Culture et socialisation
I.
Culture et cultures
A. Définir
la culture
1. La culture selon son sens courant
Habituellement le terme culture se réfère à "la culture", c'est-à-dire à un patrimoine universel d'oeuvres de l'esprit. Ainsi les différents arts tels que le cinéma, la littérature, la sculpture, la peinture, la musique, sont du domaine de la culture. Celui qui s'est instruit de ces arts sera considéré comme possédant une bonne culture générale, il sera cultivé alors que ceux qui ne possèdent que peu de connaissances peuvent être qualifiés d'incultes. Au sens courant,la culture sera l'ensemble des connaissances acquises, l'instruction, le savoir d'un individu.
2. La culture selon son sens sociologique
Le sens sociologique est celui que nous allons étudier. Il est plus large que le sens courant, l'anthropologue britannique Edward Burnett Tylor le définit comme « un ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l’art, le droit, la morale, les coutumes et toutes les autres aptitudes et habitudes qu’acquiert l’homme en tant que membre d’une société ». La culture englobe donc tout ce qu'intégre l'individu dans une société, indépendamment de ce qui découle de son héritage génétique. Dans le fameux débat entre nature et culture, l'inné et l'acquis, la culture sera donc tout ce qui est acquis et intériorisé, souvent de façon inconsciente.
On
admettra que toute culture se compose :
de valeurs telles que les conceptions religieuses et/ou philosophiques ;
de
normes telles que des tenues vestimentaires adéquates, une façon
de se tenir à table ;
d'usages technologiques comme
la télévision, les technologies numériques dans la société
moderne occidentale ;
d'institutions
qu'elles soient d'ordre tribal, théocratique, démocratique ...
On pourra montrer par exemple le choc culturel dans "Les Visiteurs" lorsque Godefroy de Montmirail et Jackouille sont propulsés à notre époque chez leurs descendants. Le choc des valeurs est relatif à la conception moderne de l'homme, chaque homme est égal en droit aux autres alors que pour Godefroy, Jackouille est un serviteur mais aussi une sorte de sous-homme. De là découle un choc des normes, Jackouille doit manger sur le sol les restes que son maître lui cède, on peut comprendre qu'une telle attitude dans un restaurant puisse nous choquer. Les gags portent aussi sur les usages technologiques, la télévision ou la radio sont des magies maléfiques, les automobiles sont des monstres nauséabonds, les personnages du moyen-âge cherchent donc des chevaux pour se déplacer ou des spectacles de troubadours pour se divertir. Quant au côté nauséabond des véhicules modernes il peut prêter à rire pour les contemporains car Godefroy et Jackouille ont une très mauvaise hygiène et ne comprennent pas l'usage d'une salle de bain. Enfin les institutions sont scandaleuses pour Godefroy qui ne comprend pas comment le descendant de Jackouille pourrait devenir propriétaire des terres des Montmirail, ou comment la démocratie peut donner le droit à un manant de devenir un responsable politique.
3. Tout peuple a sa culture
Chaque société transmet un modèle culturel dominant : les façons de manger, le statut de la femme, les façons de règles des conflits, de se comporter vis-à-vis d'étrangers, ... peuvent différer radicalement d'une société à l'autre. Un sociologue comme Marcel Mauss insiste sur le fait que chacun peuple possède une culture. «La civilisation d’un peuple n’est rien d’autre que l’ensemble de ses phénomènes sociaux, et parler des peuples incultes, sans civilisation, des peuples naturels, c’est parler de quelque chose qui n’existe pas.» Pour autant Joseph Fichter établit une différence entre les sociétés civilisées et les société précivilisées, dans les premières "les hommes vivent en grands groupements permanents plutôt qu'en tribus menant la vie nomade". "Ils se servent du langage écrit pour rappeler leur histoire ... ils développent une diversification des fonctions et une spécialisation du travail. Leur comportement est plus formellement institutionnalisé et leur culture entière est plus complexe que celle des précivilisés. (...) Nous pouvons reconnaître parmi les sociétés contemporaines des cultures hautement civilisées et d'autres qui le sont moins."
