Chapitre 3.

Détruire des emplois

Lorsque nous utilisons la coercition pour accroître les revenus des salariés les plus désavantagés, nous ne réussissons qu'à les rendre plus pauvres.


 

Le chapitre précédent expliquait comment des richesses peuvent être créées par des individus agissant isolément ou collectivement dans le cadre de leur activité personnelle ou professionnelle. Nous avons vu aussi que la création de richesse est virtuellement infini alors que l'on entend fréquemment que la création d'emplois est limitée. Voyons en quoi cette contradiction apparente est le résultat de l'agression de l'Etat.

L'autorégulation du marché : respecter le choix d'autrui

Alors que notre pays était encore jeune, les nouveaux immigrants souffrirent d'un handicap d'intégration dans le système de marché. En général il ne parlait pas l'anglais, leurs coutumes étaient différentes et pas forcément bien acceptées. La plupart du temps ils étaient peu qualifiés et peu productifs. Les employeurs étaient donc faiblement incités à faire appel à leur main-d'oeuvre.

Les immigrants prirent donc sur eux de changer leur situation, ils choisirent de s'employer pour des salaires plus faibles que ceux des Américains d'origine. En consentant ces avantages à leurs employeurs ils s'aidèrent eux-mêmes. Au lieu de se payer des études coûteuses, ils firent le choix de se former sur le tas en acceptant, pour un temps, des rémunérations plus faibles que celles des ouvriers expérimentés. Une fois qu'ils apprirent à maîtriser la langue, les usages et les pratiques commerciales, ils furent en mesure de se rendre plus productifs. Ils purent alors obtenir des salaires plus avantageux ou changer d'emploi grâce à leur expérience acquise. Ils purent quelquefois ouvrir leurs propres commerces, ou trouver un employeur sachant correctement valoriser leurs mérites. Certains finirent par devenir très riches. C'est en poussants leurs services vers leurs premiers employeurs qu'ils purent finalement profiter de meilleures opportunités.

De jeunes Américains utilisèrent parfois les mêmes méthodes pour décrocher leur premier emploi. Je n'étais encore que lycéenne lorsqu'après la classe je pris mon premier emploi dans un laboratoire. Quelquefois j'étais payée, d'autres fois j'étais simplement en stage sans paiement, mais il arrivait aussi que je ne touche rien et ne puisse utiliser mon expérience pour mes études. Les chercheurs qui m'employaient n'avaient pas vraiment de poste à me proposer, alors comme les immigrants c'était à moi de me trouver un travail et pour cela je proposais mes services à des tarifs qu'aucun autre élève n'aurait accepté. D'ailleurs mes petits camarades pensaient que j'étais folle d'accepter de travailler pour des salaires de misère. Pourtant, les années passant, ils changèrent d'opinion. L'expérience que j'avais acquise, ainsi que les recommandations de mes anciens employeurs, me furent très profitables. A la fin de mes études, je pouvais ainsi me prévaloir d'avantages supérieurs à ceux qui possédaient pourtant la même formation que la mienne. En ayant choisi d'offrir mon travail à faible coût, j'étais ensuite en mesure de postuler à des emplois très bien rémunérés. Me faire "exploiter" me réserva certainement mes opportunités de carrières les plus intéressantes.

Les conditions offertes sur le marché du travail évoluent naturellement : les travailleurs sans qualification disposés à accepter de faibles salaires pourront acquérir l'expérience et les compétences nécessaires à l'augmentation de leur productivité. Tout le monde ou presque est capable de créer des richesses, donc chacun peut trouver sa place sur le marché du travail. L'expérience permettra d'ouvrir de nouvelles perspectives. En offrant des opportunités à leurs premiers employeurs, les salariés sans qualifications se créent en réalité des opportunités pour eux-mêmes.

Habituellement les employeurs accordent des promotions aux salariés dont la productivité augmente. En proposant des promotions sur poste, des salaires plus avantageux ou une part plus importante de la valeur ajoutée créée, les employeurs récompensent les efforts de productivité de leurs employés. Effectivement, une hausse de la productivité implique une plus grande valeur ajoutée à partager entre la patron et ses salariés. Chacun ne fait alors que servir ses propres intérêts en s'assurant de l'augmentation des qualifications des salariés.

