrichir en toute impunité ou de s'octroyer des avantages personnels
tels que travaux à titre gratuit ou largement sous-évalués pour ne
citer que ces deux exemples.
En
prenant le temps d'exploiter plus longuement les registres saisis à
Rillieux-la-Pape, notre attention est attirée par l'écriture serrée du
directeur régional lyonnais de la SORMAE qui évoque une petite commune:
Magny-Cours. Nous avons déjà remarqué de nombreux dossiers sur cette
localité de la Nièvre. Nous apprenons qu'un grandiose projet intéresse
cette terre nivernaise et doit servir de véritable relance économique de
la région. Il s'agit d'un circuit automobile de formule 1, haut de gamme,
d'une technopole et d'infrastructures ultramodernes. La réalisation de
l'ensemble est placée sous l'œil attentif du président de la république
en personne. François Mitterrand, ancien élu du département, s'est
rendu sur le site en 1988. La Caisse des Dépôts et Consignations, dévote
exécutrice des passions architectorales du chef de l'Etat, a pris la tête
de la société d'exploitation, une des nombreuses sociétés impliquées
dans ce projet. Guy Ligier
qui, le 10 mai 1981 servit de chauffeur à François Mitterrand entre Château-Chinon
et Paris, profile bien sûr sa silhouette. De même que le gendre du
ministre des Finances. Les terrains ont été rachetés à des amis du
chef de l'Etat. Mettre son nez dans pareil dossier, ce n'est plus enquêter,
cela s'apparente à un suicide. Il est vrai que nous avions relevé, à
plusieurs reprises, de savants calculs intitulés "financement Béré".
Nous en avons d'ailleurs eu le souffle coupé. Cet aspect du dossier ne
sera jamais vérifié. Ainsi va notre démocratie.
L'organisation
générale d'Urba (sans oublier Gracco) permet d'affirmer sans détour que
ces sociétés ont bien été mises en place par le parti socialiste et au
profit exclusif de celui-ci, en 1972, un an après le congrès d'Epinay-sur-Seine. Les financements fournis par Urba représentent le
tiers des ressources du PS, le reste étant assuré par les élus et des
adhérents dont le nombre se restreint. Pour satisfaire à sa mission,
Urba a incontestablement érigé un système hors la loi qui patauge impunément
et allégrement dans la corruption et le trafic d'influence, sans oublier
les faux et usages de faux ainsi que les abus de biens sociaux. Depuis
1984, la pratique s'est affinée afin d'accroître les recettes. Tous les
élus socialistes ont été fermement invités à faire preuve de
"solidarité". Un toilettage soigné de la méthode a permis
d'améliorer les trompe-l'œil indispensables, compte tenu du caractère
risqué de ce type d'activité.
Toutes
les procédures sont méticuleusement organisées de manière à tromper
les policiers et les agents du fisc. A condition, bien sûr, que ceux-ci
ne soient pas trop curieux. Le cas échéant, la "protection"
du Parti et de ses rouages doit pouvoir éviter les problèmes. A
quelques exceptions près, les fonds pompés dans les poches du
contribuable, sont consciencieusement répartis: 40% pour les charges
propres au groupe Urba, 30% pour le PS et 30% pour les élus locaux.
Alors
que la totalité des entreprises françaises sont contraintes de trimer
dur pour dégager des bénéfices qui n'échappent pas au fisc, Urba
engrange de l'argent sale tout en se soustrayant à l'impôt. Ses recettes
nationales n'ont rien de négligeable. En 1987 et 1988, elles se sont élevées
à 123 millions de francs. En 1989, 100 millions sont programmés et 25 déjà
encaissés sur les trois premiers mois.
En
1988, après donc l'adoption de la loi réglementant le financement de la
vie politique et des campagnes électorales, l'argent collecté par Urba
figure pour plus de 24 millions de francs dans les fonds de la campagne présidentielle
du candidat Mitterrand.
Si
nous ne sommes pas intervenus dans Sud-Est Equipement, considéré par
Peltier comme une officine du Parti communiste, c'est tout simplement
parce que l'opération a été programmée après mon éviction. Force est
de constater que, cette fois, les dirigeants ne reconnurent pas
l'essentiel, à savoir le financement du PCF.
De
manière systématique, les éléments de l'enquête initiale sont
transmis au Parquet. Seul ce dernier dispose de l'autorité pour ouvrir
une information et permettre qu'une juridiction d'instruction soit désignée.
C'est alors que la justice est vraiment saisie. Certes, dans certaines
conditions, les victimes d'une infraction peuvent se constituer partie
civile et, par ce biais, obtenir l'ouverture d'une information. Si ces
procédures fonctionnent dans la majorité des cas, elles se grippent dès
que des intérêts politiques sont en jeu.
Dans
ce genre d'affaires dites "sensibles", l'ouverture d'une
information implique que le parquet a reçu du gouvernement, par le canal
de la Chancellerie, un feu vert. Le risque de voir inculper des élus de
la majorité du moment exigera du parquet un classement sans suite pour
des raisons juridiquement considérées comme "d'opportunité".
Et cela, en dépit de la violation manifeste de la loi. Nous nommons cette
pratique "enterrement de première classe".
Tant
que le pouvoir gardera la possibilité de mettre à l'abri ceux de ses
amis politiques qui violent la loi, on peut pronostiquer que la réforme,
décidée en catastrophe pour "habiller" l'amnistie, restera
lettre morte. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux témoignages
d'hommes en prise directe avec la réalité quotidienne tels
Michel-Edouard Leclerc et Gérard Monate. L'un et l'autre se sont déclarés
convaincus que malgré les lois successives, les abus continent. Autrement
dit, les mentalités n'évoluent pas aussi vite que la loi.
Je
ne peux ignorer le lien de dépendance existant entre la magistrature et
le pouvoir politique.
Le
code de procédure pénale prévoit que, lorsqu'au cours d'une enquête
des élus locaux sont susceptibles d'être inculpés pour des faits commis
dans l'exercice de leur fonctions, le procureur de la République est
tenu d'adresser sans délai une requête à la chambre criminelle de la
Cour de Cassation (articles 681 et 687). Il incombe à cette haute
juridiction de désigner la chambre d'accusation qui instruira l'affaire.
Cette chambre est composée de deux conseillers et d'un président et
commettra l'un de ses membres pour accomplir tous les actes de
l'information. Ce traitement particulier constitue ce que l'on nomme un
"privilège de juridiction", institution qui peut paraître
anachronique. Elle n'a d'autre base que la volonté de faire juger les
"privilégiés" loin des passions et des pressions locales.
C'est pourquoi l'affaire est expatriée dans le ressort d'une autre cour
d'appel.
Antoine
GAUDINO "L'enquête impossible" (1990)
La
prolifération des lois et des règlements multiplie les occasions de
corruption.
Samuel
HUNTINGTON
Le régime
des incompatibilités entre le mandat parlementaire et certaines fonctions privées,
dans sa définition comme dans son interprétation, fait eau de toutes parts à
la fois parce qu'il ne s'inspire pas d'une éthique de la chose publique (il
n'est qu'une mosaïque de mesures de circonstance accumulés depuis un siècle)
et parce qu'il ne correspond pas à l'évolution de la politique dans les États
développés contemporains.
Les
entreprises privées, du moins les grandes, ne peuvent guère critiquer un système
qu'elles contribuent à entretenir. Quand à la classe politique (issue pour une
grande part du sérail administratif), pourquoi protesterait-elle ou
s'opposerait-elle à un système si fonctionnel pour elle, c'est-à-dire qui
permet de caser les fonctionnaires qui ont loyalement servi... le gouvernement ?
Inutile
de souligner que ni les hauts fonctionnaires ni les juridictions qui pourraient
avoir à contrôler le respect des textes ne sont portés à le faire: quelle
association, quel syndicat de fonctionnaires iraient attaquer des décisions
collectivement si profitables ? Qui pourrait saisir le juge pénal si ce
n'est l'autorité administrative ? Pourquoi le Conseil d'État sanctionnerait-il
le pantouflage dont il est l'une des principales parties prenantes ? Bref, le
pantouflage peut d'autant mieux prospérer qu'il est indifférent à l'opinion
et précieux aux élites.
La
corruption constitue une sorte de "marché noir bureaucratique",
c'est-à-dire que dans un système où les décisions ne répondent pas à des mécanismes
de prix (l'octroi d'une autorisation par exemple) la corruption réintroduit des
formes d'accès et de concurrence que les mécanismes administratifs ont banni.
C'est en particulier le cas lorsque des distorsions importantes existent entre
l'offre (administrative) et la demande (sociale) pour des services ou des
prestations offerts à un prix nominal (donc accessible à un public
potentiellement très large). Ce pourra être le cas par exemple pour l'octroi
de logements publics bon marché, de places dans une crèche municipale ou pour
avoir accès à un lycée réputé. La corruption devient alors perçue comme un
simple élément d'allocation d'une utilité puisque les mécanismes
bureaucratiques se révèlent inadéquats (absence
de prix) ou pénibles (l'organisation de files d'attente). Un moyen d'échapper
à ces blocages est de recourir à des mécanismes d'influence dont la
corruption monétaire n'est que la forme la plus élémentaire et la plus grossière.
De ce point de vue strictement économiste, la corruption présente l'avantage
de réintroduire sur "le marché noir bureaucratique", faussé par
l'absence de mécanismes adéquats d'allocation des ressources rares, les
"exclus" du système.
L'acteur
administratif ou politique cherche
à maximiser ses intérêts propres, selon le cas, sa réélection, sa
promotion, ses avantages salariaux ou ses revenus ou encore les profits
symboliques ou matériels qu'il tire de la croissance de son organisation ou de
son influence. Dans ces conditions la propension à se comporter selon les règles
ou au contraire à se laisser corrompre dépendra des incitations (positives ou
négatives) présentes ou absentes et d'un équilibre entre les coûts et les bénéfices
du choix effectué : si les bénéfices attendus sont intéressants et les coûts
nuls (absence de sanctions), la corruption se diffusera et deviendra même quasi
institutionnalisée.
Là où
existe un fort esprit de corps caractérisé par la défense de valeurs comme
l'"intérêt général", le "service public", fortement intériorisées
par les acteurs, le coût de la corruption sera élevé. Tant de son propre
point de vue que du point de vue de ses pairs, l'acteur a beaucoup à perdre
dans l'acte de corruption : les gains matériels éventuels ne compensent pas la
perte morale résultant de la violation des normes de groupe (l'analyse peut être
transposée dans d'autres domaines comme celui de l'usage de la torture ou de la
pratique de la délation).
La
corruption moderne se dématérialise. Comment distinguer les nécessaires
modification d'un POS des manipulations obéissant à d'obscurs desseins ?
Comment faire la part entre les dérogations légitimes et celles qui légitiment
des passe-droits?
Yves
MENY "La corruption de la République" (1992)
La
création de la moindre grande surface, soumise à l'autorisation discrétionnaire
d'une commission départementale d'urbanisme commercial, s'achète en
fonction d'un barème que les praticiens de la grande distribution
connaissent au franc près.
Les
marchés public locaux : quelle vision du monde politique, et plus généralement
de l'âme humaine, peut avoir un industriel dont les débouchés s'achètent,
dont les emplois sont préservés par un recours systématique à la vénalité,
dont les profits dépendent de sa capacité de séduction financière ?
Les
sommes en jeu représentent sans doute plusieurs centaines de millions de
francs dès lors qu'à en croire les experts en opacité il faut appliquer
un prélèvement de 1 à 2% sur l'essentiel des marchés locaux.
Alain
MINC
Lorsqu'un
ministre attribue une subvention à une association d'utilité imaginaire,
même en respectant tous les règlements, il commet une forfaiture,
surtout s'il apparaît que les bénéficiaires de la subvention sont des
amis, personnels ou politiques. Une subvention d'un million, par exemple,
équivaut en 1992 à une année de bénéfices d'une entreprise moyenne
qui marche bien. Multiplié par quelques milliers de cas, et par des
sommes la plupart du temps infiniment supérieures, ce geste équivaut à
une ponction sur le fruit du travail des producteurs pour le compte des prébendiers.
Plus s'alourdissent ainsi les prélèvements occultes sur la production,
plus diminuent l'investissement et l'embauche. Même si l'apparence des règlements
est sauve dans ces opérations, on peut estimer que la démocratie ne
l'est pas. L'argent public s'y trouve, en effet, dévié vers des usages
privés ou partisans, non sans anémier pernicieusement l'économie dans
son ensemble.
Les
appels d'offres faussés et autres irrégularités provoquent une
perturbation générale de l'économie qui coûte à la collectivité
beaucoup plus cher que le montant brut des fausses factures. Ce sont les
consommateurs, en dernier ressort, qui paient la différence. Les
entrepreneurs rançonnés se découragent, donc le chômage s'accroît.
Les
faveurs de l'Etat étaient en France et en Espagne la source par
excellence de l'enrichissement, à commencer par celui des ministres, les
grands voleurs du temps, Richelieu, Olivarès, Mazarin ou Colbert. Mais
cette corruption institutionnalisée, massive, continue et inhérente au
système, comme celle des nomenklaturas communistes et socialistes, est en
général tenue pour moins crapuleuse que les sporadiques affaires de
pots-de-vin dans les systèmes capitalistes: transgression grave, certes,
mais qui sont précisément tenues pour malhonnêtes et sanctionnées
comme tel, ce que n'est pas (sauf pour des motifs de vengeance et d'épuration
politique) la corruption institutionnelle qui découle du contrôle de l'économie
par l'Etat. De même, l'Eglise catholique rangeait parmi les pêchés le
prêt à intérêt, mais estimait normal et vertueux de faire attribuer
aux siens des abbayes et des évêchés assortis de copieux revenus tirés
d'immenses propriétés foncières et de l'exploitation du travail des
paysans.