B. Les cultures au quotidien
1. Ce que l'on mange et comment on le mange
Dans un reportage très peu rigoureux destiné à montrer l'exploitation du Tiers-Monde par les multinationales, Hubert Sauter cherche à prouver ses thèses par un malentendu culturel. Il montre des Africains exportant du poisson dans les pays riches et étant réduits pour leur consommation personnelle à manger les têtes de poisson. Selon les critères occidentaux les têtes de poissons sont des déchets, la déduction logique serait donc que les ressources des Africains sont pillés et qu'ils ne vivent que des restes. Or ce que l'on doit savoir c'est que les têtes de poisson sont considérées en Afrique comme la partie la plus savoureuse, ceci vient donc détruire l'argument antimondialiste qui n'est là que le reflet des habitudes alimentaires occidentales.
Ainsi les goûts alimentaires sont en partie culturels. Un occidental pourra avoir des difficultés à manger du poisson cru ou des produits à base d'algue - contrairement aux Japonais -. Il s'offusquera qu'aux jeux Olympiques de Séoul des vendeurs à la sauvette puissent proposer des boissons à base de jus de chien. Manger du chien ou du chat est donc considéré comme une pratique écoeurante, alors que cela est courant en Indochine. Les français mangeront pourtant du cheval ou du lapin, ce qui choque les britanniques qui considèrent le cheval comme un animal noble et le lapin comme un animal domestique. Les juifs et les musulmans réprouveront la consommation de porc, jugé animal impur. Les hindouistes refusent la consommation de boeuf, animal sacré. Enfin le français qui dévore des escargots et des fromages mal odorants sera considéré comme répugnant dans ses habitudes alimentaires par d'autres occidentaux, il ne mangerait pourtant pas des vers bien charnus et riches en protéines comme le font certaines tribus amazoniennes.
La façon de se nourrir
est aussi culturelle et en évolution constante. Au moyen-âge les
Occidentaux mangeaient souvent des plats en sauce à pleine main et s'essuyaient
sur le pelage des chiens. Les bons usages de la table ne sont entrés dans
les moeurs qu'avec la noblesse française à partir du seizième
siècle : l'assiette, la fouchette, la serviette se sont imposés
ainsi que la discrétion qui bannit les rôts. Pour la plus haute société,
cette façon de manger a été codifiée dans les règles
de l'étiquette et du savoir-vivre. Ces règles n'ont rien d'innées,
elles s'apprennent et sont très détaillées précisant
par exemple comment manger une soupe ou des langoustines, quel service de table
utiliser avec tel ou tel plat, comment placer des invités, ... Celui qui,
par ignorance, ne respectera pas ces règles sera perçu comme impoli
ou frustre.
2. Les négociations d'affaire
La culture occidentale détermine des rites de convivialité que nous trouvons tout à fait normaux. Pour le français, il est d'usage lorsque l'on se rencontre, d'aborder des banalités y compris dans des relations d'affaire qui se traîtent souvent dans des restaurants. Alors que dans le domaine des affaires les anglo-saxons et les germaniques préfèrent aller droit à l'essentiel et n'hésitent pas à parler d'argent, les conversations badines viendront après. Pour les asiatiques ce sera différent, il faudra parler de la famille, s'échanger des petits cadeaux avant de négocier, on évitera aussi de dire non ce qui créé de nombreux malentendus avec les négociateurs occidentaux qui s'impatientent dans la signature d'un contrat pour lequel ils pensent que tout est acquis.
Enfin les manières de se comporter différent, les anglo-saxons seront francs et directs, les français aimeront se mettre personnellement en avant quitte à paraître vantards et orgueilleux. Ceci leur vaudra d'ailleurs des problèmes de perception vis-à-vis des asiatiques pour lesquels la timidité est une qualité et qui font donc montre de ce que les Occidentaux considèrent comme une politesse fuyante.
C. Les cultures sont-elles rigides ou en constantes évolutions ?
1. Le culturalisme
Le culturalisme se développe aux États-Unis dans les années 1920, il conçoit la culture comme rigide et modelant la personnalité des individus. Ce courant utilise l'anthropologie et la psychanalyse, il tire ses conclusions de l'observation de sociétés primitives. Ruth Benedict, une des figures de ce mouvement veut mettre en évidence que chaque culture définit dans les caractéristiques humaines certains traits et comportements modèles (patterns of culture). À travers les croyances, les coutumes, les cérémoniaux, elle montre que des caractéristiques individuelles qui tiennent du caractère sont valorisées et d'autres sont réfrénées. Benedict oppose des cultures où la retenue et la tempérance sont considérés commes des traits de caractère positifs à des cultures où l'affirmation de soi, l'agressivité, voire la violence sont des caractéristiques humaines prisées. Ces traits culturels imprègnent de façon indélibile les individus et sont transmis à la descendance, de sorte que les individus ne peuvent échapper à leur déterminisme culturel et donc ils ne peuvent opter pour une autre culture.