Les employeurs les plus mesquins, peu disposés à partager les fruits issus de capacité productives plus importantes ne feront que perdre leurs salariés. Les employeurs préférant utiliser comme critère de discrimination la couleur de peau ou le sexe ou tout autre particularité n'ayant rien à faire avec les capacités productives dégageront moins de valeur que ne le feront leurs concurrents. Et une plus faible création de valeur cela signifie moins de valeur ajoutée à se répartir. Ainsi toute discrimination non fondée sur les capacités productives est éminemment coûteuse.

Les employeurs ne récoltent que ce qu'ils ont semé, et ceci nous pouvons facilement le constater. Supposons que Georges, notre voisin fictif, prenne la décision de recourir aux services d'une jeune voisine pour des tâches de bricolage. Cette voisine, appelons la Hélène, accepte de repeindre sa maison pour une modeste rétribution.

Hélène a ainsi su se donner un emploi en proposant à Georges la meilleure affaire qu'il put se trouver dans le voisinage. Si Hélène ne lui avait pas proposé de travailler pour cette faible somme, Georges se serait contenté d'attendre encore quelques années avant de faire repeintre son petit pavillon. La création de richesse résultant d'une maison bien tenue aurait été repoussée dans le temps. En offrant ses services Hélène à Georges, Hélène a aussi participer à enjoliver le voisinge. En fait Hélène n'a pas seulement dépanné Georges, elle a profité aussi du service qu'elle a généré.

Ainsi, l'automne arrivant, Hélène a demandé à Georges de la recommander pour un emploi auprès de l'épicier du coin. Grâce à sa chaude recommandation, Hélène a décroché le poste alors que d'autres jeunes avaient fait acte de candidature, mais sans être recommandés. L'été suivant Hélène, forte de la recommandation de l'épicier, obtint un travail temporaire dans une usine de la ville. Puis lorsqu'elle décrocha son bac, la banque de la ville lui proposa un emploi bien rémunéré. Là encore, elle fut choisie parmi de nombreux candidats car ses anciens employeurs s'étaient porté garant de sa conscience professionnelle. Et il se trouve justement que les candidats rejettés par défaut d'expérience professionnelle faisaient partie de ses amis, ceux-là même qui la raillaient d'accepter des petits jobs pour des salaires de misère. Ainsi en servant convenablement ses employeurs, Hélène s'était servi elle-même.

L'agression perturbe le fonctionnement du marché

Nous n'avons jamais, même pas en rêve, imaginé de pointer une arme sur la tempe de Georges pour le forcer à payer Hélène plus qu'ils n'en étaient convenus ensemble. Après tout nos voisins savons mieux que nous ce qu'il leur convient. De plus menacer ainsi Georges mettrait, sans nul doute, fin à la bonne entente qui avait par le passé régné entre nous. Notre bellicisme ne nous semblerait pas particulièrement indiqué pour faire triompher l'entente et la bonne humeur dans le quartier. Nous savons bien que Georges pourrait très bien se plaindre auprès de la police de ce qui nous lui aurions infligé, nous pourrions ainsi nous faire arrêter. Il pourrait aussi tenter de nous dissuader de le menacer à nouveau en se montrant plus belliqueux encore. En essayant de contrôler Georges, c'est nous qui pourrions nous faire contrôler.

Même si, finalement, nous réussissons à l'intimider, il risque de préfèrer de se passer de l'aide d'Hélène plutôt que d'accepter de la payer davantage. Sans la recommandation de Georges, Hélène aurait bien pu ne jamais travailler chez l'épicier et sans cette expérience pas de boulot à l'usine. Evidemment sans ces expériences elle n'autrait pas pu se distinguer des autres candidats postulant pour cet emploi bien payé à la banque. Nous voulions protéger Hélène de l'exploitation et finalement nous ne lui avons pas rendu service car sa situation est rendue plus difficile que celle qui aurait prévalue sans notre intervention.