En
1982, Alsthom, filiale de la CGE, laquelle venait tout juste d'être
nationalisée, achète une société appartenant à un ami du président
de la république: Vibrachoc. cette petite société, au capital de 10
millions de FF, est achetée 110 millions de francs par Alsthom et par
deux banques, elles aussi nationalisées. Bien pis, six mois plus tard,
les comptes de Vibrachoc font apparaître des pertes cumulées d'une telle
importance que l'actif net ne représente plus que deux millions. Un nommé
Alain Boublil, alors à l'Elysée en tant que collaborateur du président
pour les affaires industrielles, et que nous retrouvons en 1988 mêlé au
scandale Péchiney, donna l'ordre d'effectuer cette opération à Georges
Pébereau, PDG de la CGE, fraîchement nommé à ce poste par Mitterrand,
et que nous retrouvons lui-aussi en 1988, mais dans le scandale de la Société
générale. Ce qu'il faut bien appeler une escroquerie organisée au plus
haut niveau a permis à Roger-Patrice Pelat d'empocher 108 millions volés
à l'Etat, je veux dire aux contribuables. Le ministre du Trésor autorisa
en outre l'ami en question à transférer en Suisse une partie du produit
de sa vente, à une époque où toute exportation de capitaux était
interdite. Dans cet exemple, la cause de l'escroquerie commise aux dépens
du pays, ce n'est pas l'"argent corrupteur". Laissé à lui
seul, l'argent du capitalisme n'aurait jamais eu la sottise d'acheter à
un tel prix l'affaire en faillite de Pelat. La cause de la corruption
c'est le pouvoir politique, et surtout la nationalisation, qui fournit au
pouvoir l'outil du vol. Aussi est-il comique, en l'occurrence, d'entendre
les diatribes contre le "fric" se doubler d'hommages au "mépris
de l'argent prêté aux hommes qui montent ou tolèrent de telles opérations
! On a envie de leur lancer la réplique de Sacha Guitry: "Vous
professez de ne pas aimer l'argent ? Eh bien, rendez-le !"
A
l'origine de l'Opéra Bastille: délire des grandeurs au stade de la
conception, ignorance des contraintes de l'art lyrique, puis nomination à
la tête de tous les opéras de Paris, d'un mondain touche-à-tout, présent
seulement à temps partiel, puiqu'il dirigeait par ailleurs une maison de
couture, et dont le seul titre à régner était d'avoir pris en 1988
l'initiative d'une pétition d'intellectuels en faveur de la réélection
de François Mitterrand. Sa nomination fut le don du socialisme
vestimentaire à l'art lyrique. L'indifférence pour la poche des contribuables, et ce au nom de la démocratisation de la culture, marque
les deux projets du même sans-gêne satisfait. Le "mépris de
l'argent", en l'occurrence, est surtout le mépris de celui des
autres. C'est sans doute cela qu'on appelle l'"esprit républicain".
Au nom de la morale, nous baptisons "aversion pour le système de
l'argent" ce qui en est au contraire l'une des formes les plus
cyniques et les plus sournoises: la dilapidation des fonds publics au
profit de la gloriole du maître par les courtisans qui célèbrent son
culte plus que celui des Beaux-Arts.
Ce
n'est pas l'argent, c'est toujours l'homme qui corrompt l'homme, avec
l'argent ou avec autre chose. Supprimez l'argent: vous ne supprimerez pas
la corruption. La grande source de corruption dans le monde n'est pas la
propriété privée, c'est la propriété publique.
Les
scandales financiers qui avaient éclaté à la fin de 1988 avaient tous
pris pour source au coeur de l'Etat. Dans l'affaire Péchiney, entachée
de délits d'initiés, en 1988, c'était une société nationalisée qui,
sous le contrôle du ministère des Finances, absorbait une société américaine.
Dans le cas de la Société générale, c'était le ministère des
Finances lui-même qui tentait une OPA prédatrice sur une banque, par le
biais d'une société tout exprès improvisée à cet effet et où se
retrouvaient, comme par hasard, un peloton d'amis du président. Ceux-ci
empochèrent, grâce à leurs relations politiques, des profits aussi
substantiels que mal acquis. Quand l'opération se mit à flancher, le
ministère appela même à la rescousse la Caisse des dépôts et
consignations, c'est-à-dire l'argent confié à un organisme public par
les petits épargnants. Où intervient le capitalisme privé dans ces
manigances ?
En
septembre 1991, l'instruction établit que l'ami du président
Roger-Patrice Pelat était bien l'acheteur des 20 000 actions Triangle qui
se cachaient derrière la fiducière Suisse Experta Treuhand, laquelle
avait passé son ordre d'achat les 16 et 18 novembre 1988, quatre jours
avant que Péchiney ne lançât officiellement son OPA sur la société
Triangle, actionnaire d'American National Can.
L'étatisation
excessive de l'économie est une des principales sources de corruption à
travers le monde. Plus la mainmise du pouvoir politique sur le pouvoir économique
est grande, et plus il est tentant et facile de se servir du pouvoir
politique pour s'enrichir. La fameuse séparation des pouvoirs, fondement
de toute démocratie, doit donc s'appliquer aussi au pouvoir économique.
En
amont de l'élection, les méthodes publicitaires détruisent pour leur
part la démocratie à cause de leur coût élevé qui pousse les
politiques à recourir à des financements délictueux. On entend même
souvent justifier la corruption au moyen de l'argument qu'une campagne électorale
"moderne", c'est à dire de type commercial, revient si cher
qu'il nous faut fermer les
yeux sur les escroqueries qu'elle entraîne inévitablement, sans quoi
nous gênerions le bon fonctionnement de la démocratie. Si la démocratie
n'est plus praticable qu'à la condition d'autoriser tacitement le vol,
c'est qu'elle est un mauvais régime.
Jean-François
REVEL
Les
courtisans
Le
pouvoir permet de jouer les mécènes dans le domaine artistique en
subventionnant tel metteur en scène, en passant des commandes à tel
sculpteur, en finançant telle ou telle "entreprise culturelle".
Là encore on se garde bien de s'approprier les oeuvres, mais on impose
ses goûts, on protège ses chapelles, on favorise ses obligés. Bref on
recrée dans notre monde républicain les plaisirs des princes éclairés
qui utilisaient leur fortune pour régenter les arts et lettres.
Cette
dérive est passée du monde artistique au monde sportif.
La
mode du sponsoring ouvre des perspectives sans limites. Passionné de
voile, un élu local pourra s'impliquer dans la course au grand large sans
bourse délier sous prétexte de faire la promotion de sa ville, de son département
ou de sa région.
Sur
les fascicules en papier glacé consacrés aux différentes disciplines,
ce sont toujours les tableaux budgétaires qui ont la vedette. Avec leurs
spectaculaires progressions de crédits, ils se présentent comme des
bulletins de victoire. La politique menée en faveur de la danse, du théâtre,
du cinéma, de la lecture est traduite en une avalanche de chiffres,
toujours à la hausse. Des chiffres qui semblent se suffire à eux-mêmes.
Certes
le ministère évoque des actions, toujours définies par les crédits
consommés, des réalisations plus ou moins prestigieuses, mais rien qui
puisse ressembler à une véritable évaluation, c'est-à-dire à une étude
approfondie des bienfaits que la population, et non pas les
professionnels, aurait tiré de cette politique. Le point de vue des
"créateurs" vient toujours au premier plan, la satisfaction réelle
ou supposée du public n'est évoquée qu'en contrepoint. Manifestement,
la culture est une offre bien plus qu'une demande, une offre qui, pour s'épanouir,
a besoin d'être généreusement arrosée.
Lorsqu'en
1991 le gouvernement décida d'attribuer aux chaînes publiques de télévision
Antenne 2 et FR3 1,5 milliards de francs pour assurer leur redressement,
le président Hervé Bourges s'empressa de déclarer que l'Etat n'avait
fait que verser son dû au service public de l'audiovisuel. Les
agriculteurs, les cinéastes, les militaires, les médecins ou les
enseignants ne réagissent pas autrement.
Chacun
prétend détenir une fonction et des valeurs essentielles et exige, à ce
titre, des crédits toujours plus importants.
Chaque
lobby exerce une influence déterminante sur le montant de ses crédits et
les arbitrages gouvernementaux rémunèrent des
niveaux
de pression plus que des besoins. L'argent public va d'abord à ceux qui
font peur, et seulement, en toute fin de distribution, à ceux qui font
pitié. Bref, les bénéficiaires exigent et se servent plus qu'ils ne
demandent et remercient.
Rapport
public de la Cour des Comptes pour 1986: "En ce qui concerne la compétition
automobile et les Gitanes, la SEITA était arrivée à la conclusion que
son patronage dans les épreuves du championnat du monde de Formule 1 n'était
pas suffisamment efficace, compte tenu de l'importance de son coût. Il
est surprenant qu'elle ait accepté de signer de nouveaux contrats avec la
marque Ligier, d'abord pour un an, au titre de 1984, pour 6,5 millions et,
surtout, pour les saisons de 1985 à 1989, pour une somme en forte hausse:
15 millions par an aux prix de 1985."
Si
l'on veut bien lire entre les lignes, ce que dénoncent nos maîtres des
comptes s'apparente furieusement à un abus de biens sociaux. Le
parrainage d'une manifestation sportive par une entreprise est justifié
pour autant que celle-ci en tire un juste retour sous forme
promotionnelle. Si, en revanche, il n'y a aucun rapport entre les sommes
engagées et le gain de notoriété, alors la dépense perd sa
justification. "Si l'État entend apporter son soutien à une
manifestation sportive qui met en valeur la seule marque automobile française
de Formule 1 qui subsiste, il devrait inscrire les crédits nécessaires
dans son propre budget plutôt que d'amener une entreprise publique, déjà
en difficulté financière, à supporter cette charge dès lors qu'elle
n'y trouverait plus d'intérêt commercial."
L'Etat,
c'est à dire le président, entend financer
coûte que coûte Ligier. Sachant que l'opinion admettrait mal que l'on
consacre de telles sommes à un tel objectif, il abuse de son autorité de
tutelle pour qu'une société nationale le fasse au détriment de sa
propre mission.
La
Caisse des Dépôts et Consignations a un statut très particulier conçu
pour éviter que l'État, souvent impécunieux, ne soit tenté de faire
main basse sur ce trésor. C'est dire qu'elle échappe aux contrôles généraux
de la fonction publique. La Cour des Comptes, en particulier, a toutes les
peines du monde à y mettre son nez. Son patron jouit d'une extraordinaire
puissance et, pour peu qu'il soit dans la mouvance majoritaire, donne au
pouvoir un formidable relais d'intervention. En effet, le patrimoine
qu'elle gère est supérieur au budget de l'État: 1400 milliards de
francs. Pour elle, une opération à quelques dizaines de millions n'est
donc qu'un jet d'écume sur la mer. C'est elle qui finança la grande fête
des Tuileries lors du bicentenaire de la Révolution. L'affaire, comme
l'on sait, tourna au désastre, mais les 80 millions de pertes ne furent
jamais qu'une goutte d'eau dans ce bilan océanique. Et l'on connaît les
remous soulevés par son intervention dans le raid lancé contre la Société
Générale. Bref, la Caisse peut toujours apporter quelques dizaines de
millions pour financer un projet particulièrement cher au cœur du Président.
Dès lors que Magny-Cours devient un grand programme national, il est bien
normal qu'elle s'engage pour 50 millions de francs.
Les
100 millions supplémentaires seront apportés par l'un de ces
"Fonds", il s'agit de tirelires que l'État se crée pour
financer sa politique dans différents secteurs: culture, éducation, aménagement,
action sociale, coopération, etc. Pour financer Magny-Cours, c'est le
Fonds Interministériel d'Aménagement du Territoire.
Le
Canard Enchaîné, jamais démenti, chiffrera l'ensemble de l'opération,
c'est-à-dire tous les aménagements d'infrastructures liés à ce
circuit, à 500 millions ! A titre de repère, signalons que lorsque Edith
Cresson a voulu relancer l'apprentissage, elle a fait débloquer quelque
500 millions de francs en crédits d'aide directe. Le gouvernement
conserve cette parfaite équité, entre les bolides pétaradants et les
jeunes sans avenir.
Un
tel favoritisme combine tous les défauts: le gaspillage, l'erreur de
jugement et l'injustice. Car Ligier n'est pas le seul français dans la
Formule 1. Son ancien associé Gérard Larrousse a constitué son écurie
en 1986. Depuis lors, il a
marqué 7 points en championnat alors que Ligier n'en a marqué aucun,
bien qu'il ait disposé d'un budget 2 fois plus important. La plupart des
spécialistes affirment que c'est lui le grand expert français de la F1.
Mais c'est l'autre que le Président a choisi. De ce fait, Larrousse doit
faire des acrobaties et accumule les ennuis. Un jour c'est Ligier qui lui
pique sous le nez les moteurs Lamborghini, un autre c'est la FISA qui
conteste ses résultats. Il est dur de prospérer à l'ombre des chouchous
de l'État.
François
de CLOSETS
Au
bout de toutes les illusions et de tous les bavardages apparaît la vrai
raison d'être des nationalisées, ni idéologique, ni économique mais
sociologique, au sens le plus cru. Les nationalisées ne sont rien
d'autres que les prébendes de la nomenklatura. Oublions
l'appropriation collective des moyens de production. Oublions Marx. Pour
comprendre le petit manège qui va occuper les trois mois prochains du
microcosme, pensons plutôt à Saint-Simon. Il y a de bonnes places à
prendre. On va voir les candidats faire valoir leurs titres (comme on dit
des titres de noblesse). Au premier rang, les inspecteurs des Finances, et
accessoirement les ingénieurs du corps des Mines. Au second, les membres
du Conseil (d'État) et de la Cour (des comptes). Au fond, la piétaille
des administrateurs civils. Autrement dit, les ducs, à brevet ou à
tabourets, les marquis, les comtes et les simples barons de la République.
