Le
chapitre précédent expliquait comment des richesses peuvent être
créées par des individus agissant isolément ou collectivement
dans le cadre de leur activité personnelle ou professionnelle. Nous avons
vu aussi que la création de richesse est virtuellement infini alors que
l'on entend fréquemment que la création d'emplois est limitée.
Voyons en quoi cette contradiction apparente est le résultat de l'agression
de l'Etat.
L'autorégulation
du marché : respecter le choix d'autrui
Alors
que notre pays était encore jeune, les nouveaux immigrants souffrirent
d'un handicap d'intégration dans le système de marché. En
général il ne parlait pas l'anglais, leurs coutumes étaient
différentes et pas forcément bien acceptées. La plupart du
temps ils étaient peu qualifiés et peu productifs. Les employeurs
étaient donc faiblement incités à faire appel à leur
main-d'oeuvre.
Les
immigrants prirent donc sur eux de changer leur situation, ils choisirent de s'employer
pour des salaires plus faibles que ceux des Américains d'origine. En consentant
ces avantages à leurs employeurs ils s'aidèrent eux-mêmes.
Au lieu de se payer des études coûteuses, ils firent le choix de
se former sur le tas en acceptant, pour un temps, des rémunérations
plus faibles que celles des ouvriers expérimentés. Une fois qu'ils
apprirent à maîtriser la langue, les usages et les pratiques commerciales,
ils furent en mesure de se rendre plus productifs. Ils purent alors obtenir des
salaires plus avantageux ou changer d'emploi grâce à leur expérience
acquise. Ils purent quelquefois ouvrir leurs propres commerces, ou trouver un
employeur sachant correctement valoriser leurs mérites. Certains finirent
par devenir très riches. C'est en poussants leurs services vers leurs premiers
employeurs qu'ils purent finalement profiter de meilleures opportunités.
De
jeunes Américains utilisèrent parfois les mêmes méthodes
pour décrocher leur premier emploi. Je n'étais encore que lycéenne
lorsqu'après la classe je pris mon premier emploi dans un laboratoire.
Quelquefois j'étais payée, d'autres fois j'étais simplement
en stage sans paiement, mais il arrivait aussi que je ne touche rien et ne puisse
utiliser mon expérience pour mes études. Les chercheurs qui m'employaient
n'avaient pas vraiment de poste à me proposer, alors comme les immigrants
c'était à moi de me trouver un travail et pour cela je proposais
mes services à des tarifs qu'aucun autre élève n'aurait accepté.
D'ailleurs mes petits camarades pensaient que j'étais folle d'accepter
de travailler pour des salaires de misère. Pourtant, les années
passant, ils changèrent d'opinion. L'expérience que j'avais acquise,
ainsi que les recommandations de mes anciens employeurs, me furent très
profitables. A la fin de mes études, je pouvais ainsi me prévaloir
d'avantages supérieurs à ceux qui possédaient pourtant la
même formation que la mienne. En ayant choisi d'offrir mon travail à
faible coût, j'étais ensuite en mesure de postuler à des emplois
très bien rémunérés. Me faire "exploiter"
me réserva certainement mes opportunités de carrières les
plus intéressantes.
Les
conditions offertes sur le marché du travail évoluent naturellement
: les travailleurs sans qualification disposés à accepter de faibles
salaires pourront acquérir l'expérience et les compétences
nécessaires à l'augmentation de leur productivité. Tout le
monde ou presque est capable de créer des richesses, donc chacun peut trouver
sa place sur le marché du travail. L'expérience permettra d'ouvrir
de nouvelles perspectives. En offrant des opportunités à leurs premiers
employeurs, les salariés sans qualifications se créent en réalité
des opportunités pour eux-mêmes.
Habituellement
les employeurs accordent des promotions aux salariés dont la productivité
augmente. En proposant des promotions sur poste, des salaires plus avantageux
ou une part plus importante de la valeur ajoutée créée, les
employeurs récompensent les efforts de productivité de leurs employés.
Effectivement, une hausse de la productivité implique une plus grande valeur
ajoutée à partager entre la patron et ses salariés. Chacun
ne fait alors que servir ses propres intérêts en s'assurant de l'augmentation
des qualifications des salariés.
Les
employeurs les plus mesquins, peu disposés à partager les fruits
issus de capacité productives plus importantes ne feront que perdre leurs
salariés. Les employeurs préférant utiliser comme critère
de discrimination la couleur de peau ou le sexe ou tout autre particularité
n'ayant rien à faire avec les capacités productives dégageront
moins de valeur que ne le feront leurs concurrents. Et une plus faible création
de valeur cela signifie moins de valeur ajoutée à se répartir.