Le marché n'opère ses bienfaits qui si nous n'intervenons pas dans son fonctionnement. La sagesse recommande que nous n'interférions pas dans les relations entre particuliers quand nul d'entre eux ne fait usage de la force ou de la fraude. Chaque individu connaît tout de même sa situation mieux que nous ne pouvons le prétendre.

Les mêmes principes sont valables en ce qui concerne le marché du travail à un niveau plus global, mais nous en sommes malheureusement moins persuadés. Nous considérons les petits salaires comme des signes de pingerie des employeurs plutôt que comme la chance de se former pour des salariés non qualifiés. Nous tentons de corriger le comportement de ces exploiteurs en votant des lois imposant, par la force si nécessaire, la fixation de salaires minimums. A travers l'Etat nous devenons des agresseurs, c'est-à-dire ceux qui initient la violence par la menace. Notre agression engendrent les mêmes résultats au niveau national que ceux que nous avons constaté au niveau de notre quartier.

Par exemple, si la manufacture de sièges, celle justement où travaille Georges, paie ses employés à des salaires différents, mettons 4 ou 5 dollars de l'heure selon l'expérience, et si le salaire minimum est augmenté à 5 dollars l'heure, alors bien des choses peuvent survenir.

Si les moins qualifiés peuvent prétendre à 5 dollars de l'heure, alors le prix des chaises va augmenter. Ceux qui touchaient 5 dollars vont certainement se plaindre de ne pas être payés davantage que les novices. L'employeur devra donc aussi les augmenter et le prix des chaises va encore grimper. A ces tarifs le nombre de clients risque de diminuer ainsi que la production réalisée, les premiers salariés licenciés seront donc les moins qualifiés. Au lieu de conserver leur 4 dollars, une partie des salariés inexpérimentés va donc se retrouver sans emploi alors que les autres conserveront leur 5 dollars.

Quelques employeurs remplaceront remplaceront leurs salariés les moins qualifiés par des machines dont le coût ne serait que de 4,5 dollars de l'heure au lieu des 5 dollars qu'exige la loi à titre de salaire minimum. Quant au salariés qui confectionnent lesdites machines, ils sont suffisamment qualifiés pour ne pas être touchés par des lois relatives au SMIC. Au contraire, ils tirent parti de telles lois puisqu'elles poussent les demandes des entreprises en biens d'équipement et favorisent donc l'emploi des plus qualifiés. Ainsi à la manufacture de sièges les salariés les plus expérimentés travaillent pour 5 dollars de l'heure alors que les moins compétents se retrouvent au chômage sans rien d'autre que des indemnités de plus en plus ténues. Par contre les salariés les plus qualifiés trouvent à s'embaucher chez les fabricants de biens d'équipement dont le carnet de commande ne désemplit plus. D'autres employeurs pourraient décider de ne plus effectier les tâches correspondant à la partie du travail réalisé par les salariés autrefois rémunérés à 4 dollars l'heure. Il s'agissait peut être du vernissage des chaises ou encore de la teinte, cette partie pourra être laissée au soin des acheteurs. Plus de salariés non qualifiés seront donc licenciés. Mais tous les employeurs ne pourront ainsi réduire leurs coûts de production, ils ne peuvent pas nécessairement se passer de leur personnel peu qualifié et perdront des clients en grand nombre s'ils se décident à augmenter leurs prix. Pour se mettre en conformité avec la législation du travail, ils devront réduire leur masse salariale aux dépens de l'ensemble du personnel et offriront donc moins d'avantages et de primes. Leur personnel peu qualifié sera bien employé à 5 dollars de l'heure, mais des avantages d'autre nature seront perdus. Encore que cette solution ne serait pas possible en France, les avantages acquis devant être maintenu ce sera forcément l'emploi qui en pâtira. En effet il faudrait alors rogner sur les profits ce que les dirigeants propriétaires n'accepteront pas forcément, préférant cesser l'exploitation de leur usine et se retirer des affaires, à moins qu'ils ne choisissent de réinvestir dans des secteurs nécessitant une main d'oeuvre qualifiée. Chaque employeur réagira différemment à cette augmentation du salaire minimum, mais en fin de compte ce sont toujours les salariés les moins formés qui trinquent, alors que les autres trouveront facilement des débouchés. Si nous soutenons les salaires minimum il faut donc savoir que nous acceptons cette destructions d'emplois tout particulièrement à l'encontre des moins qualifiés et des moins rémunérés. En usant de l'agression nous limitons la création de richesse par la destruction des emplois qui en sont à l'origine. Pas étonnant que le nombre de nouveaux chômeur s'accroisse au fur et à mesure que le salaire minimum augmente (1) !