Ils tremblent. Ils savent que les heureux élus seront choisis dans leurs
rangs. Mais aussi que l'élection dépend de la faveur du Prince. Et si,
dans un dîner en ville, ils avaient tenu un propos imprudent qui Lui
serait revenu aux oreilles, s'ils avaient déplu ... Il y a de bonnes
places à prendre. Bon appétit, messieurs !
Yves
GUIHANNEC
S'il
existe une aire géographique où l'on peut "montrer le fait
politique comme cause économique", c'est bien l'Amérique latine. La
classe dirigeante est plus fonctionnarisée que capitaliste : elle rançonne
le capitalisme, mais elle le pratique fort peu. Un secteur public, immense
autant que déficitaire, assure à ses employés, en surnombre, des
salaires et des loisirs largement supérieurs à la moyenne nationale.
Octavio Paz qualifie justement ce système de "patrimonial",
voulant dire par là que la classe politico-bureaucratique, y compris ses
serviteurs et sa clientèle, gère le pays comme s'il était son
patrimoine et lui appartenait. Les bénéficiaires du système
patrimonial, notamment les intellectuels, dont beaucoup sont du nombre,
donnent souvent le change en tenant un virulent discours de gauche. Ce
camouflage rhétorique sert à détourner vers l'"impérialisme"
étranger les critiques qui devraient, en bonne justice, pleuvoir sur les
gouvernements.
C'est
une étrange et habile construction grâce à laquelle une oligarchie, le
Parti révolutionnaire institutionnel, fondé en 1929, monopolise à son
profit le pouvoir. La fraude électorale n'a constitué longtemps qu'un
facteur marginal de l'omnipotence d'une énorme bureaucratie clientéliste,
descendant des "parrains" suprêmes de l'entourage présidentiel
jusqu'aux plus humbles fonctionnaires ruraux des ejidos (sortes de fermes
collectives), en passant par les gouverneurs d'État. Beaucoup de gens
votaient pour le PRI parce que c'était leur gagne-pain, et les autres ne
votaient pas. Les chefs syndicaux font partie de l'oligarchie. Par
exemple, c'est le syndicat des agriculteurs qui "propose" le nom
du futur candidat du PRI à la présidence, lequel a en réalité déjà
été désigné par son prédécesseur parmi les barons du parti. Bien
qu'assuré d'être "élu", ce candidat, néanmoins, fait
toujours consciencieusement campagne pendant plusieurs mois. C'est là le
côté populiste et paternaliste de cette forme de domination: le chef des
chefs doit rendre visite au peuple, aller dans les moindres villages,
adouber les profiteurs du système et en consoler les victimes. Il feint
de solliciter leurs suffrages: il vient en réalité renouveler leur
contrat. Cette pantomime démocratique trompe souvent les étrangers, d'autant qu'ont toujours existé au Mexique de pseudos-partis
d'opposition, d'ailleurs adroitement subventionnés et suscités par le
pouvoir. Le fait nouveau, aux élections de 1988, c'est que les deux
partis d'opposition qui firent entendre leurs voix étaient d'authentiques
adversaires de l'hégémonie du PRI.
Cette
appropriation politique tire son sens de ce qu'elle conduit à une
appropriation économique. Au Mexique, les vrais maîtres des richesses ne
sont pas les entrepreneurs, les capitalistes, les multinationales : ce sont
les politicos. Eux détiennent la clef des opérations économiques. C'est
beaucoup plus que de la corruption classique, beaucoup moins que du
collectivisme totalitaire. C'est du courtage généralisé. Tout agent économique
doit associer la classe politique, bureaucratique, syndicale à ses
entreprises, pour avoir droit de les lancer d'abord, de les faire tourner
ensuite, enfin et surtout d'être encore vivant à l'heure de la répartition
des bénéfices.
Dans
un pays où un tiers de la population active appartient au secteur public,
où les frais de personnel dans l'État représentent plus de la moitié du
budget et plus du dixième du PNB, d'où veut-on que provienne l'argent
pour payer tout ce monde ? L'augmentation de salaire que réclame ce jeune
professeur d'histoire, d'où s'imagine-t-il qu'elle puisse provenir, sinon
de l'impôt prélevé sur l'activité économique de producteurs qui créent
de la richesse ?
Les
Arts et les Lettres sont les instruments de la propagande politique du
gouvernement et du président. Le ministère de la Culture et l'Élysée
dispensent les places, les décorations, les subventions, les faveurs, les
invitations. Ils rétribuent l'esclavage moral et assurent la subsistance
ou flattent la vanité des larbins culturels du pouvoir politique.
Jean-François
REVEL
L'homme
n'aura aucun désir de troubler un gouvernement qui lui assure
complaisamment tous les moyens de sa concupiscence.
SADE
Crise
économique
Il
est temps de faire apparaître les véritables responsabilités. Ce n'est pas l'économie
de marché, ni le Capitalisme qu'il faut rendre responsables des malheurs des
années 1930; mais le monde de la politique, les bureaucrates, et tous ces économistes
soi disant éclairés qui n'ont jamais compris que la gravité des cycles économiques
est moins liée à la logique des affaires elles-mêmes qu'à la multiplication
par les pouvoirs publics des entraves au fonctionnement des mécanismes économiques
de régulation. Il est vrai que les fluctuations conjoncturelles font partie intégrante
des mécanismes de l'économie de marché. Mais ces fluctuations ne se seraient
jamais transformées en dépression si l'Etat ne s'en était pas mêlé. Il en
fut ainsi en 1929, comme il en avait été lors des dépressions précédentes
de 1837, 1873 ou de 1892: un examen attentif des événements qui précédèrent
ces accidents montre que, contrairement à la légende, ceux-ci n'ont jamais été
le fruit d'un quelconque "laissez-faire", mais bien au contraire la
conséquence d'attitudes irresponsables de la part des pouvoirs publics
utilisant l'action économique et monétaire à des fins spécifiques.
Murray
ROTHBARD
Démocratie
C'est
pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison !
COLUCHE
La liberté individuelle, voila la véritable liberté moderne. La liberté
politique en est la garantie; la liberté politique est par conséquent
indispensable. Mais demander aux peuples de nos jours de sacrifier, comme
ceux d'autrefois, la totalité de leur liberté individuelle à leur
liberté politique (édicter à la majorité des lois pour réglementer le
comportement de chacun, ostracisme, censure), c'est le plus sûr moyen de
les détacher de l'une; et quand on y serait parvenu, on ne tarderait pas
à leur ravir l'autre.
Benjamin
CONSTANT "De la liberté des Anciens comparée à celle des
modernes" (1819)
Le
malaise des sociétés démocratiques vient de ce que les mots ont perdu leur
sens. A l'origine, en démocratie, les pouvoirs de l'État, contrairement à ce
qui se passe en monarchie, étaient limités par la Constitution et par la
coutume. Mais nous avons glissé progressivement dans la démocratie illimité:
un gouvernement peut désormais tout faire sous prétexte qu'il est majoritaire.
La majorité a remplacé la Loi. La Loi elle-même a perdu son sens: principe
universel au départ, elle n'est plus aujourd'hui qu'une règle changeante
destinée à servir des intérêts particuliers.
La
démocratie s'est pervertie parce que nous avons confondu idéal démocratique
et tyrannie de la majorité. Parce que nous croyons dans les idéaux de base de
la démocratie: le suffrage universel et la suprématie du droit, nous nous
sentons obligés de défendre des institutions particulières qui passent, à
tort, pour leur seule traduction concrète.
Seul
le système capitaliste permet la démocratie. Lorsque le régime est dominé
par une doctrine collectiviste, la démocratie finit inévitablement par se détruire
elle-même. Le planisme mène à la dictature parce que la dictature est
l'instrument le plus efficace de coercition et de réalisation forcée d'un idéal
et qu'à ce titre elle est indispensable à une société planifiée. Le conflit
entre planisme et démocratie surgit simplement du fait que cette dernière est
un obstacle à la suppression de la liberté requise par la direction de
l'activité économique. Mais dans la mesure où la démocratie cesse d'être
une garantie de la liberté individuelle, il se peut qu'elle persiste sous une
forme quelconque sous un régime totalitaire. Une véritable "dictature du
prolétariat", même démocratique de forme, au jour où elle
entreprendrait la direction centralisée de l'économie, détruirait
probablement la liberté individuelle aussi complètement que le ferait
n'importe quelle autocratie.
La
règle de loi limite la compétence de la législation: elle la réduit, d'une
part, aux règles générales des lois formelles, et s'oppose, d'autre part, à
toute législation orientée d'après les intérêts d'une certaine catégorie
de gens. La règle de loi implique la condition de n'employer le pouvoir
coercitif de l'État que dans des circonstances définies d'avance par la loi;
et exactement de la façon prévue. Tout amendement particulier enfreint la règle
de loi. Quiconque conteste ce fait admet la légitimité des pouvoirs que les
dictateurs ont obtenus par des moyens constitutionnels en Allemagne, Italie et
en Russie.
Friedrich VON HAYEK
Il y a pire que l'esclavage : c'est d'avoir des esclaves et de les appeler
"citoyens".
Alphonse
de LAMARTINE
La loi majoritaire est insuffisante pour garantir à la société que le corps législatif
votera davantage de lois "bonnes" que de lois "mauvaises" à
cause des mécanismes de logrolling qu'utilisent des groupes de pression
minoritaire. D'où nécessité de systèmes de majorité plus large.
Henri LEPAGE
Il est utile, important dans une
République, d’avoir des institutions qui fournissent à la masse des
citoyens des moyens d’exhaler leur aversion contre un autre citoyen. A
défaut de ces moyens autorisés par la loi, on en emploie d’illégaux,
qui, sans contredit, produisent des effets bien plus funestes. Que dans
ces conditions un individu soit lésé, qu’on commette même à son égard
une injustice, l’Etat n’épreuve que peu ou point de désordre.
Nicolas MACHIAVEL (Discorci,
I, VII)
Des
dirigeants politiques, tous aussi parcimonieusement élus, se mettent à ressembler aux
dirigeants syndicaux, oligarques "représentatifs", surtout experts à
se perpétuer dans les appareils grâce au support d'une minorité de
bureaucrates et au mutisme de la majorité des travailleurs.
Nulle
part les assemblées ne présentent ce spectacle désolé d'hémicycles vides où
une poignée de parlementaires adopte la loi dont tous les manuels prétendent
sans rire qu'elle est "l'expression de la volonté générale".
Yves
MENY
La démocratie a pour but de permettre aux citoyens de contrôler le pouvoir
d'État. On ne peut pas s'en servir pour justifier l'exploitation des
politiquement faibles par les politiquement forts, qu'ils soient la majorité
ou une minorité bien placée.
Christian
MICHEL
La
fable de Démocracius par Robert Nozick
Pour
Rousseau, le citoyen idéal est un esclave qui agit librement. La
citoyenneté se définit comme la condition d'un homme qui, "par
contrat", renonce à tous ses droits personnels et à la liberté
individuelle, sous prétexte qu'il est devenu une parcelle de la volonté
générale. Cette définition recueille la faveur de tous les
professionnels de la politique, car elle leur permet d'exercer un pouvoir
abusif au nom de la démocratie. Pour eux, l'homme se réduit au citoyen,
c'est à dire à l'esclave libre qui leur doit obéissance parce qu'il les
a élus pour le commander. Tout ce qui en l'homme échappe à la sphère
politique leur est odieux.
"Jean-Jacques ROUSSEAU "Du
Contrat Social" : Afin que ce
pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet
engagement, qui seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera
d'obéir à la volonté générale, y sera contraint par tout le corps; ce qui
ne signifie autre chose sinon qu'on le forcera à être libre; car telle est la
condition qui, donnant chaque citoyen à la patrie, le garantit de toute dépendance
personnelle, condition qui fait l'artifice et le jeu de la machine politique, et
qui seule rend légitimes les engagements civils, lesquels, sans cela, seraient
absurdes, tyranniques et sujets aux plus énormes abus."
Si
l'on prétend, selon la tradition rousseauiste et jacobine, qu'une Assemblée
élue a tous les pouvoirs en tant qu'elle incarne la volonté générale,
et en particulier le pouvoir de détruire et de reconstruire à sa guise
la liste des droits de l'homme, alors la démocratie peut elle aussi
devenir une menace pour les libertés fondamentales. Nous sommes là au cœur du contresens jacobin ou bolchevique ou prétendu "républicain"
qui est, selon les termes de FERRERO, de "justifier par le principe démocratique
un gouvernement absolu et sans contrôle".
La
loi n'est pas la source des droits de l'homme, elle doit en être la
codification. Elle en résulte. Le législateur ne crée pas du droit de
l'homme à volonté, et les véritables droits de l'homme sont antérieurs
à la loi. Aucune loi ne saurait les abolir, pas plus que les créer. Les
droits de l'homme se constatent, dit justement Bertrand de Jouvenel dans
"Du Pouvoir"; ils ne s'inventent pas. Au delà des droits de
l'homme, les sociétés peuvent formuler beaucoup de droits, créés, eux,
par la loi - des droits en quelque sorte artificiels, contractuels. Ce que les constitutions et les législateurs apportent ainsi, ce
sont des droits supplémentaires; des droits non de l'homme, mais du
citoyen.