Quoique les cultures créent des personnalités différentes, Ruth Benedict ne va pas considérer que certaines cultures sont supérieures à d'autres : elle est en plein relativisme culturel. Pour elle chaque culture possède des valeurs qui ne peuvent être compris et rendues cohérentes qu'en considérant tous les traits de cette culture, une condamnation d'un trait culturel ne peut se faire qu'au nom d'autres conceptions culturelles. Ceci est vrai jusqu'à un certain point.
« En relativisant la morale et en affirmant l'équivalence des cultures, nombre de vos intellectuels empruntent, sans même s'en apercevoir, les chemins de l'autodestruction. » Ayann Hirsi Ali, Le Figaro Magazine, 18-11-06 |
Toutes les cultures se valent-elles ?
Margaret Mead illustre les différences culturelles dans les caractères à travers l'étude des rapports entre les sexes dans trois sociétés traditionnelles d'Océanie. Ainsi chez la culture Chambouli valorise une attitude de domination chez la femme et une attitude d'émotivité chez l'homme ; alors que chez les Mundugumor l'agressivité est mise en avant et que chez les Arapesh l'agressivité est bannie et l'attention aux autres est une qualité mise en avant.
Une telle approche conduit à créer des stéréotypes culturels mais elle évite le déterminisme racial au profit d'un déterminisme culturel qui n'est reste pas moins un peu caricatural.
Elle y montre que les caractères y sont très différents en résumé son œuvre "Mœurs et sexualité en Océanie", vise à montrer les traits de caractère de l’homme et de la femme sont le résultat d’un conditionnement social. Donc la nature, selon elle, est malléable car « elle obéit aux impulsions que lui communique le corps social ». Les peuples mélanésiens étudiés ont la personnalité propre à leur civilisation au sein de laquelle ils ont été élevés. Ainsi les Mundugumor qu'ils soient hommes ou femmes ont un tempérament brutal et agressif, ils s'adonnent à la guerre et au cannibalisme et endurcie les enfants par une éducation "spartiate". Au contraire les Arapesh évitent les attitudes agressives et sont attentifs au besoin des autres . Enfin, chez les Chambulis, la femme a une place de dominante, et l’homme se consacre à l'artisanat.
2. L'interactionnisme
Le courant interactionniste est aussi d'origine américaine, il se conçoit comme une réaction au culturalisme. Ses promoteurs qui sont les anthropologues James Clifford et George Marcus veulent montrer que les modèles culturels sont en évolution constante particulièrement dans le contexte de développement de la mondialisation.
La culture ne serait donc pas un héritage figé mais une construction permanente en contact avec d'autres influences culturelles et travaillée par les rapports sociaux entre les groupes. On peut donc influencer les cultures et pourquoi pas manipuler les esprits pour changer les valeurs dominantes.
II. Le processus de socialisation
A. Définir la socialisation
La socialisation est le processus qui consiste à transmettre la culture et donc à en faire admettre la légitimité, la "normalité", elle créé du confirmisme vis-à-vis de la norme culturelle. Il n'y a pas de société sans socialisation, mais elle est plus ou moins poussée et les méthodes de socialisation sont plus (propagande dure, punitions - récompenses, humiliations, autocritique) ou moins autoritaires (affection, incitation par l'exemple, tolérance des déviants).