 

Les pauvres s'appauvrissent : la discrimination contre les défavorisés

Puisque les salaires minimums nuisent le plus aux moins favorisés, ils sont souvent utilisés afin de "légaliser" la discrimination. En Afrique du Sud, les syndicats blancs ont revendiqué ce qu'ils appelèrent de "justes salaires" (rate for the job), c'est-à-dire des salaires minimums par profession afin justement de réserver certaines professions aux blancs (2). Ainsi des ouvriers noirs peu qualifiés ne purent plus négocier des salaires inférieurs afin d'obtenir une qualification, des professions leur devinrent donc inaccessibles.

La même chose est déjà survenue aux Etats-Unis. Mais ce furent les salaires minimums qui portèrent atteinte à ceux là même qu'ils étaient censés aider. Une forte proportion des ouvriers qualifiés sont noirs et les moins qualifiés parmi les ouvriers noirs sont les jeunes. Alors que le part des emplois concernés par un salaire minimum a augmenté (tableau 3.1.A), le chômage parmi les jeunes actifs noirs s'est accru bien plus rapidement que celui des blancs (tableau 3.1.B). Mais ce qui est particulièrement révélateur est que le taux de chômage parmi les jeunes noirs était preque identique à celui des blancs avant 1950. En essayant d'aider les plus pauvres par des mesures agressives, nous n'avons réussi qu'à leur nuire plus que ne l'auraient fait des employeurs cupides !

Les moins qualifiés ne sont pas les seules victimes. Les plus âgés et les handicapés pâtirent aussi de ces mesures. Ceci m'apparut flagrant au milieu des années 80, alors que je travaillais à la rénovation de logements sociaux de la ville de Kalamazoo. Un jeune homme, sans qualification et partiellement handicapé est venu nous trouver pour nous demander si nous accepterions de l'embaucher à 2 dollars de l'heure pour les travaux de déblayage et de terrassement. Il était disposé à accepter un si petit salaire car il habitait à proximité du chantier. Il espérait aussi pouvoir bénéficier de recommandations qui permettraient de trouver ultérieurement d'autres boulots, car actuellement peu étaient disposés à lui accorder sa chance. J'ai dû lui expliquer que la loi ne nous permettait pas, pour un tel travail, de la rémunérer à moins de 3,35 dollars de l'heure. Or nous savions tous les deux qu'à ce tarif je pouvais embaucher un homme valide capable d'abattre plus de travail de l'heure. Nous aurions sans problème consenti à l'embaucher pour 2 dollars de l'heure mais c'était interdit, passer outre aurair signifié être passible d'une forte amende que les inspecteurs du travail nous auraient extorqué par la force si nécessaire.

Mais pourquoi empêcher ce jeune homme de réaliser ses propres choix ? Il me ressemblait dans le sesn où il aurait accepté ces 2 dollars comme j'acceptais de travailler dans un laboratoire pour si peu, nous envisagions tous les deux ces emplois comme le tremplin pour des postes plus avantageux. Il était certainement le mieux à même de déterminer quel emploi lui conviendrait et quelle valeur il pouvait lui donner. En soutenant la législation sur les salaires minimums nous n'avons réussi qu'à marginaliser les plus pauvres. Devenir ainsi dépendant des autres est certainement plus "dégradant" que de commencer par la petite porte et de grimper ensuite les échelons !