Or
l'erreur de notre temps est qu'à force de traiter les objectifs comme des droits, nous avons négligé les vrais droits,
et n'avons pas fait ce qui était sans délai possible dans le monde
actuel pour les faire observer. L'idéologie dominante y compris dans les
églises, comme dans l'Internationale socialiste regroupant les partis
sociaux-démocrates, était marxiste et tiers-mondiste. Elle se composait
de deux idées fausses: la première, que la seule lutte réelle en faveur
des droits de l'homme consistait à supprimer en priorité la différence
entre les pauvres et les riches, entre pays sous-développés et
pays développés; la deuxième, que la cause originelle de cette différence
était le capitalisme démocratique et qu'il fallait donc l'abattre. Sous
l'empire de ce préjugé, une majorité de conducteurs d'opinion en
Occident crurent de leur devoir de minimiser ou de taire les violations
des droits de l'homme dans les pays communistes et dans le tiers-monde
- surtout le tiers-monde à orientation socialiste -, pour préserver
leurs critiques aux pays démocratiques, aux dictatures de droite, ainsi
qu'aux pays à systèmes traditionnels, semi-autoritaires ou semi-démocratiques,
s'ils étaient alliés aux puissances occidentales. Dès lors, le combat
pour les libertés était vicié par l'hypocrisie. Il perdait son plus
important caractère, l'universalité, et il perdait du même coup toute
efficacité.
La
démocratie est, en effet, ce régime paradoxal où est offerte à ceux
qui veulent l'abolir la possibilité unique de s'y préparer dans la légalité,
conformément au droit, et même de recevoir à cet effet l'appui presque
patent de l'ennemi extérieur, sans que cela passe pour une violation réellement
grave du pacte social. La frontière est indécise, la transition facile
entre l'opposant loyal, qui use d'une faculté prévue par les
institutions, et l'adversaire qui vide ces institutions mêmes. Le
totalitarisme confond le premier avec le second, de façon à justifier l'écrasement
de toute opposition; la démocratie confond le second avec le premier, de
peur d'être accusée de trahir ses propres principes.
La
démocratie se suicide si elle se laisse envahir par le mensonge, le
totalitarisme s'il se laisse envahir par la vérité.
Jean-François
REVEL
Démocratie:
L'oppression du peuple par le peuple pour le peuple.
Le
mot de démocratie signifie simplement que le peuple régit le peuple à coups
de trique dans l'intérêt du peuple.
Oscar WILDE, l'âme humaine sous le régime
socialiste
Dictature
Il
existe des pays où le développement s'est produit malgré l'inexistence
ou l'insuffisance de démocratie. L'Afrique du Sud en est précisément
un. Mais, dans tous ces cas, l'État n'a jamais confisqué l'économie. La
liberté d'entreprendre et le marché subsistent. En revanche, là où la
dictature politique se double d'une dictature économique, la pauvreté
persiste, le sous-développement est entretenu par le système
autoritaire.
Le
peuple chilien n'a jamais voté pour une révolution allendiste. Salvador
Allende parvint en tête d'un scrutin présidentiel triangulaire et fut élu,
en 1970, avec 36,3 % des voix. Mais les Chiliens n'en avaient pas moins en
majorité voté pour des partis conservateurs ou centristes, en donnant
34,98 % des voix à la droite et 27,84 % à la démocratie-chrétienne.
Jean-François
REVEL
Toujours prêts, depuis Paris ou
Londres, à dénoncer les dictature militaire, les soi-disants défenseurs
des droits de l'homme ne comprennent pas que le vrai danger vient en
réalité de Castro. Les caudillos traditionnels qu'ils soient en civil ou
en uniforme, font au moins semblant de respecter les apparences de la
démocratie. Ils admettent le principe de la souveraineté populaire :
Pinochet s'est cru obligé d'organiser des élections. Les dictateurs n'ont
pas l'ambition de contrôler les pensées du peuple : "Ils sont
autoritaires, mais ils ne sont pas totalitaires". D'ailleurs, ces
dictateurs finissent par s'en aller ; voyez le Brésil, l'Argentine et le
Chili. Mais le castrisme est d'une nature différente, plus diabolique.
Castro prétend refaire l'homme,
changer la nature humaine :
le castrisme est totalitaire, les caudillos ne le sont pas.
Octavio PAZ
Droits
naturels
Chaque
personne possède certains droits. Il s'agit là de droits naturels dont la
raison fournit la liste. La vie, la liberté, la poursuite du bonheur figurent
parmi les droits irrécusables que les hommes, égaux du point de vue
juridique, ont reçu en partage. C'est par une institution de la nature que
les hommes recherchent, d'abord, et de préférence à toute autre finalité,
leur propre intérêt. L'homme jouit d'une capacité innée de prendre des décisions
rationnelles et réfléchies dans les domaines majeurs de l'existence. Il a,
en conséquence, un droit inaliénable à mener une existence indépendante, où
il décide seul et en dernier ressort pour lui-même. Il n'est donc d'autorité
légitime que celle qui émane du consentement des gouvernés. A côté de la
liberté individuelle et de la rationalité, le contrat est l'institution clef
de la pensée libérale. Il n'y a pas, en effet, pour des individus libres,
rationnels et susceptibles de s'informer, d'autres moyens de traiter les uns
avec les autres que le contrat. Parmi toutes les formes de gouvernement,
celle-là sera libérale qui permettra le contrôle et la participation des
gouvernés au gouvernement. L'unique objectif pour lequel le gouvernement a été
établi est la préservation des droits naturels. Il a pour seule activité légitime
la conservation de ces droits. Parce que l'homme est un être libre, qu'il
connaît seul bien son intérêt et qu'il dispose de la capacité d'en
poursuivre rationnellement la réalisation, sont dits contraires à la nature
les gouvernements qui sont politiquement, économiquement ou socialement
autoritaires. Les libéraux se fondent aussi sur leur croyance à l'harmonie
de la nature et à la conciliation spontanée des intérêts pour donner un
fondement théorique au strict cantonnement du gouvernement, qui soustrait à
la politique l'essentiel des activités humaines. C'est comme une association
d'individus libres, égaux sous le rapport des droits fondamentaux, qu'est définie
la "bonne société".
A
l'inverse des conceptions holistiques ou organiques qui fondent l'intervention
économique et sociale de l'État sur l'idée qu'en l'absence d'État, il
n'est pas de société durable, les libéraux considèrent que la société a
existé avant le gouvernement et qu'elle est le produit des volontés
individuelles.
Raymond
BOURGINE
Il
y a quatre droits naturels que les prince est obligé de conserver à chacun
de ses sujets ; ils ne les tiennent que de Dieu et ils sont antérieurs à
toute loi politique et civile : la vie, l'honneur, la liberté et la
propriété.
Louis
CAPET XVI
Le droit de propriété n'est pas dérivé de
l'institution étatique.
Le prétendre serait donner raison aux colonisateurs et spoliateurs qui ont dépossédé
les africains, les amérindiens et autres aborigènes de leurs terres, puisque ne
connaissant pas l'État, ces sauvages n'auraient pu prétendre à la propriété de
quoi que ce soit (même pas de leur corps, donc l'esclavage aurait été
légitime). En réalité, chaque être humain naît capable d'être propriétaire,
puisqu'il naît capable d'interaction avec son environnement, et que le droit de
propriété règle sa juste interaction avec cet environnement.
L'expression " droit naturel " est malencontreuse. Car c'est précisément
parce qu'un être humain tire la matière de son état naturel pour l'imprégner de
son esprit qu'il crée un lien entre cette matière et lui. Les juristes
appellent ce lien " droit de propriété ". L'ordinateur avec lequel
j'écris ces lignes n'est pas " naturel " du tout. C'est bien pourquoi
il est la propriété de quelqu'un. Il a d'abord été la propriété de ceux qui ont
transformé tous les éléments qui le composent selon une vision de leur esprit
savamment conçue, puis, ces éléments devenus une merveilleuse machine, ils
m'ont transféré ce lien qu'ils avaient établis.
Qui d'autre pourrait faire valoir une prétention sur cette machine ? Ceux qui
n'ont pas participé à sa création et qui ne l'ont pas achetée ?
Christian
MICHEL
L'homme
est individu et n'est que cela, il dispose naturellement de droits ne
provenant en rien d'une société dont l'ordre doit plus à l'auto
organisation spontanée qu'à l'intervention de l'État.
Les
devoirs de l'homme ne consistent qu'en deux points: ce qu'il doit à Dieu, et
de ne point faire à autrui ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fît.
L'homme
n'est point rentré en société pour être pire qu'il était auparavant, ni
pour avoir moins de droits qu'il n'en avait, mais pour que ces droits lui
fussent mieux assurés. Ses droits naturels sont la base de tous ses droits
civils.
Les
droits naturels sont ceux qui appartiennent à l'homme en raison de son
existence: droits de l'esprit, droits d'agir comme un individu, pour sa propre
satisfaction et pour son bonheur, en tant qu'il ne blesse pas les droits
naturels d'autrui. Les droits civils sont ceux qui appartiennent à l'homme,
en ce qu'il est membre de la société. Le pouvoir civil est composé de la réunion
de cette classe de droits naturels dont la jouissance n'est pas parfaitement
au pouvoir de l'homme.
Thomas
PAINE
La première source objective du Droit est le Droit
Naturel, au sens de Locke.
La seconde est la Jurisprudence. [Attention aux mots: c'est cette seconde
qu'Hayek, qui se méfie de ce qu'on fait dire à la première, appelle
"Droit Naturel"]
Le contrat n'est PAS le Droit, ni ne le crée. Au contraire, il est même
l'incarnation même de l'Organisation sans Droit, sans contrainte extérieure.
Il est certes une modification par l'échange des propriétés respectives des
contractants ; mais il ne change rien au Droit lui-même: il ne lie pas les
tiers.
Le Droit est le même pour tous, malgré leur volonté contraire ; les contrats
sont spécifiques à chacun, issus de leur volonté.
Le "droit" fabriqué par les hommes politiques n'a rien a voir avec le
Droit naturel. Il en est même l'antithèse.
Je ne reconnais aucune valeur au "droit" politique, et qu'il se revête
de la pourpre démocratique ne lui en donne pas davantage que s'il était issu
de la cuisse d'un autocrate ou de la dictature du prolétariat. Le principe même
en est détestable. Il est basé sur la contrainte non consentie, sous la menace
des armes.
François-René
RIDEAU
Que
la société n'ait aucun droit sur les consciences, c'est ce dont on ne peut
douter.
TURGOT
Économie
mixte
Dans
notre tradition administrative, le sauvetage des entreprises ne relève
pas de la compétence publique, elle doit se régler entre particuliers
par le droit des faillites. Mais au cours des années 70, les pouvoirs
publics se sont engagés toujours plus avant dans les affaires
industrielles. Ils sont devenus la puissance tutélaire, l'ultime recours
des entrepreneurs en difficulté contre les aléas de la vie économique.
Dès
1975, les pertes annuelles de La Chapelle-Darblay atteignent les 100
millions de francs laissant entrevoir un prochain dépôt de bilan.
L'État
injecte 10 millions par mois tout en s'efforçant, mais en vain, de
trouver un repreneur français. Puis, au début des années 80, le
repreneur tant attendu se présente, c'est l'allemand Haindl. L'accueil
est plutôt froid. Les papetiers français craignent ce nouveau
concurrent et la CGT, toute puissante parmi le personnel, redoute les
suppressions d'emploi. C'est alors que le syndicat reprend à son compte
un argument massue qui a toujours rencontré un écho en France, notamment
à la libération. La Chapelle-Darblay, premier producteur de
papier-journal en France, est une "industrie stratégique" dont
dépendent la liberté d'expression et le droit à l'information, elle ne
saurait donc passer sous contrôle étranger. Du coup, les Allemands se
retirent. Le dépôt de bilan, inévitable, intervient en décembre 1980.
Mais le gouvernement n'ose pas aller jusqu'à la liquidation judiciaire.
Une crainte moins inspirée par notre approvisionnement en papier journal
que par les réactions d'une CGT très combative. La papeterie devient
donc une "commandite publique": l'État apporte seul et pour une
période prolongée un soutien financier à une entreprise qui, à défaut,
disparaîtrait. Dans l'attente d'un messie qui a toutes les chances d'être
étranger, la Chapelle-Darblay aura reçu, de 1978 à 1984, 421,7 millions
de prêts et 190 millions de subventions.
Après
une tentative de reprise par le groupe néerlandais Parenco, mise en échec
par la CGT, Fabius, court-circuitant les administrations concernées,
traite avec le canadien John Kilia. Par l'intermédiaire d'une cascade de
holdings, celui-ci prend "à titre personnel" le contrôle de
l'entreprise qui bénéficie d'une aide publique sans précédent: 2,5
milliards de francs sous forme de subventions, prêts participatifs ou prêts
bancaires bonifiés s'ajoutant aux 500 millions déjà versés. Pour ce
prix le repreneur s'engage à conserver les 2 usines, ce qui calme la CGT.
Le nouveau patron n'apporte guère que sa compétence et une mise de 3
millions de francs. Ce qui ne l'empêchera pas de domicilier dans un
paradis fiscal la société qui contrôle l'ensemble. Le montage est à ce
point ahurissant que Paribas et l'IDI attendent l'ordre écrit de la
Direction du Trésor pour donner leur accord. La Cour des Comptes ne
manquera pas de souligner la "grande dissymétrie" entre les 3
millions apportés par le repreneur et les 2 540 millions de concours
publics prévus dans ce plan. Ainsi un homme seul se voit confier près de
3 milliards de francs pour reprendre près de 1 000 salariés. Pour situer
les chiffres, on peut noter que les crédits du ministère de
l'Environnement en 1992 ont atteint 1,3 milliard de francs. Si l'on
actualise, on voit que la Chapelle-Darblay a reçu des concours d'un
montant quatre fois plus élevé.
Les
emplois sauvés seront donc revenus à 3 millions de francs l'unité : dix
fois plus que ceux créés dans les PME, soit une vie de salaire ouvrier.