Ainsi toute discrimination non fondée sur les capacités productives
est éminemment coûteuse.
Les
employeurs ne récoltent que ce qu'ils ont semé, et ceci nous pouvons
facilement le constater. Supposons que Georges, notre voisin fictif, prenne la
décision de recourir aux services d'une jeune voisine pour des tâches
de bricolage. Cette voisine, appelons la Hélène, accepte de repeindre
sa maison pour une modeste rétribution.
Hélène
a ainsi su se donner un emploi en proposant à Georges la meilleure affaire
qu'il put se trouver dans le voisinage. Si Hélène ne lui avait pas
proposé de travailler pour cette faible somme, Georges se serait contenté
d'attendre encore quelques années avant de faire repeintre son petit pavillon.
La création de richesse résultant d'une maison bien tenue aurait
été repoussée dans le temps. En offrant ses services Hélène
à Georges, Hélène a aussi participer à enjoliver le
voisinge. En fait Hélène n'a pas seulement dépanné
Georges, elle a profité aussi du service qu'elle a généré.
Ainsi,
l'automne arrivant, Hélène a demandé à Georges de
la recommander pour un emploi auprès de l'épicier du coin. Grâce
à sa chaude recommandation, Hélène a décroché
le poste alors que d'autres jeunes avaient fait acte de candidature, mais sans
être recommandés. L'été suivant Hélène,
forte de la recommandation de l'épicier, obtint un travail temporaire dans
une usine de la ville. Puis lorsqu'elle décrocha son bac, la banque de
la ville lui proposa un emploi bien rémunéré. Là encore,
elle fut choisie parmi de nombreux candidats car ses anciens employeurs s'étaient
porté garant de sa conscience professionnelle. Et il se trouve justement
que les candidats rejettés par défaut d'expérience professionnelle
faisaient partie de
ses amis, ceux-là même qui la raillaient d'accepter des petits jobs
pour des salaires de misère. Ainsi en servant convenablement ses employeurs,
Hélène s'était servi elle-même.
L'agression
perturbe le fonctionnement du marché
Nous
n'avons jamais, même pas en rêve, imaginé de pointer une arme
sur la tempe de Georges pour le forcer à payer Hélène plus
qu'ils n'en étaient convenus ensemble. Après tout nos voisins savons
mieux que nous ce qu'il leur convient. De plus menacer ainsi Georges mettrait,
sans nul doute, fin à la bonne entente qui avait par le passé régné
entre nous. Notre bellicisme ne nous semblerait pas particulièrement indiqué
pour faire triompher l'entente et la bonne humeur dans le quartier. Nous savons
bien que Georges pourrait très bien se plaindre auprès de la police
de ce qui nous lui aurions infligé, nous pourrions ainsi nous faire arrêter.
Il pourrait aussi tenter de nous dissuader de le menacer à nouveau en se
montrant plus belliqueux encore. En essayant de contrôler Georges, c'est
nous qui pourrions nous faire contrôler.
Même
si, finalement, nous réussissons à l'intimider, il risque de préfèrer
de se passer de l'aide d'Hélène plutôt que d'accepter de la
payer davantage. Sans la recommandation de Georges, Hélène aurait
bien pu ne jamais travailler chez l'épicier et sans cette expérience
pas de boulot à l'usine. Evidemment sans ces expériences elle n'autrait
pas pu se distinguer des autres candidats postulant pour cet emploi bien payé
à la banque. Nous voulions protéger Hélène de l'exploitation
et finalement nous ne lui avons pas rendu service car sa situation est rendue
plus difficile que celle qui aurait prévalue sans notre intervention.
Le
marché n'opère ses bienfaits qui si nous n'intervenons pas dans
son fonctionnement. La sagesse recommande que nous n'interférions pas dans
les relations entre particuliers quand nul d'entre eux ne fait usage de la force
ou de la fraude. Chaque individu connaît tout de même sa situation
mieux que nous ne pouvons le prétendre.
Les
mêmes principes sont valables en ce qui concerne le marché du travail
à un niveau plus global, mais nous en sommes malheureusement moins persuadés.
Nous considérons les petits salaires comme des signes de pingerie des employeurs
plutôt que comme la chance de se former pour des salariés non qualifiés.
Nous tentons de corriger le comportement de ces exploiteurs en votant des lois
imposant, par la force si nécessaire, la fixation de salaires minimums.
A travers l'Etat nous devenons des agresseurs, c'est-à-dire ceux qui initient
la violence par la menace. Notre agression engendrent les mêmes résultats
au niveau national que ceux que nous avons constaté au niveau de notre
quartier.