Lorsque nous usons de l'agression pour contrôler l'écosystème du marché en l'empêchant de se réguler en fonction des salaires, nous mettons en branle une réaction en chaîne. Au lieu de faire le bonheur des plus pauvres en leur garantissant des revenus minimums, nous les excluons de ce dont ils ont le plus besoin : l'expérience qu'ils auraient pu acquérir par le travail. Et comme ils ne peuvent travailler, leur situation personnelle ne peut s'améliorer. Ils ne peuvent intéresser un employeur méfiant qui préferera toujours embaucher des salariés expérimentés pour le même salaire.

Les riches s'enrichissent grâce à notre aide !

Si les réglementations sur les salaires portent tellement préjudice à ceux qu'elles étaient supposées aider, pourquoi les députés et les sénateurs continuent-ils à les voter ? Ne serait-ce pas parce que ces lois bénéficient à d'autres dont le pouvoir et l'influence doivent être pris en considération ? Voila la véritable raison !

Avec des lois sur le salaire minimum, les salariés qualifiés et bénéficiant d'une formation n'ont plus à subir la concurrence d'ambitieux peu qualifiés qui préfèrent apprendre sur le tas quitte à faire pression à la baisse sur les rémunérations. Ainsi par ces lois seuls ceux qui ont les moyens de se payer une formation pourront obtenir les emplois en jeu, les autres ne pourront se qualifier et c'est bien lorsque les qualifications restent rares que les qualifiés peuvent prétendre aux salaires les plus élevés. Les syndicats revendiquent souvent ces salaires minimaux de branches car ils bénéficient au premier chef à leurs membres aux dépens des ouvriers non qualifiés, des handicapés et des minorités (3).

Cela signifie-t-il que les syndicats sont constitués d'un ramassis d'égoïstes cherchant à protéger leurs places et prérogatives ? Pas du tout (quoiqu'en France ...). Ceux qui se permettent de telles revendication savent que nous avons soutenu d'autres agressions au nom de l'intérêt général. Peut être même que des syndicalistes ont été déjà vicimes de telles mesures agressives auxquelles nous avions souscrit.

Syndicats et lobbies ne font pas eux mêmes usage de l'agression. Comme le serpent dans le Jardin d'Eden, ils leur suffit de nous tenter pour nous pousser à l'agression dont ils seront les bénéficiaires. Ils ne font qu'attiser les flammes de la pauvreté et des conflits, nous sommes les seuls maîtres du résultat final. Nous propageons l'incendie lors que nous permettons à ceux qui nous gouvernent d'user de leurs pouvoirs de coercition contre nos voisins au bénéfice de ceux qui en seront les profiteurs. Nous pourrions agir autrement, dire "Non !" à ces réglementateurs, comme Adam et Eve auraient pu ne pas céder au serpent. Sans notre consentement, les syndicats (et le serpent) seraient impuissants. Le choix et la responsabilité des actes du gouvernement nous appartient.

Une situation dans laquelle tout le monde perd

Habituellement nous donnons notre agrément aux agressions relatifs à la réglementation des salaires, car nous croyons que nous vivons dans un monde où chacun ne peut que s'enrichir aux dépens des autres et où la richesse et les emplois sont limités. Lorsque nous devons choisir entre gagner ou perdre, l'agression peut devenir un outil intéressant. Nous ne réalisons pas que c'est justement notre agression qui a pour effet de limiter la richesse et les emplois car nous réglementons justement comme si ces limites étaient figées, indépassables. Nos croyances erronées deviennent des prophétie autoréalisatrices.

Pour cette raison, l'idée selon laquelle les gains que perçoivent les salariés qualifiés lorsque des salaires minimums sont mis en place compensent largement les pertes des moins qualifiés, est une fausse idée. Ceux dont l'activité est le lobbying réglementaire (notamment en faveur des salaires minimums), ceux qui mettent en application de telles réglementations et ceux qui les paient par leur chômage, ne créent aucune richesse. De telles activités sont stériles en biens ou en services. Il en résulte qu'ils appauvrissent le monde et nous appauvrissent donc par la même occasion. Notre argent ne peut acheter ce qui n'existe pas, nous en revenons à ce pauvre argent qui peut rien acheter comme dans l'exemple de l'île déserte du chapitre 2. Dans un monde produisant moins de richesses qu'il ne l'est possible, nous perdons notre part relative desdites richesses. Puisque des lobbyistes, des agents de l'Etat et des chômeurs ne produisent pas de richesses, ils faut bien qu'ils vivent des richesses que nous créons nous. En voulant contrôler les autres nous voila donc contrôlés.