Si
le contribuable ne trouve pas son compte dans cette histoire, le ministre,
lui, y gagne un siège à perpétuité. Les habitants de l'arrondissement
ne risquent guère de lui reprocher le gaspillage des deniers publics. Ils
ne voient que cette usine de Grand-Couronne vouée à la friche
industrielle et qui va connaître une nouvelle jeunesse, ils voient
surtout ces salariés condamnés au chômage et qui se trouvent confirmés
dans leur emploi. Tout cela grâce à Laurent Fabius l'élu de la
circonscription. Pour un tel bienfait, ils voteront pour lui... et même
pour sa descendance. Si pour 3 milliards on ne pouvait gagner la fidélité
des électeurs ce serait à désespérer du suffrage universel.
Après
l'alternance et le chouchoutage du nouveau gouvernement pour François
Pinault, ce dernier revendra son acquisition à 2 groupes papetiers
scandinaves, réalisant une plus-value de 425 millions de francs. Aucune
clause de retour à bonne fortune ne prévoit qu'elle doive revenir à l'État, le grand financier de l'affaire.
François
de CLOSETS
Ne
nous dit-on pas que doivent cohabiter deux types d'entreprises, les unes régies
par les règles du privé, les autres mues par un impératif d'intérêt général,
et que de leur émulation naît le progrès ? Absurde évidemment: quelle
mission d'ordre supérieur Renault assure-t-elle que Peugeot méprise ? La
vitrine sociale ? Elle est enfin cassée, qui avait conduit la Régie au
bord du gouffre. Les vertus du bon contribuable ? Peugeot se vante, à bon
droit, d'avoir payé davantage d'impôts, et de s'être sauvée de la
faillite sans subventions publiques. L'attitude à l'égard des
sous-traitants et de l'environnement ? Elle est évidemment la même. Si
les entreprises publiques suivaient une autre logique que les entreprises
privées, les lois de la concurrence les ramèneraient à la raison et,
pour s'y être essayées en 1982, elles en connaissent le prix.
La
société de marché ne peut, elle, tabler sur la moindre pression européenne
pour forcer les résistances. Il n'existe de grand marché ni pour l'éducation,
ni pour les systèmes sociaux, ni pour les services publics. Seules
l'inefficacité et l'improductivité pourraient conduire, par le long détour
d'une prise de conscience, à l'introduction d'un minimum de marché.
Alain
MINC
Le
gouvernement n'est pas la solution, il est le problème
Ronald
REAGAN
Afin
de comprendre pourquoi la plupart des réformes libérales échouent dans
les systèmes centralisés, on peut songer à la différence qui existe en
chimie entre une combinaison et un mélange. Quand on "injecte du
marché", comme le disent les bureaucrates, dans une économie
collectivisée ou dirigée, on obtient un mélange, c'est à dire une
simple superposition de substances hétérogènes qui ne créent aucune
dynamique nouvelle. En revanche, dans une véritable économie de marché,
les diverses substances qui la composent s'associent entre elles selon des
proportions déterminées pour former une combinaison, c'est à dire
donner un nouveau corps qui ne pourra plus se désagréger ni revenir à
ses éléments primitifs. La combinaison possède la stabilité d'une
structure homogène et originale.
La
toute-puissance du ministère japonais de l'Économie, le célèbre MITI
est mythique. Un des moteurs secrets du commerce extérieur japonais est,
tout à l'opposé d'une quelconque planification ou coordination,
l'intensité de la concurrence intérieure. Ainsi, dans l'informatique, le
Japon est le seul pays où coexistent 14 firmes concurrentes, toutes privées.
En fait d'omnipotence, au début des années 80, le MITI avait suggéré
aux divers constructeurs d'automobiles de se regrouper. Les constructeurs
trouvèrent cette idée stupide, et elle ne reçut pas le moindre
commencement d'exécution, ce qui prouve bien que le MITI n'avait pas le
pouvoir de l'imposer. Quand le gouvernement paraît intervenir, c'est
qu'il le fait en opérant dans un sens déjà indiqué par
l'investissement privé, appuyé sur le progrès technologique et le marché
concurrentiel. En outre, dans les 4 dragons asiatiques, l'efficacité du
libéralisme d'État s'est révélée être le meilleur allié de l'égalité:
sans redistribution égalitaire, les 4 ont une échelle de revenus plus égalitaire
que celle de la Suède.
Dans "Le rejet de
l'État"
L'État
s'approprie une quantité croissante de branches d'activités non pas pour mieux le faire fonctionner mais pour accroître son pouvoir.
Son but est de se renforcer lui-même, de détruire tout pouvoir distinct du
sien, tout pouvoir qui lui demeure extérieur : il veut l'absorber, non pour le
rendre plus productif, mais pour nourrir le sien propre. C'est tout le secret
des nationalisations, et en particulier celle du crédit, dont le mobile,
exclusivement politique, reste étranger à l'économie et aux exigences de la
prospérité nationale. Les citoyens n'ont qu'à moins bien vivre pour que l'État
soit plus fort ! - pour lui, pas pour la société. Ce penchant ne date pas de
la prise de pouvoir par les socialistes.
Jean-François
REVEL
Économie
de la transition
Remettre
en route une économie déjà libérale, qui vient d'être soit ralentie
par des erreurs de gestion, soit brisée par les destructions matérielles
d'une guerre, ne peut se comparer avec l'acte, jusqu'alors jamais
accompli, de faire rentrer dans le marché une économie qui en est sortie
et qui a été dépouillée de tous les mécanismes économiques de base,
de tous les savoir-faire élémentaires, y compris ceux qu'elle avait
acquis durant les périodes pré-capitalistes et pré-industrielles. De
1990 à 1992, 100 milliards de DM ont été investis dans la partie
orientale de la nouvelle Allemagne sans autre résultat que d'en
précipiter le délabrement. Entre 1946 et 1952, seulement 7 milliards de
DM (calculés en marks de 1990) avaient suffi à financer le miracle
allemand dans la République fédérale. Celle-ci comptait alors 55
millions d'habitants. Le crédit alloué y fut donc, par habitant,
de 800 DM. La RDA compte en 1990 17 millions d'habitants: le crédit en
moyenne y a donc été, sur 2 ans - et non 6 -, de 6 100 DM par habitant,
sans produire le moindre miracle. La Treuhand, agence créée en 1990 pour
démanteler et privatiser l'industrie est-allemande, n'en est encore en
1992 qu'au démantèlement. C'est que la privatisation est loin de
constituer une panacée, car la plupart des entreprises léguées par le
communisme ne peuvent tenter aucun acheteur sensé. Elles n'ont jamais
été modernisées depuis 1945 ou 1950, et certaines jamais, même, depuis
Guillaume II ! Elles sont bonnes pour la casse et rien d'autre. En Pologne
aussi, les entreprises que le ministère de la Transformation de la
propriété veut privatiser tombent en faillite et ferment. Le plus
spectaculaire exemple de chute est celui de la célèbre usine de
tracteurs Ursus (90 000 employés) en juillet 1991. Produisant de mauvais
engins à des prix excessifs, elle ne pouvait d'aucune façon s'insérer
dans l'économie européenne. Le gouvernement polonais souhaitait
privatiser 6 000 entreprises en 3 ans. Or en juillet 1991, il en avait
partiellement privatisé 7 et mis 4 000 en liquidation ! L'Est, incapable
de résister à la concurrence, atteint par endroits, à la fin de 1991,
des taux de chômage de 50%. A des usines immodernisables, à une main d'œuvre
inadaptable s'ajoute, en Pologne comme en Allemagne de l'est,
comme en Hongrie, le manque de juristes et d'avocats compétents dans le
maquis épineux des contrats de privatisation, en particulier de
privatisation des terres.
D'une
enquête approfondie sur l'agriculture tchèque, il ressortait que la
"collectivisation des terres et la spécialisation des tâches ont
rendu les gens incapables de gérer seuls une exploitation". C'était
la première fois que cela se produisait depuis le Néolithique. Quel tour
de force ! La pureté de la nature souillée par une pollution
dévastatrice (on apprenait en septembre 1991 que, de 1964 à 1986, la
flotte soviétique a régulièrement déversé dans les océans des
déchets radioactifs, en violation de toutes les conventions
internationales), l'ingéniosité des hommes étiolée par des habitudes
de passivité servile; on peut dire du communisme ce qu'on disait
d'Attila: "Rien ne repousse là où il est passé."
Jean-François
REVEL
Égalité
Cette
même égalité qui rend l'individu indépendant de chacun de ses concitoyens
en particulier, le livre isolé et sans défense à l'action du plus grand
nombre.
Les
Français veulent l'égalité, et quand ils ne le trouvent pas dans la
liberté, ils la souhaitent dans l'esclavage.
Alexis
de TOCQUEVILLE, l'ancien régime et la révolution
Environnement
La
Liberté, c'est la non-nuisance à autrui. Or, polluer est une agression. Cette
agression peut impliquer ou non des sanctions pénales. Elle oblige à des réparations
civiles, comme nous y invite l'article 1382 du Code civil : "Tout fait
quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute
duquel il arrive à le réparer".
La
plupart des atteintes à l'environnement que l'on prétend être la conséquence
d'une société de libertés sont en fait une déficience dans la mise en oeuvre
de ce principe de responsabilité, ou une dégradation de ce principe.
Sous
l'ancien régime, les pollutions industrielles, les rejets d'ordures et les
troubles de voisinage étaient traités comme des "violations de propriété".
Plus
tard, sous l'Empire, la mise en oeuvre du Code civil, est restée fidèle à
cette tradition juridique. Le fait que l'administration délivre à un établissement
polluant ou dangereux une autorisation d'exercice n'avait pas pour effet de délivrer
son propriétaire de sa "responsabilité civile en cas de plainte des
voisins". Vers le milieu du 19ème
siècle, cette pratique de la jurisprudence disparaît. La gestion des risques
d'environnement a ainsi échappé au droit pour devenir la responsabilité
directe d'un État réglementaire, gouverné par des considérations d'opportunités
économiques et politiques.
Ce
principe d'opportunité allait jouer en faveur des intérêts industriels à une
époque où, rappelons-le, les cheminées d'usines et leurs fumées, les
transformateurs électriques au cœur des villages apparaissaient comme des
symboles de prospérité. Le résultat, c'est la situation actuelle du droit de
l'environnement en France. Ce ne sont pourtant pas les textes qui manquent. Nous
avons beaucoup de lois et de règlements, mais nous n'avons pas de Droit, au
sens d'un système de responsabilité organisé autour de quelques principes
unificateurs. Au total, plusieurs administrations gèrent les mêmes choses mais
avec des droits différents et sans unité de droit. Dans le droit de
l'environnement, la place du droit public ou du droit administratif est immense,
la place du droit civil extrêmement limitée et la place du droit pénal reléguée
au second rang, cantonnée dans un rôle auxiliaire du droit administratif et
non directement protecteur.
La
faiblesse du droit pénal se traduit par le fait que la majorité, si ce n'est
la presque totalité du droit pénal de l'environnement, est constituée par des
contraventions, sanction la plus faible du droit pénal. Ce qu'elle vise, ce
n'est pas la pollution en elle-même, mais simplement le non-respect par les intéressés
des prescriptions administratives. Ce qui est réprimé, ce n'est pas le fait
de polluer, mais l'infraction à la réglementation. Autre conséquence : dans
la pratique, il est presque impossible d'obtenir l'ouverture d'une instruction
en matière de pollution si cette pollution est punie d'une simple
contravention.
Alain MADELIN
Rien
n'est moins naturel que ce que l'on appelle la nature. Les betteraves et les
maïs qui nous environnent résultent de siècles de sélections et de mariages
contraints qui ne se seraient jamais produits spontanément. Aucune des plantes
qui constituent les bases de notre alimentation ne survivrait si le fermier n'y
ajoutait en permanence de l'eau, des engrais, des désherbants, des
insecticides, des pesticides, entre autres soins constants. Considérons la
betterave : à l'origine, c'était une herbe sauvage qui poussait sur les rives
de le Méditerranée. Le maïs ? Tel que nous le connaissons, il est le
résultat de 9 000 ans de sélection initiée par les Mexicains et poursuivie en
Europe à partir d'une herbe venue d'Amérique, la théosinthe. Nul écologiste,
nul amateur d'agriculture dite biologique ne s'offusque de ces artifices ; la
manipulation des espèces, aussi ancienne que la plus ancienne de nos
civilisations, rend nature et culture indissociables.
Les
OGM représentent bien dans l'ordre du vivant une nouvelle genèse, puisqu'il
est désormais possible, sinon permis, de créer des espèces inédites non plus
seulement en mariant des cousins au sein d'espèces existantes, par hybridation,
mais en croisant des gènes d'espèces jusque là totalement étrangères les
unes aux autres, non seulement au sein du règne animal , mais aussi entre
espèces végétales et animales...
...Voilà
donc une innovation qui ne semble présenter que des avantages. Si on la
considère sous l'angle de l'écologie, on constate qu'elle combine des
éléments qui appartiennent déjà à la nature ; cet OGM permet une
exploitation plus économe en insecticides, ce qui fait que la pollution des
sols et des eaux s'en trouve réduite. A ce bénéfice écologique s'ajoute un
avantage économique évident : s'il est exact que le prix auquel l'exploitant
devra acquérir la semence de maïs Bt est plus élevé que la semence hybride
antérieure - il faut bien rémunérer la propriété intellectuelle de
l'inventeur -, ce surcoût est largement compensé par l'économie réalisée
sur les achats d'insecticides et par l'augmentation de la production de
céréales. Cette baisse du coût de revient moyen du maïs pourra, en fonction
des règles du marché ou de la politique suivie, profiter à l'exploitant qui
s'enrichira, au contribuable qui subventionnera moins les producteurs, ou au
consommateur qui trouve du maïs dans un grand nombre de produits qu'il achète.