On aurait dû réfléchir à ceci qu'il y a des sociétés d'abeilles et de fourmis où les pensées et les actions sont rigoureusement communes, où le salut public est adoré sans calcul et sans hypocrisie, et où nous n'apercevons pourtant ni progrès, ni justice, ni charité. Mais bien mieux, les sociologues ont prouvé, par mille documents concordants, que les hommes primitifs, forment des sociétés avec des castes, des coutumes, des lois, des règlements, des rites, des formalités qui tiennent les individus dans un rigoureux esclavage ; esclavage religieusement adoré ; mais c'est encore trop peu dire ; l'individu ne se pense pas lui-même ; il ne se sépare nullement, ni en pensée, ni en action, du groupe social, auquel il est lié comme mon bras est lié à mon corps. Le mot religion exprime même très mal cette pensée rigoureusement commune, ou mieux cette vie rigoureusement commune, où le citoyen ne se distingue pas plus de la cité que l'enfant ne se distingue de sa mère pendant qu'elle le porte dans ses flancs. La société la plus fortement nouée repousse de toutes ses forces tout ce qui ressemble à la science, à l'invention, à la conquête des forces, à tout ce qui a assuré la domination de l'homme sur la planète. Et il est très vrai que l'homme, en cet état de dépendance, n'avait point de vices à proprement parler ; mais on peut bien dire que la société les avait tous, car elle agissait comme une bête sans conscience ; de là des guerres et des sacrifices humains, une fourmilière humaine, une ruche humaine en somme. Et donc le moteur du progrès a dû être dans quelque révolte de l'individu, dans quelque libre penseur qui fut sans doute brûlé. Or la société est toujours puissante et toujours aveugle. Elle produit toujours la guerre, l'esclavage, la superstition, par son mécanisme propre. Et c'est toujours dans l'individu que l'humanité se retrouve, toujours dans la société que la barbarie se retrouve. ALAIN (17/04/1911) 1. Comment le philosophe Alain conçoit-il le processus de socialisation ?À quoi le compare-t-il ? 2. Montrer en quoi Alain différencie l'individu du citoyen. 3. La société est-elle porteuse de progrès ? 4. Donnez des exemples de sociétés semblables à celle décrite par Alain. |
B. Les agents de socialisation
La socialisation est entreprise par des agents de socialisation divers, ce sont d'abord les parents, mais aussi l'école notamment à travers l'éducation civique et les référentiels qui précisent le rôle de l'enseignant (apprendre, éduquer à la citoyenneté) et les media (les guignols de l'info véhiculent des valeurs de conformisme typiquement français : les américains sont bêtes et violents, les multinationales nous oppressent, ...), mais aussi les groupes d'affinités comme les amis, les personnalités que l'on admire, les associations et les partis politiques. Parmi ces agents de socialisation on peut distinguer ceux dont l'objectif est de socialiser et ceux qui exerceront une influence sans que leur but explicite soit la socialisation.
Qui
cherche explicitement la socialisation, qui ne la cherche pas ?
Les collègues, le clergé, la CGT, votre professeur d'histoire-géographie, les parents, le patron, l'assistantre sociale, le psychiatre, la prison.
L'école est le lieu par exemple de la socialisation. Les marxistes le concevaient comme lieu d'exercice de la violence symbolique tendant à rendre légitime et acceptable les inégalités sociales et leur reproduction - idée d'une école au service de la bourgeoisie faisant accepter aux ouvriers l'exploitation capitaliste et d'un enseignement menant à l'échec les enfants d'ouvriers pour assurer la reproduction de la classe ouvrière- . D'autres présentent l'école comme un lieu d'endoctrinement du politiquement correct critiquant la société capitaliste et légitimant une extension des prérogatives de l'Etat.
Quelle est votre vision de l'école en tant que lieu de socialisation, pro ou anti capitaliste ?
C. La socialisation, reproduction sociale ou processus interactif ?1. La socialisation, facteur de reproduction sociale
La socialisation peut être perçue par certains comme un mécanisme de conditionnement auquel on soumet les individus dans une société dès le plus jeune âge. Le but en est de reproduire des modèles culturels intangibles et de faire accepter, intérioriser des relations de domination (accepter l'exploitation salariale pour les marxistes, l'infaillibilité de l'État pour les libéraux).
Bourdieu considère que la socialisation conduit à l'intériorisation (faire partie de soi) des habitus, c'est-à-dire d'un ensemble de goûts, de pratiques, de prédispositions, de façons de percevoir le monde), ... Ainsi les valeurs et les normes du groupe d'appartenance deviennent une seconde nature créant un conformisme vis-à-vis du milieu familial : on aimera Johnny Halliday ou Vivaldi de parents en enfants. Voir la notion d'effet de dominance.
2. La socialisation comme processus interactif
Les défenseurs du modèle de l'interaction mettent l'individu socialisé au centre du processus de sa socialisation. La socialisation n'est pas alors un simple conditionnement imposé à un être passif, mais elle résulte des contacts inter-individuels au sein de la société, l'ajustement des comportements va donc résulter de la volonté de coopération entre des acteurs recherchant des échanges à somme positive, elle implique aussi une tendance à vouloir éviter les conflits.
Anatol
Rapoport montre ainsi que la règle de conduite suivie par un individu recherchant
une collaboration efficace est la suivante :
toujours commencer par coopérer sans arrière-pensée ;
exercer
des représailles immédiates à l'endroit de celui qui ne coopère
pas en refusant de coopérer au tour suivant ;
pardonner
rapidement à un tricheur repenti ;
ne
pas être envieux du succès d'autrui ;
ne
pas manifester un comportement trop difficile à comprendre et à
prévoir.