Mais la richesse est la partie congrue de ce que nous avons perdu. Nous avons encouragé les plus pauvres à penser que leur situation était la faute de quelqu'un plutôt qu'une condition modifiable au prix de leurs propres efforts. En soutenant les réglementations sur les salaires, nous leur avons appris qu'il suffisait de lois pour obtenir nourriture, vêtements et logements. C'est alors à notre tour de devenir victime et donc de payer pour les autres. Au lieu d'être responsables de nos choix et de laisser les autres exercer les mêmes responsabilités, nous préférons nous mêler de ce que font les autres. Nous cherchons à améliorer notre situation en nous adressant au pouvoir de réglementation de l'Etat en exigeant qu'il nous serve en nuisant à d'autres, et nous rentrons dans une guerre civile larvée pour obtenir les droits qui nous arrangent. Là encore notre croyance selon laquelle c'est l'égoïsme de notre prochain qui est le problème est devenue une prophétie autoréalisatrice.

En ignorant le droit de chacun de réaliser librement ses propres choix, nous avons prétendu connaître leur intérêt mieux qu'ils ne le sauraient. Cependant les premiers concernés réalisent bien souvent de meilleurs choix les concernant que nous ne le ferions en imposant à tous des solutions uniques. Des salariés peuvent choisir d'accepter une rémunération horaire plus faible pour bénéficier d'autres avantages, de meilleures conditions de travail, un emploi du temps à la carte, un lieu de travail proche du domicile, des collègues agréables, etc ... En règle générale, chacun sait mieux que les autres comment choisir sa combinaison optimale entre salaires et avantages selon sa situation et son tempérament. Mais avec une loi sur le salaire minimum, nous diminuons les possibilités de choix pour les plus défavorisés.

La meilleure solution pour s'en sortir

Le choix nous appartient, nous pouvons dire "non !" à l'agression que constitue la mise en place autoritaire d'un salaire minimum et nous pouvons ainsi étouffer les flammes de la pauvreté et des conflits allumés par la poursuite d'intérêts catégoriels. Il n'est pas nécessaire de détailler les motivations de ceux qui proposent des lois liberticides. Lorsque nous nous rendons compte que les forces de l'ordre agissent à l'encontre de ceux qui interagissent librement sans faire usage de violence ou de fraude, nous savons que pauvreté et conflits s'en suivront. D'une part la fin et les moyens sont intimement reliés, d'autre part l'agression au niveau d'un Etat possède le même caractère destructif qu'au niveau du voisinage.

Pourtant, nombreux sont ceux qui pensent qu'un salaire minimum obligatoire et d'autres restrictions légales quant aux conventions passées entre employeurs et employés sont de nature à participer à l'amélioration des conditions de travail. Ils peuvent que l'absence de réglementation du travail nous ramènerait aux relations de travail prévalant sous la Révolution industrielle. Ils commettent là une énorme erreur et c'est bien l'inverse qui est vrai .

En effet, les travailleurs du dix-neuvième siècle et leur famille devaient alors choisir entre une vie dangereuse, précaire et éreintante à travailler dans de petites fermes, ou se faire embaucher dans des usines surpeuplées pour de longues journées de labeur à de faibles salaires. A cette époque le processus productif était si peu efficace que toutes les heures de veille devaient être consacrées au travail afin d'amasser la richesse minimale à la survie. Les choix auxquels la majorité de nos ancêtres étaient confrontés nous sembleraient barbares selon nos critères actuels. L'organisation actuelle de la production nous a permi de faire baisser le temps de travail à 40 heures par semaine, à éliminer le travail des enfants et à prendre en charge ceux qui ne sont pas en mesure de participer à la création de valeurs. Ces possibilités qui nous sont ouvertes en matière de conditions de travail n'étaient pas des options réalistes dans les pays industrialisés avant la deuxième moitié du vingtième siècle. Si nous continuons à faire décroître le niveau de production tout en augmentant le salaire minimum et les autres réglémentations du travail, nous allons nous retrouver en face des choix des travailleurs du dix-neuvième siècle.