Guy
SORMAN, "Le progrès et ses ennemis"
Etat-Providence
Le
culte de la providence étatique s'est répandu de manière insidieuse,
presque honteuse, sous le septennat de Giscard. A partir de mai 1981, en
revanche, il correspond aux idées de la nouvelle majorité et s'affirme
comme un principe de gouvernement. Désormais l'argent du contribuable est
engagé sur les objectifs les plus variés. Qu'il s'agisse de favoriser
le tourisme ou de protéger le patrimoine, de créer des emplois ou d'éviter
les licenciements, d'insérer les immigrés ou de soutenir la création théâtrale,
il est toujours légitime d'ouvrir une ligne budgétaire, de dégager un
crédit. Cet étatisme envahissant a fini par provoquer une prévisible réaction.
La dépense publique après avoir été célébrée se trouve vouée aux gémonies,
superbe controverse doctrinale entre socialistes et libéraux.
François
de CLOSETS "Tant et plus !" 1992
Savez-vous ce que disent
souvent les guérilleros ? Ils affirment que leur mouvement ne craint pas
la guerre économique parce qu’ils ne possèdent pas d’économie, qu’il vivent en
parasite sur ceux qu’il veulent renverser. Les malheureux ne se doutent pas
qu’ils refusent simplement d’accréditer la monnaie dans laquelle ils seront au
bout du compte obligés de payer. Le processus est inexorable dans sa
dégénérescence. On le voit répété dans les systèmes de l’esclavagisme, de
l’Etat-Providence, des religion de castes, de bureaucraties socialisantes – et
dans tout système qui crée et
entretient des dépendances. Un peu trop longtemps parasite, et l’on ne peut plus
vivre sans hôte.
Frank HERBERT,
L’Empereur-Dieu de Dune,1981
"Toute loi,
prescription ou défense, édictée en vue du soi-disant intérêt de la
masse au détriment des individus, est une duperie. Que l'individu se développe
au contraire dans la plénitude de sa liberté, et la masse jouira d'un
bonheur total fait de tous les bonheurs particuliers."
Jules VERNE, Les
naufragés du Jonathan, p.174
Fascisme
Nous
avons été les premiers à affirmer que plus les formes de civilisation sont
compliquées, plus la liberté individuelle doit être restreinte.
Benito
MUSSOLINI
Fiscalité
Article
14. Les
citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants,
la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en
suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et
la durée.
Article
15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration.
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (26/8/1789)
La
libération des mouvements de capitaux en Europe sera un formidable accélérateur.
Dès lors que, le premier juillet 1990, les flux seront libres et que
chacun pourra placer son épargne à sa guise, les écarts d'imposition
deviendront discriminatoires. Entre un plan d'épargne logement à Édimbourg, une SICAV luxembourgeoise et un fonds d'investissement spécialisé
en Espagne, l'épargnant, sollicité de toutes parts, choisira en fonction
du rendement et de la fiscalité. Les tentatives de la Commission ont fait
long feu, qui visaient à instaurer une retenue à la source
significative. Le chiffre avancé de 20% n'a pas tenu face à la
Grande-Bretagne, trop attachée aux avantages que la City peut tirer de
placements défiscalisés; à la République fédérale qui a abandonné
une retenue ayant provoqué il y a quelques mois une fuite inattendue de
capitaux; au Luxembourg, soucieux de préserver son principal instrument
de compétitivité, sa fiscalité à taux zéro. Même si des
faux-semblants s'imposent un moment, le mouvement est irréversible, qui
conduira à une exonération complète des revenus des capitaux en Europe.
Ce sera, dans la course à la conquête de l'épargne, un évènement
majeur de voir ainsi une des trois économies dominantes devenir un
"continent fiscalement off-shore": l'exception sera devenue la règle,
et la pression sera forte sur les USA et le Japon pour qu'ils alignent
leur propre fiscalité, sous peine d'énormes distorsions des placements
au profit de l'Europe.
Le
grand marché ne réduit pas le libéralisme à la libre circulation des
produits ; il porte en germe l'alignement des budgets publics et sociaux
sur le minimum européen, et donc sur l'État le moins social-démocrate.
Poussée jusqu'à son paroxysme, la concurrence des produits et des
services entraîne l'harmonisation des charges fiscales et sociales. Elle
exerce donc une pression naturelle à la baisse des impôts. Derrière
1992 se profile le recalibrage budgétaire du rôle de l'État, la réduction
de ses ressources et donc le rétrécissement de sa capacité d'action.
Alain
MINC "L'argent fou" 1990
Fonction
publique
Le gouvernement devra s’appuyer
sur les plus vils des sujets, ceux qui ont quelque chose à se reprocher,
car le fait d’avoir un emploi public redorera leur blason, et comme ils
sauront qu’ils ne doivent pas cette position à leurs propres mérites,
mais uniquement à la faveur discrétionnaire du Prince, ils seront
obligés d’être fidèles à celui-ci en toutes circonstances, alors que
d’honnêtes gens pourraient se croire fondés à adopter un comportement
indépendant.
Nicolas MACHIAVEL
(Le Prince, XX)
Il est
contraire à la démocratie qu'un parti profite de son passage au gouvernement
pour accaparer l'Etat à son profit, de manière à conserver au moins
partiellement cet avantage quelque soit le résultat de futures élections.
Il est
assez facile en France de mener à bien cette opération pour deux raisons. En
premier lieu, telles sont les institutions de la Cinquième République qu'en
pratique c'est l'exécutif qui fait la loi. La seconde des raisons qui facile
cette tâche tient à l'ampleur des services publics et de la bureaucratie
administrative, surtout lorsque l'on fonctionnarise, comme depuis 1981, le plus
possible d'agents, de façon à les rendre intouchables lors d'un éventuel
changement de majorité.
La
politisation des grands services publics et notamment la confiscation de
certains des plus importants d'entre eux par le PCF, à des fins à la fois
politiques et lucratives, explique sans doute pour une large part la nouvelle méfiance
à l'égard de l'Etat. Par exemple 75% des membres du corps enseignant votent à
gauche, soit environ 40% de plus, en 1984, que la moyenne nationale. C'est le
droit de chaque enseignant, dans l'isoloir, en tant que citoyen, de voter comme
il l'entend : mais cela ne lui confère aucun droit en tant que fonctionnaire.
Jean-François
REVEL
Face
à son déclassement, la Nomenklatura s'accroche à ses privilèges. Au
nom de quelle légitimité supérieure, des jeunes gens de 20 ans se
verraient attribuer, tel un brevet d'officier d'Ancien Régime, un droit
sur la société, irrévocable et incontestable ? Pourquoi, toute leur vie, le fait d'appartenir à un grand corps
d'État leur permettrait-il de réussir plus vite dans les affaires ou dans
la politique, d'appartenir ès qualités à l'establishment, de disposer
d'une possibilité de retour, telle une base arrière, après chaque
incursion professionnelle nouvelle ? Quelles compétences spécifiques, liées
à l'appartenance administrative, leur garantissent-elles la réussite
professionnelle ? Si, à l'intérieur des grilles de jugement de la
technocratie, ils semblent échouer, d'où vient que leur soit assuré un
statut minimum hors de portée de cadres plus méritants mains moins
"bien nés" ? Car il s'agit bien d'une deuxième naissance qui
fabrique une noblesse d'adolescence, forte de privilèges, auxquels aucune
aristocratie traditionnelle n'oserait prétendre. La plupart des hommes politiques: membres des grands corps de
l'État ou, au minimum, énarques.
La plupart des patrons de banques et d'entreprises: membres de la même
franc-maçonnerie. Sans compter les ramifications vers les services, les médias,
le monde culturel. Aucun autre pays ne concentre autant de pouvoirs entre
les mains d'un "club" aussi restreint, sauf le Japon.
Alain
MINC
Je
n'ai jamais vu beaucoup de bien fait par ceux qui affectaient de commercer
pour le bien public.
Adam
SMITH
Guerre
froide
En
1953, il aurait suffi d'un simple geste des démocraties occidentales, au
moment propice, pour entraîner à la fois l'abandon de l'Allemagne
orientale par le Kremlin et la réunification de l'Allemagne. Tout un
dispositif était prêt pour provoquer ce bouleversement: l'accession au
pouvoir du tandem Eisenhower - John Foster Dulles (janvier); le décès de
Staline (mars); les interventions de Beria, l'homme le plus puissant du
moment, aux réunions du bureau politique du PCUS en faveur d'une
Allemagne réunifiée et neutralisée (avril, mai et juin); l'insurrection
générale et l'ébranlement du pouvoir communiste en Allemagne orientale
(17 juin). Le peuple allemand se trouvait au "rendez-vous de
l'histoire", mais pas les responsables occidentaux.
De
même, toutes les conditions, à la fois politiques et juridiques, se
trouvaient réunies en 1956 pour que la Hongrie passât à l'Ouest ou, du
moins, devint un pays neutre, comme l'Autriche. Le Kremlin s'y était résigné,
jusqu'au moment où il prit conscience de la passivité occidentale. De
sorte qu'on peut dire, sans exagération, que les démocrates ont alors
repoussé la Hongrie dans les bras de l'Union soviétique. La même décision
ou indécision a joué au moment de l'érection du mur de Berlin, en 1961.
Nous savons maintenant que Khrouchtchev avait donné l'ordre aux autorités
est-allemandes d'interrompre sans délai la construction au cas où les
Alliés enverraient sur les lieux un détachement militaire. Ainsi les
analystes qui, à la fin de 1989, s'extasiaient devant le spectacle "imprévisible" des régimes
communistes d'Europe centrale chassés en trois mois oubliaient que, si
des actions appropriées avaient été accomplies à des moments propices,
cet "imprévisible" aurait été, en 1989, de l'histoire
ancienne.
Parlant
de la "Chute finale", Emmanuel Todd a donc raison d'écrire:
"La réussite de cet ensemble prédictif ne fait certes pas de
l'histoire une discipline scientifique, mais elle suggère cependant que
le scepticisme de Popper concernant la possibilité de produire des prédictions
historiques valables n'est pas absolument raisonnable". Il a raison,
sous cette réserve que, même si un certain nombre de "causes
prochaines" n'en avaient pas provoqué la réalisation à moyen
terme, son analyse de la sphère soviétique n'en aurait pas moins été
juste. Le terme aurait été retardé, mais les causes lointaines auraient
de toute façon joué. Ce qui eût été capital, toutefois, pour ceux qui
l'auraient vécu, c'est le retard. Avec une politique plus énergique de
la part des démocraties, Hitler aurait pu être contenu, voire renversé,
avant la fin des années 30 ; répondre que sa chute devait se produire inévitablement
et qu'elle s'est effectivement produite en 1945 n'est pas une réponse.
C'en est une sur le plan des structures - le système nazi était condamné
à terme -, pas sur le plan de la vie des hommes : le mal qu'a fait Hitler
entre 1938 et 1945 aurait pu être épargné à l'humanité, et c'était
cela, l'enjeu de l'action politique. De même, si l'Union soviétique s'était
désintégrée dès les années 20, avant le panstalinisme, ce qui eût été
conforme à la logique, vu le palmarès du système, l'histoire du XXième
siècle ne ressemblerait presque pas à celle que nous avons vécue.
Les
causes prochaines, en l'occurrence, pesèrent plus lourd sur le sort réel
des humains que les indicateurs structurels. Sans les causes accidentelles
- c'est-à-dire non certes accidentelles en elles-mêmes, mais dues à de
libres décisions et passant par nature entre les mailles du filet de la
prospective - une prévision "juste" bien souvent ne se réalise
pas, ou en tout cas pas assez vite pour présenter un intérêt pratique
à l'échelle de la vie humaine.
Le
programme reaganien de "guerre des étoiles" (IDS) plongea la
direction soviétique dans un profond affolement et accrut son sentiment
d'infériorité en lui faisant prendre conscience de l'immensité de son
retard technologique, désormais sans espoir de rattrapage.
Jean-François
REVEL
Les
hommes de l'État
A
la base de toutes les doctrines totalitaires se trouve la croyance que les
gouvernants sont plus sages et d'un esprit plus élevé que leurs sujets, qu'ils
savent mieux qu'eux ce qui leur est profitable.
Ludwig
VON MISES
Les
hommes qui ignorent le plus complètement l'état d'un pays sont presque
toujours ceux qui le représentent.
Pierre
Joseph PROUDHON
Le
but de l'homme créateur est de conquérir la nature ; celui du parasite est de
conquérir l'homme.
Ayn
RAND
Ceux
qui jouent un rôle public important ne se préoccupent que de leurs intérêts
personnels, qu'ils déguisent en prétendues mesures pour le bien de la
République.
SALUSTE
Islam
En
terre démocratique, l'esprit islamique se révèle réfractaire à la
civilisation du pluralisme que nous avons mis des siècles à construire,
une civilisation où la religion est une affaire privée, où aucune
religion ne jouit d'un privilège par rapport aux autres, où aucune ne
peut exiger l'appui de la force publique en fonction de son dogme et en
dehors de ce qui découle du droit commun, une civilisation, enfin, où
c'est l'opinion qui tient en échec la violence, et non la violence qui
tient en échec l'opinion.
Jean-François
REVEL
Justice
dans l'intérêt général
La
jurisprudence du Conseil d'État condescend rarement à exposer dans ses décisions
les tenants et les aboutissants de ce qu'il considère être l'intérêt général
ou encore des théories jurisprudentielles comme celles des "actes de
gouvernement" (décisions gouvernementales qui ne peuvent faire l'objet
d'un recours), ou l'application du principe à la fois régalien et incompréhensible
dans un système qui se prétend un État de droit. "Ouvrage public mal
planté ne se détruit pas". (Cet adage, dont la formulation fleure bon
l'ancien régime, est tout simplement scandaleux. En l'occurrence, l'illégalité,
si elle est commise par l'État, est couverte par cette prohibition d'un autre âge.