Le maintien des rapports sociaux implique donc de réfréner des comportements de triche, de choquer ou de se montrer déplaisant, les comportements prévisibles implique une acceptation des valeurs et des normes sociales dominantes.
La socialisation comme processus interactif implique que l'individu s'adapte en apprenant continuellement, la socialisation dès l'enfance, appelée socialisation primaire, se continue donc à l'âge adulte avec la socialisation secondaire au coeur de l'apprentissage de rôles nouveaux à accomplir (vie de couple, parentalité, entrée sur le marché du travail, émigration vers une nouvelle culture, ...).
III. Le "choc des cultures"
A. Le processus d'acculturation
1. Une notion interactionniste
On peut définir l'acculturation comme un processus qui s'inscrit dans la durée et qui résulte du contact entre deux groupes issus de cultures différentes et se concrétisant par un changement des modèles culturels de l'un ou des deux groupes mis en contact. L'acculturation a été observée dans le cadre d'invasion ou de colonisation, il s'agit alors souvent d'imposer un modèle culturel auprès des peupoles envahis ou colonisés, il existe aussi dans le cadre de migration, les émigrés pourra alors s'assimiler, générer une sous-culture propre à leur groupe d'origine, ou transmettre pour partie leur modèle culturel à la culture dominante.
Concevoir le concept même d'acculturation c'est adopter une approche interactionniste. Aucune culture ne serait donc immuable car difficilement isolée des autres, elles seraient donc le produit d'un syncrétisme. Dans "Les Amériques Noires" le sociologue et anthropologiste français Roger Bastide s'intéresse aux Afro-américains et veut mettre en évidence que leurs pratiques culturelles mêle des éléments africains à la culture blanche américaine. Il en déduit les étapes du processus d'acculturation.
D'abord les Afro-américains vont réaliser l'importance de l'institution du mariage chez les blancs, venant souvent de sociétés polygames, ils vont emprunter la norme de la monogamie. Ils réinterpréterons ensuite la monogamie en constatant que les hommes blancs ont souvent des maîtresses, ainsi ils se marieront sans beaucoup investir sur cette institution puisqu'ils prendront des maîtresses sans se soucier de discrétion. Cette réinterprétation de la monogamie s'éloigne ainsi de la pratique des blancs pour lesquels l'adultère reste honteux et caché. Les Afro-américains restructurerons ainsi leur culture d'origine pour en développer une autre qui est un syncrétisme des deux cultures.
2. Des limites au syncrétisme
Pour Ralph Linton les conséquences de l'acculturation ne sont pas systématiquement un syncrétisme. Les Afro-américains auraient pu abandonner leurs traits culturels pour adopter la culture blanche anglo-saxonne, certains ont ainsi fait le choix de l'assimilation. Mais d'autres,au contraire, ont rejeté la culture blanche et cherché un retour à une culture ancestrale fantasmée. On parle alors d'un processus de contre-acculturation qui est porteur d'affrontements, la Nation of Islam et les Black Panthers représentent cette réaction pour les noirs américains, elle touche une minorité violente, raciste et antisémite qui se retrouve dans les personnages de Malcolm X et de Louis Farrakhan.
En
France, le choc des cultures touche plus particulièrement la population
d'origine maghrébine suscitant de part et d'autre des réactions
de rejet qui prennent une gamme large de registres :
des réactions de rejet et d’exclusion de part et d'autre avec volonté de se replier
sur sa communauté et incompréhension culturelle, celui qui veut s'assimiler peut
être rejeté par sa communauté, l'exogamie pose problème ;
le
racisme et la xénophobie qui se manifeste le plus souvent par des discours dénonçant
certaines populations, la délinquance de certains rejaillit sur l'ensemble de
la communauté, ce phénomène touche très peu les asiatiques ;
l'interrogation
quant aux motifs d'émigration : les motifs sont différents ils varient de trouver
des emplois, fuir des persécutions, devenir bénéficiaires net de l'Etat-Providence.
Ici ce sont les structures même de l'Etat français qui sont facteurs d'animosités
surtout pour les exclus français de souche ;
la contre-acculturation (construction d'une contre-culture) avec un retour d'une
partie de la troisième génération vers une pratique religieuse
dans sa version fondamentaliste ;
l’ethnocentrisme
lié au point 1 : l’ethnocentrisme fait percevoir les autres à travers notre propre
système de normes et valeurs. On peut remarquer que les dangers de l’ethnocentrisme
sont la domination culturelle, l’ethnocentrisme tendant à faire imposer une culture
vue comme supérieure.