Mais sans ces lois instituant un salaire minimum, qu'est ce qui empêcherait les employeurs de s'entendre afin de ne payer que des salaires de misères à leurs employés, même en supposant que leur productivité augmente ? A cela une seule réponse : le marché vient modèrer l'avidité de l'employeur et effectivement sans le marché on pourrait penser que les employeurs s'arrangeraient pour payer un minimum même à des salariés qualifiés. Dans les faits, les employeurs américains paient au-delà du salaire minimum 90 % de leurs salariés (4), le marché du travail se régule donc bien sans avoir besoin de mesures d'agression.

Sans les lois sur le salaire minimum, les jeunes, les moins qualifiés ou les travailleurs handicapés pourraient se créer des niches d'emploi et offrir ainsi aux employeurs une plus grande part des richesses qu'ils créeraient et obtenir ainsi l'expérience et la formation qui leur manque. Comme chacun pourrait alors créer des richesses, tous pourraient se faire employer. Un tel arrangement gagnant-gagnant ne serait pas seulement générateur de richessess, il permettrait en outre aux plus défavorisés de retrouver confiance en eux et d'obtenir des recommandations.

Puisque chacun est en mesure de participer à la création de richesses, nul ne devrait se retrouver sans emploi . Les arrangements gagnat-gagnant ne sont pas une façon d'exploiter les travailleurs défavorisés, au contraire ils leur permettent de se joindre à ce grand mouvement de création et d'obtenir des recommandations. Au lieu de faire usage de leurs maigres ressources pour se payer des écoles coûteuses, ils sont payés pour apprendre un métier sur le tas et obtenir ainsi qualification et expérience ! La plupart des demandeurs d'emploi vous diront que la première question que pose un employeur est : "Combien d'années d'expérience possédez vous ?" Les patrons savent que les performances réalisées sont le meilleur baromêtre d'un emb uche sûre. Dans bien des cas l'expérience vaut plus que le diplôme. Sans l'agression des lois sur le salaire minimum, obtenir un emploi serait à la portée de tous.

Une fois devenus performants, travailleurs les plus défavorisés, pourront obtenir de meilleurs salaires, rechercher un autre employeur ou créer leur propre entreprise. Peu de gens n'évoluent pas professionnellement et la plupart connaissent des promotions au rythme de leurs expériences. Les emplois mal payés ne sont qu'un début et pas des voies de garage. Le système de régulation du marché protège les travailleurs compétents en leur offrant des débouchés. Ceci rend donc l'exploitation patronale très difficile.

Un exemple d'une telle régulation fut visible lors de la Guerre de Sécession. Beaucoup de propriétaires terriens Sudistes ne voulaient rien avoir à faire avec les nouveaux affranchis Noirs. Pourtant, le recours à une main d'oeuvre salariée était la condition de la production de richesses dans les plantations. Les Noirs acceptaient des rémunérations plus faibles que celles exigées par les Blancs, ce qui contraint les planteurs a mettre en balance les préjugés raciaux et leur portefeuille.

Un nombre important d'entre eux fit ainsi le choix du portefeuille, mais au début les planteurs tentèrent de se mettre d'accord afin de payer les Noirs le moins possible. Même si cette collusion était tout à fait permise, le marché fit échouer un tel projet. Ainsi, quelques planteurs se rendirent compte que si ils payaient plus cher les meilleurs travailleurs, ils pouvaient les garder à leur service et s'assurer de la main d'oeuvre la plus productive quitte à débaucher chez leurs voisins. C'est ainsi que les plantations les plus prospères faisaient travailler les salariés les plus compétents et alignaient des profits en croissance. Les planteurs qui s'en tenaient aux salaires les plus faibles s'alarmèrent de voir leurs ouvriers agricoles Noirs quitter leur emploi pour s'embaucher ailleurs. Ils durent se résoudre à augmenter les salaires ou à se passer de salariés. Mêmes les plus racistes durent se résoudre à traîter leurs travailleurs Noirs mieux qu'ils ne l'auraient souhaité. C'est donc l'avidité des employeurs qui prévint alors l'exploitation des affranchis. Bien sûr, ils gardaient le droit d'opérer une discrimination raciale, et beaucoup ne s'en privaient pas, mais ils devaient payer le prix fort pour cela. En récoltant ainsi ce qu'ils avaient semé, la régulation du marché leur appris les risques de la discrimination raciale et de l'exploitation.