Ce sont ces références et ce système de valeurs à la fois prégnant et imprécis
qui servent d'autojustification à la haute fonction publique, qui lui assurent
sa légitimité à l'égard du pouvoir politique et des citoyens. Ils sont
acquis par la transmission d'une génération à l'autre et par la socialisation
des futurs fonctionnaires au sein d'une école, l'ENA, dont chacun reconnaît
volontiers qu'elle n'a guère de fonction d'enseignement.
Le
Conseil d'État n'a pas besoin d'expliciter dans ses arrêts ce qu'est l'intérêt
général ou l'utilité publique. Il suffit, littéralement, qu'il le dise:
"Considérant qu'il est de l'intérêt général...". Le gouvernement
n'a pas besoin d'insister beaucoup lorsqu'il veut condamner une attitude ou rejeter
une demande. Deux mots seulement suffisent pour jeter l'opprobre:
"intérêts particuliers". Les formes de cette universalisme rhétorique
sont si bien intériorisées que pas un élu, même d'un parti extrême,
n'acceptera d'être le mandataire de ses seuls électeurs. Par le miracle de l'élection
au suffrage universel, il est l'élu de tous. Même chanson du côté des
fonctionnaires: leurs syndicats ne défendent pas des intérêts catégoriels
mais la fonction publique; les hauts fonctionnaires sont des "grand commis
de l'État" et les autres sont les agents dévoués du service public; les
citoyens eux-mêmes ont si bien fait leurs ces valeurs qu'ils revendiquent, au
nom de l'égalité et de la justice, des règles identiques pour tous, même
lorsqu'elles ont pour résultat paradoxal d'être inadaptées, inégalitaires ou
iniques.
Yves
MENY
Les
lois ne sont pas faîtes pour défendre les individus contre l'État, mais pour
défendre l'État contre les individus.
MOLOTOV
Justice
sociale
: L'Etat-Providence
fonctionne-t-il, au service de l'intérêt général, quand les exclus en
sont exclus ?
Il
n'y a rien de plus injuste que de traiter également des choses inégales.
ARISTOTE
Vous
ne pouvez donner de l'argent aux uns qu'en le prenant aux autres !
Frédéric
BASTIAT
La
seule justice sociale est celle du respect des règles de juste conduite
et de liberté des individus et non celle du résultat en matière de
revenu.
Friedrich
HAYEK
Un
moindre recours au système sanitaire; un éloignement de fait des régimes
de retraite; l'incapacité de bénéficier des allocations familiales;
l'impossibilité de toucher des allocations chômage: toutes ces
prestations sont faites pour des citoyens recensés, ayant un domicile
fixe, susceptibles de remplir des formulaires et de disposer d'une adresse
pour recevoir les virements.
L'intérêt
général a eu bon dos, le jour de 1982 où le gouvernement a fait porter
sur l'indemnisation du chômage de longue durée les 10 milliards d'économie
qu'il devait faire en catastrophe; les partenaires sociaux n'ont pas mis
longtemps à
valider
cette décision par un accord inter-professionnel. Ce n'était que la préfiguration
des multiples effets pervers qu'entraîneront les économies à réaliser,
dès lors que, dans le respect des normes apparemment égalitaires du système,
elles tomberont sur les plus modestes.
Alain
MINC
Je
ne connais de pire injustice que de donner à ceux qui ne méritent pas.
Ayn
RAND
Libre
et responsable
L'homme
est libre, et parce qu'il est libre, il est responsable. C'est notre
force.
Yves
COPPENS
L'extension
de la liberté est le principal agent du perfectionnement des individus.
Albert
SCHATZ
Libre-échange
Je conçois
le principe du libre-échange comme moralement aussi fondamental que l’est en
physique la loi de la gravitation. Le libre-échange réunit l’humanité, écarte
tout antagonisme de race, de credo et
de langue, il est la condition d’une paix éternelle entre les hommes. Je
crois que le libre-échange aura pour effet de changer la face du monde dans la
mesure où les systèmes de gouvernement que nous connaissons en seront
bouleversés. Je crois que la volonté de construire des super États, des armées
gigantesques va disparaître alors que l’humanité ne deviendra qu’une seule
famille dont chaque individu pourra librement échanger les fruits de son
travail avec ses frères humains.
Richard
COBDEN
Les
êtres humains sont des lieux d’échanges, ils sont essentiellement dépendants
de leur échanges…Si vos échanges s’arrêtent, vous régressez dans l’échelle
de complexité, vous n’êtes plus qu’un ensemble de molécules.
Hubert
REEVES. « L’heure de s’enivrer »
Obscurantisme
A plusieurs reprises,
dans le passé, l'humanité ne frôla des découvertes essentielles que pour
renoncer à les poursuivre. Observons ce qui s'est produit il y a 2500 ans
dans les îles grecques. En Ionie, à la croisée des civilisations perse,
phénicienne, grecque, égyptienne, Hippocrate a créé la médecine, Anaximandre a
tracé la première carte des constellations, Empédocle a pressenti l'évolution
des espèces, Pythagore a fondé l'arithmétique, et Thalès la géométrie,
Démocrite eut l'intuition de la structure atomique de la matière. Néanmoins,
un siècle plus tard, les forces de l'obscurantisme l'emportèrent et il fallut
attendre 2000 ans pour retrouver cette première ébauche de la science moderne.
Nous craignons le
changement au moins autant que nous en sommes curieux. On dit que l'Occident
est le berceau de la liberté, mais il est aussi tenté en permanence par la
fuite loin de la liberté et de la connaissance. Nous sommes dans une de ces
périodes où l'humanité hésite. Nous mesurons bien les apports de la science,
mais nous sommes tout autant en quête de repères et de mentors qui nous
déchargeraient de nos responsabilités.
Tel serait le sens de
la résurgence actuelle de tous les intégrismes. Les nouveaux obscurantistes,
religieux ou totalitaires, seraient disposés à se rallier à une même devise :
"Arrêtez de penser !"
Carl SAGAN
Propriété
Placés
aux deux extrêmes du monde moral, le sauvage et le penseur ont également
horreur de la propriété.
Honoré
de BALZAC, la peau de chagrin
Point
de propriété sans liberté ; point de liberté sans sûreté.
Pierre
DUPONT DE NEMOURS, De l'origine et des progrès d'une science nouvelle
La
société, disaient les économistes du dix-huitième siècle, s’organise en
vertu de lois naturelles ; ces lois ont pour essence la Justice et
l‘Utilité. Lorsqu’elles sont méconnues, la société souffre ;
lorsqu’elles sont pleinement respectées, la société jouit d’un maximum
d’abondance, et la justice règne dans les relations des hommes.
Ces
lois providentielles sont-elles aujourd’hui respectées ou méconnues ?
Les souffrances des masses ont-elles leur source dans les lois économiques qui
gouvernent la société ou dans les entraves apportées à l’action
bienfaisante de ces lois ? Telle est la question que les événements ont
posée.
A
cette question, les écoles socialistes répondent tantôt en niant que le monde
économique soit, comme le monde physique, gouverné par des lois naturelles ;
tantôt en affirmant que ces lois sont imparfaites ou vicieuse, et que les maux
de la société proviennent de leurs imperfections ou de leurs vices. Les
plus timides concluent qu’il les faut modifier ; les plus audacieux sont
d’avis qu’il faut faire table rase d’une Organisation radicalement
mauvaise et la remplacer par une Organisation nouvelle. La
base sur laquelle repose tout l’édifice de la société, c’est la propriété ;
les socialistes s’efforcent donc d’altérer ou de détruire le principe de
la propriété.
Les
conservateurs défendent la propriété ; mais ils la défendent mal. Voici
pourquoi.
Les
conservateurs sont naturellement partisans du statu quo ; ils trouvent que
le monde va bien comme il va, et ils s’épouvantent à la seule idée d’y
rien changer. Ils évitent, en conséquence, de sonder les profondeurs de la
société, dans la crainte d’y rencontrer des souffrances qui nécessiteraient
une réforme quelconque dans les institutions actuelles.
D’un
autre côté, ils n’aiment pas les théories, et ils ont peu de foi dans les
principes. Ce n’est qu’à leur corps défendant qu’ils engagent une
discussion sur la propriété ; on dirait qu’ils redoutent la lumière
pour ce principe sacré. A l’exemple de ces chrétiens ignorants et sauvages
qui proscrivaient jadis les hérétiques au lieu de les réfuter, ils invoquent
la loi, de préférence à la science, pour avoir raison des aberrations du
socialisme.
Il
m’a semblé que l’hérésie socialiste exigeait une autre réfutation et la
propriété une autre défense.
Reconnaissant,
avec tous les économistes, la propriété comme la base de l’organisation
naturelle de la société, j’ai recherché si le mal dénoncé par les
socialistes, et que nul, à moins d’être aveugle ou de mauvaise foi, ne
saurait nier, j’ai recherché si ce mal provient, oui ou non, de la propriété.
Le
résultat de mes études et de mes recherches a été que les souffrances de la
société, bien loin d’avoir leur origine dans le principe de la propriété,
proviennent au contraire, d’atteintes directement ou indirectement portées à
ce principe.
D’où
j’ai conclu que l’amélioration du sort des classes laborieuses réside dans
l’affranchissement pur et simple de la propriété.
Comment
le principe de la propriété sert de base à l’organisation naturelle de la
société ; comment ce principe n’a pas cessé d’être limité ou méconnu ;
quels maux découlent des blessures profondes dont on l’a criblé ;
comment enfin l’affranchissement de la propriété restituera à la société
son organisation naturelle, organisation équitable et utile par essence, telle
est la substance de ces dialogues.
La
thèse que j’entreprends de soutenir n’est pas nouvelle ; tous les économistes
ont défendu la propriété, et l’économie politique n’est autre chose que
la démonstration des lois naturelles qui ont la propriété pour base. Quesnay,
Turgot, Adam Smith, Malthus, Ricardo, Jean-Baptiste Say ont passé leur vie à
observer ces lois et à les démontrer ; leurs disciples, MM. Mac Culloch,
Senior, Wilson, Dunoyer, Michel Chevalier, Bastiat, Joseph Garnier, etc.,
poursuivent avec ardeur la même tâche. Je me suis borné à suivre la voie
qu’ils ont tracée.
On
trouvera peut-être que j’ai été trop loin, et qu’à force de vouloir me
tenir dans le droit chemin des principes, je n’ai pas su éviter l’abîme
des chimères et des utopies ; mais il n’importe ! j’ai la
conviction profonde que la vérité économique se cache sous ces chimères et
sous ces utopies apparentes, j’ai la conviction profonde que
l’affranchissement complet, absolu de la propriété seul peut sauver la société,
en réalisant toutes les nobles et généreuses espérances des amis de la
justice et de l’humanité.
Gustave
de MOLINARI, préface aux soirées de la rue Saint-Lazare
La
puissance de l'État est une puissance de concentration.
La
propriété au rebours est une puissance de décentralisation.
La
propriété est un droit antérieur à la loi, puisque la loi n'aurait pour
objet que de garantir la propriété.
Le
socialisme, c'est la communauté du mal, l'imputation faite a la société des
fautes individuelles, la solidarité entre les délits de chacun. La propriété,
au contraire, par sa tendance, est la distribution commutative
du bien et l'insolidarité du mal.
La
propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe et qui se
puisse opposer au pouvoir(...) ou
trouver une puissance capable de contre-balancer cette puissance formidable de
l'Etat ? Il n'y en a pas d'autre que la propriété (...) La propriété moderne
peut être considérée comme le triomphe de la liberté (...) La propriété
est destinée a devenir, par sa généralisation, le pivot et le ressort de tout
le système social.
Pierre
Joseph PROUDHON, Qu'est ce que la propriété ? + Théorie de la propriété
Redistribution
ou racket
Vous
professez de ne pas aimer l'argent ? Eh bien, rendez-le !
Sacha
GUITRY
Syndicats
Les
aspirations de l'individu s'émiettent : centrées hier autour du travail,
elles correspondent désormais au travailleur, à l'épargnant, au
consommateur, au contribuable qui cohabitent en lui. 1% d'augmentation de
salaire changera moins sa vie qu'une hausse des taux d'intérêt qui rend
plus difficile le remboursement du prêt logement, ou qu'un accroissement
des cotisations sociales et de l'impôt direct. Pourquoi se battre dans
l'entreprise, au risque de compliquer la tâche des responsables qui
assurent l'emploi, alors que des décisions
gouvernementales, prises dans le secret des cabinets, et des phénomènes
macro-économiques hors de toute maîtrise bouleversent plus sûrement le
niveau de vie ? Au moment même où le travail n'est plus le seul mode
d'insertion dans la société, au moment où les loisirs, la vie
familiale, les activités culturelles ne cessent d'absorber une part de
plus en plus grande des intérêts personnels , au moment où l'individu
s'accomplit davantage dans ses activités extra-professionnelles que dans
son emploi, comment le syndicalisme pourrait-il conserver son attrait ?
Jean-François
REVEL
Technocratie
Un
petit club de responsables, de surcroît compétents, quadrille désormais
le système capitaliste français, lui restituant une allure oligarchique
qu'il était en train de perdre. Cette dérive témoigne, à sa manière,
de la "lutte des classes" naissante entre les managers et les
actionnaires, donc d'une certaine façon entre l'entreprise et le marché.
Les premiers proclament que l'entreprise possède une identité indépendante
de ses actionnaires, qu'ils en sont l'expression, et que le droit de
propriété doit s'exercer tempéré par cette réalité. Les seconds
s'attachent au principe suivant lequel le propriétaire a tous les droits.