B. La gestion culturelle de l'immigration
1. L'intégration à la française
Le modèle universaliste et jacobin à la française s'est bâtie sur le refus des particularismes locaux. Ainsi l'appartenance à une même nation suppose l'adhésion à des valeurs identiques fondant un "vouloir vivre ensemble". Pour imposer ses valeurs, la République laïque, une et indivisible s'est appuyée sur un corps d'instituteurs républicains anticléricaux militants : les "hussards noirs de la république". L'éradication des cultures régionales passe par l'école où les enfants parlant le patois ou une langue telle que le breton ou l'occitan sont l'objet de brimades, on apprend aussi dans les colonies que tous appartiennent à une même nation et ont les Gaulois pour ancêtres. Il s'agissait d'assimiler les différentes cultures en imposant une culture française particulière car mâtinée d'un messianisme républicain.
Ce modèle assimilateur laissera progressivement place à un modèle intégrateur surtout depuis les vagues d'immigration de l'après guerre et la décolonisation. Ainsi les spécifités culturelles des populations régionales ou immigrées peuvent trouver à s'exprimer mais uniquement dans la sphère privée. Ainsi la pratique religieuse est libre mais ne doit pas être ostentatoire, la langue pour les communications publiques doit légalement être le français. Ce modèle est cependant remis en cause par un développement très important du communautarisme et par la mise en place d'une discriminarion positive incompatible avec l'égalité universaliste et démontrant l'échec de l'intégration.
2. Le multiculturalisme américain
L'Amérique s'est construit comme une nation multiculturelle fondée sur des valeurs communes de liberté et de responsabilité. En conséquence le melting-pot américain ne suppose pas l'effacement des particularités culturelles y compris dans le domaine public : particularisme vestimentaire, usage de différentes langues jusqu'à faire de l'espagnol une deuxième langue officielle dans le sud des États-Unis. Les différences culturelles sont affirmées, voire encouragées (création de cursus universitaires particuliers tels que les études afro-américaines) et vont jusqu'à donner lieu à des critères d'évaluation plus favorables pour des membres des communautés culturelles minoritaires - la fameuse discrimination positive -.
C. La mutation des sous-cultures en France
Les sociétés modernes se distinguent par l'hétérogénéisation du corps social. Cette différenciation implique la présence de sous-cultures qu'elles soient d'identité géographique, d'âge, religieuse ou sociale. On qualifiera ici de sous-culture un système de modèles, de rôles, des valeurs, de sanctions et de symboles par lesquels un groupe particulier se dote d'une identité collective propre le différenciant du système propre à la société englobante.
1. La sous-culture allogène
Avec les limites de l'intégration, des sous-cultures d'immigration s'affichent davantage. Alors qu'en France les vagues d'immigration italienne, espagnole, polonaise et portugaise se sont intégrées assez rapidement, la notion même d'intégration est remise en cause comme une perte d'identité.
Le concept d'une France "Black Blanc Beur" ne renvoie plus à une France coloniale mais à un métissage plus fantasmée que réel tant l'exogamie peut marquer un rejet hors de la communauté d'origine. En effet à la notion de sous-culture géographique se joint celle de sous-culture religieuse puisque l'affirmation de l'appartenance à la culture maghrébine ou africaine se joint de plus en plus à l'affirmation d'une culture musulmane pour laquelle l'abandon de la communauté des croyants ne saurait être acceptée. La religion devient donc un vecteur de cohésion ou d'exclusion dans la société française, ce qui explique les efforts de développement d'un Islam de France (CFCM) afin de rompre les référents étrangers d'une population qui ne se sent pas toujours française.
2. La sous-culture de "classe"
Par contre les sous-cultures de classe ont tendance à s'estomper et constituent moins un élément conflictuel dans la mesure où l'organisation révolutionnaire d'une classe ouvrière sous la direction d'un parti communiste prête davantage au rire qu'à l'inquiétude.
Cependant, se développe une culture des "exclus", des jeunes sans emplois, des "sans-papiers", des mal-logés, des discriminés, laquelle, pour partie se confond avec la sous-culture allogène et remet en question la stabilité de la société française tout en permettant une reconversion des agitateurs de la lutte des classes.