Les Noirs qui ne se satisfaisaient pas de leur travail avaient également des choix à faire. Ils pouvaient émigrer vers les usines du Nord, ouvrir leurs propres commerces, ou proposer leurs compétences à la communauté, que ce soit en tant que plombiers, électriciens, ... L'autorégulation du marché a permis de protéger les Noirs de l'exploitation en mettant en place une grande variété de niches dans lesquelles ils pouvaient créer des richesses. Mais, au moment où les Noirs commençaient à gagner le respect et à exercer une influence, les moyens qu'ils s'étaient trouvé pour survivre et s'enrichir leur furent fermés par nos bien-intentionnées agressions, c'est de cela dont nous allons parler dans le prochain chapitre.

  

À chaque augmentation de 10 % du salaire minimum correspond une diminution de 2 % du niveau de vie des travailleurs par suite des suppressions d'heures supplémentaires, primes et bonus.

Albert Wessels, MINIMUM WAGES : ARE WORKERS REALLY BETTER OFF ?

 

... une augmentation de 20 % [du revenu minimum] détériore le revenu de 81 % des travailleurs de Caroline du Sud.

James Heckman et Guilherme Sedlacek, REPORT OF THE MINIMUM WAGE STUDY COMMISSION

 

La réglementatin relative au salaire minimum est une des principales causes de l'augmentation du chômage chez les jeunes Noirs.

Walter Williams, THE STATE AGAINST BLACKS

 

 

 

Une hausse du salaire minimum augmente le fossé des revenus perçus entre les Noirs er les Blancs, créant pour les familles Noires des situations en voie de dégradation rapide.

Robert Meyer et David Wise, REPORT OF THE MINIMUM WAGE STUDY COMMISSION

 

 

 

Des études réalisées prouvent largement que des salaires minimums plus élevés réduisent les possibilités de création d'emploi et donc contribuent à une augmentation du chômage, en particulier pour les jeunes, les minorités et les autres travailleurs peu qualifiés.

- Masanori Hashimoto, MINIMUM WAGES AND ON-THE-JOB TRAINING

 

 

... les travailleurs à bas salaires, en tant que groupe, sous les principales victimes de la législation sur les salaires minimums.

Keith B. Leffler, ECONOMICS OF LEGAL MINIMUM WAGES

 

 

 

 

... la sensibilité de l'offre de travail aux changements de salaires semble être plus forte parmi les non valides que parmi les valides...

Andrew Kohen, REPORT OF THE MINIMUM WAGE STUDY COMMISSION

 

 

 

 

Un des effets les plus grave de la législation sur les salaires minimum est l'effet négatif sur l'embauche des jeunes non qualifiés.

Masanori Hashimoto, MINIMUM WAGES AND ON-THE-JOB TRAINING .

... le salaire minimum réduit le revenu total disponible pour tous les membres d'une société dans son ensemble.

Sherwin Rosen, REPORT OF THE MINIMUM WAGE STUDY COMMISSION

 

 

 

Une des choses les plus frappantes que j'ai pu voir dans le Sud - et que j'ai aussi vu ailleurs - est la façon dont les Blancs sont déchirés entre leurs préjugés raciaux et leurs besoins économiques.

Ray Stannard Baker, journaliste lauréat du prix Pulitzer et auteur.

 

 

 

 

 

 

L'efficacité d'un marché de libre concurrence ne dépend ni de la bonne volonté ni de l'honnêteté des agents.

Thomas Sowell, THE ECONOMICS OF POLITICS AND RACE: AN INTERNAL PERSPECTIVE