Encore faut-il que le droit de propriété puisse s'exercer. Des centaines
de milliers d'actionnaires, sans représentation, sans fonds collectifs de
gestion, constituent le meilleur terreau pour la toute-puissance des
gestionnaires: les assemblées générales de sociétés seront-elles la
dernière enceinte à connaître des majorités de 98% ?
La
puissance du marché aidant, les actionnaires renaissent et les
gestionnaires n'ont de cesse de se protéger: soit en renforçant les chaînes
de solidarité et de protection mutuelle, soit en limitant, par des
artifices, les droits de vote des actions, soit encore de façon plus
radicale en poussant l'entreprise à se racheter elle-même, ce qui a
l'avantage majeur de les transformer en leurs propres actionnaires.
L'OPA
est symboliquement au cœur du combat entre actionnaires et gestionnaires.
Pour les premiers, elle constitue le seul moyen de mettre fin à cette
nouvelle appropriation privée des moyens de production que constitue la
mainmise de managers, parfois médiocres, sur leur entreprise, pour leur
seul profit en terme de pouvoir et de confort.
Seule
la menace de l'OPA peut faire sortir les managers de leur engourdissement,
les obligeant à accomplir par peur ce que de nouveaux propriétaires
auraient, à coup sûr, fait par intérêt. Pour les seconds, l'obsession
d'une hypothétique attaque détourne l'entreprise de sa mission qui est
de produire et de vendre, au profit de stratégies de défense
destructrices en termes de réflexion, de temps gaspillé, d'argent arraché
à l'investissement. Pour les premiers, seul le capitalisme démocratique
est efficace, puisqu'il rend impossibles l'immobilité et l'inefficacité.
Pour les seconds, le capitalisme oligarchique trouve sa raison d'être en
faisant prévaloir les intérêts à long terme de l'entreprise sur
d'hypothétiques aléas.
Alain
MINC
Tiers-Monde
Les
gouvernements d'Occident n'ont-ils pas accusé Médecins sans frontières
d'hostilité au Tiers-Monde lorsque cette organisation humanitaire a dénoncé
le détournement de l'aide alimentaire par les autorités éthiopiennes au
détriment d'une population mourant de faim ? Et fait silence pendant
trente ans sur l'anéantissement presque réussi de la population et de la
culture tibétaines, de peur d'indisposer la Chine communiste, cette
patrie notoire des droits de l'homme ?
Le
développement économique est non pas simple transfert de butin, mais création
de richesses nouvelles. Seule cette croissance réelle, au fil des siècles,
permet que des hommes plus nombreux vivent mieux et plus longtemps. En
outre, le développement, c'est plus et autre chose que la richesse.
Certains pays sont devenus riches, grâce au pétrole ou à des pillages,
sans pour autant se développer, c'est-à-dire sans que leur économie se
modernise, se diversifie, innove, devienne efficace. Le développement
produit la richesse, mais la richesse seule ne produit pas le développement.
L'aide
peut aggraver le sous-développement au lieu d'y obvier, tant que ne sont
pas constitués les mécanismes et les compétences susceptibles d'en
tirer parti, avec, en outre, les instruments d'un contrôle démocratique
minimal, capable d'en prévenir le détournement.
Le
tiers-mondisme est la théorie qui attribue la responsabilité de la
pauvreté du tiers-monde aux seules interventions, supposées néfastes,
du capitalisme étranger. La cause originelle en serait la colonisation.
Une fois terminée la colonisation, cette causalité purement externe se
reconstitue après les indépendances en soumettant les pays du
tiers-monde aux besoins des pays riches. C'est l'explication
tiers-mondiste du sous-développement par la dépendance, l'échange inégal
ou l'effet de domination. Cette théorie xénophobe offre aux classes
dirigeantes et profiteuses des pays sous-développés un triple avantage:
elle détourne l'attention populaire de leur incompétence et de leur
malhonnêteté; elle dispense d'examiner les causes internes de la pauvreté
et de réformer le système dévastateur qui la sécrète; enfin, elle
autorise à situer non seulement la source du mal, mais encore la
provenance des remèdes entièrement au-dehors, et à prescrire ceux-ci
sous la seule forme de l'aide économique étrangère. Cette aide est présentée
comme un devoir d'expiation élémentaire de la part des pays riches,
supposés seuls responsables du sous-développement des autres. Les riches
ne sauraient donc sans indignité poser la moindre question au sujet de
l'utilisation plus ou moins judicieuse et la disparition plus ou moins
mystérieuse de leurs investissements et de leurs prêts. A plus forte
raison, en exiger la rentabilité ou en attendre le remboursement relèverait
du néo-colonialisme le plus méprisable.
En
fixant autoritairement des prix d'achat faibles, en taxant les produits
agricoles locaux, en rançonnant ainsi l'agriculture pour subventionner
l'industrie et les denrées alimentaires vendues aux citadins, les
dirigeants de l'Afrique sub-saharienne ont asphyxié la production et
accru leur dépendance par rapport aux importations. Contrairement à un
mythe fort répandu, la pénurie africaine ne vient pas du fait que l'on
aurait sacrifié les cultures vivrières aux cultures commerciales destinées
à l'exportation, pour le plus grand profit des multinationales. Les deux
types de culture ont baissé simultanément. En volume, les exportations
africaines de produits agricoles, rapportées à la population, sont plus
faibles en 1990 qu'elles ne l'étaient en 1970, et souvent plus faibles
qu'elles ne l'étaient même en 1960. L'Afrique a perdu une part
importante des marchés mondiaux au profit de l'Asie ou de l'Amérique
latine. On peut citer l'exemple édifiant de l'huile de palme: en 1965,
73% de la production mondiale se situaient en Afrique; en 1980, l'Afrique
n'en fournit plus que 27%; et c'est désormais l'Asie qui représente 68%
de la production mondiale. Le Nigéria qui était le premier exportateur
mondial d'huile de palme au début des années 1960, est devenu
importateur au cours des années ! Un autre exemple est celui du marché
mondial des bananes: l'Afrique détenait 11% de ce marché en 1960; sa
part en occupe moins de 4% au début des années 1980. Le marché mondial
est désormais dominé par l'Amérique latine et par les Philippines. La
production de cacao, de café, de coton a également régressé en Afrique
depuis 1970. Il est donc significatif que le continent le plus sinistré
du tiers-monde soit précisément celui où les cultures destinées à
l'exportation se sont effondrées. Cela tord le cou à la mythologie
tiers-mondiste de l'"économie autocentrée". Comment oublier à
ce point d'ignorance la loi de Ricardo ? Les économies autocentrées, ce
sont les plus primitives, c'est l'autosubsistance n'atteignant qu'à grand
peine le seuil de la survie biologique, avec une espérance de vie de 23
ans. Imagine-t-on le Japon "autocentré" ?
L'exemple
d'un dirigeant éminemment désastreux pour ses concitoyens a été le président
de la Tanzanie, Julius Nyerere, qui a pris sa retraite en 1985, après
avoir gouverné pendant 30 ans. Peu d'hommes d'Etat ont joui d'une aussi
flatteuse réputation internationale de "leader charismatique",
de "conscience du tiers-monde", etc. On ne voit guère ce qui
lui a valu cette gloire: en tout cas pas ses résultats. Le socialisme à
la tanzanienne a, par exemple, consisté à déplacer les paysans de manière
à les regrouper en villages collectifs. Les récalcitrants furent jetés
en prison, leurs huttes rasées au bulldozer. Naturellement, la production
s'effondra. Elle a baissé de 27% en l'espace d'une génération? Comme l'écrit
dans le Rapport de 1988 un expert de la Banque mondiale: "le
continent est affligé de projets agricoles ayant échoué, de fermes d'Etat qui deviennent des agences de recrutement (lire: pour les
permanents du parti unique, celui du président), plutôt que des unités
productives" A ce fléau il faut ajouter le statut de monopole des
organismes publics de commercialisation agricoles. En particulier, les
offices céréaliers, mal gérés par une bureaucratie à la fois pléthorique,
vénale et incompétente, ont eu un effet dissuasif certain sur les
paysans, fatigués de devoir leur livrer les céréales à un prix 3 ou 4
fois inférieur au cours du marché mondial.
Le
Nicaragua exhibait en 1989 l'économie la plus malade d'Amérique centrale
et des Caraïbes. Son niveau de vie était tombé au-dessous de celui d'Haïti.
En 10 ans, la consommation avait baissé de 70%, les salaires, en pouvoir
d'achat, de 92%
Le
travailleur moyen avait donc en 1989 un pouvoir d'achat effectif équivalent
à 8% de celui de 1979. Quant à l'inflation, le dollar s'échangeait à
Managua contre mille cordobas en janvier 1989, et contre trente mille en
juin. Dans un petit pays qui n'avait jamais connu le service militaire
obligatoire, les sandinistes avaient, en l'instaurant, porté l'armée de 15
000 à 80 000 hommes. Ils annonçaient leur intention d'atteindre 600 000
hommes, soit quasiment la totalité des hommes valides. Plus de 400 000
Nicaraguayens, sur une population de 2,5 millions, s'étaient exilés.
Contrastant avec toute cette misère, s'étalait, comme dans toutes les
sociétés communistes ou apparentées, la corruption et les privilèges
de la nomenklatura et de ses amis, dits les "internationaux", nuée
de parasites sans vergogne venus de tous les coins du monde
"aider" la révolution sur place.
La
démolition des agricultures traditionnelles, anéanties par la
collectivisation des terres, est la pire de ces calamités, avec, pour
parachever ce suicide, en général, un plan pharaonique
d'industrialisation lourde, le tout dû à l'imitation stupide des
aberrations staliniennes. Combien de pays sous-développés ont été
ainsi bannis à la fois du passé et du présent par une poignée de
dirigeants sectaires. Ils végètent dans une sorte de terrain vague de
l'histoire d'où l'on a déraciné la tradition et où l'avenir ne pousse
pas.
Dans
les économies de rente, donc bureaucratisées, l'aide étrangère reste
stérile. Même en ne tenant pas compte de l'argent détourné par les
dirigeants, elle glisse sur l'économie administrée sans susciter de
croissance. Pis, elle sert à favoriser la persévérance dans l'erreur.
N'allons pas confondre les secours aux populations, devoir humanitaire,
avec l'aide au développement, problème économique insoluble sans la
suppression des obstacles politiques et culturels à la croissance.
On
ne saurait transporter les modèles politiques occidentaux dans les
tiers-monde. Mais c'est déjà fait ! Seulement, ce ne sont pas les bons.
C'est le mauvais volet de la culture politique occidentale que le
tiers-monde a emprunté. Ce sont les modèles fascistes et staliniens, non
les modèles démocrates et libéraux qu'il a le plus souvent adoptés. Très
peu de sociétés du tiers-monde, tel qu'il est à la fin du XXe siècle, sont issues de leur propre tradition; et ces sociétés là,
comme l'Inde, fait intéressant, se marient moins mal avec la démocratie
que les pays qui ont importé d'Europe un prototype réputé
"progressiste".
Jean-François
REVEL
La
corruption est un élément clef, toujours tu, de l'économie du
tiers-monde, avec des formes privées accumulées à l'étranger souvent
supérieures à la dette intérieure et extérieure du pays: le bilan
consolidé de certains PVD ne manquerait pas de surprendre si l'on y insérait
le patrimoine de leurs élites dirigeantes.
Alain
MINC
Victoire Libérale
ou les moyens de la révolution à venir
La
marche de la liberté dépend davantage du maintien de la paix, du
développement du commerce et de la diffusion du bon sens, que du travail des
hommes de cabinets et de ministères.
Richard
COBDEN
La démocratie
libérale et l'économie de marché sont les seules possibilités viables pour
nos sociétés modernes.
Francis
FUKUYAMA
Le
secret du bonheur c'est la liberté, et le secret de la liberté c'est le
courage !
PERICLES
Une
société d'individus est le summum de la civilisation.
Mario
VARGAS LLOSA
Les dictatures sont des
nations hors-la-loi. Toute nation libre avait le droit d'envahir l'Allemagne
nazie et, aujourd'hui, a le droit d'envahir la Russie soviétique, Cuba ou
n'importe quel autre enclos d'esclaves.
Ayn RAND, La vertu
d'égoïsme
Certaines
révolutions politiques, échappant à la catégorie totalitaire, se
produisent dans les mêmes conditions d'émergence naturelle que les
transformations des mœurs. C'est le cas de la Révolution américaine ou
de la "glorieuse révolution" anglaise, changements de régimes
qui émergèrent sous la poussée des besoins d'une société existante,
et non point comme projections d'une société future sur l'écran de
l'utopie.
Ou
vous vous insérez dans la civilisation de la tolérance, ou vous demeurez
en dehors d'elle. Dans le premier cas, vous acquérez le droit de
protester par l'écrit, par la parole, par des procès contre l'incitation
à la haine ; dans le second cas, vous perdez le droit de participer aux
civilisations à cultures multiples, et de revendiquer chez vous, pour
vous, la liberté du culte, puisque vous nous refusez celle de la pensée.
Vous vous excluez vous-même du monde de la tolérance.
Jean-François
REVEL
Villes
privées
Houston,
ville où les règlements d'urbanisme étaient pratiquement inconnus, les propriétés
ont été grevées de servitudes privées qui font office de règlements
d'urbanisme tout en respectant l'unanimité des propriétaires et l'efficacité
économique. Si vous n'aimez pas tel genre de servitude ou de contrôle, vous
achetez une propriété dans un autre environnement, réglementé selon vos préférences.
La diversité du marché joue là comme ailleurs: la nature des servitudes varie
selon les quartiers et les "développements", de même que les procédures
nécessaires (qui vont de la majorité à l'unanimité) pour les modifier ou les
renouveler. Mais, au départ, les règles de base sont acceptées à l'unanimité
des propriétaires concernés, l'unanimité étant une propriété essentielle
du contrat.
Bernard
SIEGAN
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