Par
exemple, si la manufacture de sièges, celle justement où travaille
Georges, paie ses employés à des salaires différents, mettons
4 ou 5 dollars de l'heure selon l'expérience, et si le salaire minimum
est augmenté à 5 dollars l'heure, alors bien des choses peuvent
survenir.
Si
les moins qualifiés peuvent prétendre à 5 dollars de l'heure,
alors le prix des chaises va augmenter. Ceux qui touchaient 5 dollars vont certainement
se plaindre de ne pas être payés davantage que les novices. L'employeur
devra donc aussi les augmenter et le prix des chaises va encore grimper. A ces
tarifs le nombre de clients risque de diminuer ainsi que la production réalisée,
les premiers salariés licenciés seront donc les moins qualifiés.
Au lieu de conserver leur 4 dollars, une partie des salariés inexpérimentés
va donc se retrouver sans emploi alors que les autres conserveront leur 5 dollars.
Quelques
employeurs remplaceront remplaceront leurs salariés les moins qualifiés
par des machines dont le coût ne serait que de 4,5 dollars de l'heure au
lieu des 5 dollars qu'exige la loi à titre de salaire minimum. Quant au
salariés qui confectionnent lesdites machines, ils sont suffisamment qualifiés
pour ne pas être touchés par des lois relatives au SMIC. Au contraire,
ils tirent parti de telles lois puisqu'elles poussent les demandes des entreprises
en biens d'équipement et favorisent donc l'emploi des plus qualifiés.
Ainsi à la manufacture de sièges les salariés les plus expérimentés
travaillent pour 5 dollars de l'heure alors que les moins compétents se
retrouvent au chômage sans rien d'autre que des indemnités de plus
en plus ténues. Par contre les salariés les plus qualifiés
trouvent à s'embaucher chez les fabricants de biens d'équipement
dont le carnet de commande ne désemplit plus. D'autres employeurs pourraient
décider de ne plus effectier les tâches correspondant à la
partie du travail réalisé par les salariés autrefois rémunérés
à 4 dollars l'heure. Il s'agissait peut être du vernissage des chaises
ou encore de la teinte, cette partie pourra être laissée au soin
des acheteurs. Plus de salariés non qualifiés seront donc licenciés.
Mais tous les employeurs ne pourront ainsi réduire leurs coûts de
production, ils ne peuvent pas nécessairement se passer de leur personnel
peu qualifié et perdront des clients en grand nombre s'ils se décident
à augmenter leurs prix. Pour se mettre en conformité avec la législation
du travail, ils devront réduire leur masse salariale aux dépens
de l'ensemble du personnel et offriront donc moins d'avantages et de primes. Leur
personnel peu qualifié sera bien employé à 5 dollars de l'heure,
mais des avantages d'autre nature seront perdus. Encore que cette solution ne
serait pas possible en France, les avantages acquis devant être maintenu
ce sera forcément l'emploi qui en pâtira. En effet il faudrait alors
rogner sur les profits ce que les dirigeants propriétaires n'accepteront
pas forcément, préférant cesser l'exploitation de leur usine
et se retirer des affaires, à moins qu'ils ne choisissent de réinvestir
dans des secteurs nécessitant une main d'oeuvre qualifiée. Chaque
employeur réagira différemment à cette augmentation du salaire
minimum, mais en fin de compte ce sont toujours les salariés les moins
formés qui trinquent, alors que les autres trouveront facilement des débouchés.
Si nous soutenons les salaires minimum il faut donc savoir que nous acceptons
cette destructions d'emplois tout particulièrement à l'encontre
des moins qualifiés et des moins rémunérés. En usant
de l'agression nous limitons la création de richesse par la destruction
des emplois qui en sont à l'origine. Pas étonnant que le nombre
de nouveaux chômeur s'accroisse au fur et à mesure que le salaire
minimum augmente (1) !
Les
pauvres s'appauvrissent : la discrimination contre les défavorisés
Puisque
les salaires minimums nuisent le plus aux moins favorisés, ils sont souvent
utilisés afin de "légaliser" la discrimination. En Afrique
du Sud, les syndicats blancs ont revendiqué ce qu'ils appelèrent
de "justes salaires" (rate for the job), c'est-à-dire des salaires
minimums par profession afin justement de réserver certaines professions
aux blancs (2). Ainsi des ouvriers noirs peu qualifiés ne purent plus négocier
des salaires inférieurs afin d'obtenir une qualification, des professions
leur devinrent donc inaccessibles.
La
même chose est déjà survenue aux Etats-Unis. Mais ce furent
les salaires minimums qui portèrent atteinte à ceux là même
qu'ils étaient censés aider. Une forte proportion des ouvriers qualifiés
sont noirs et les moins qualifiés parmi les ouvriers noirs sont les jeunes.
Alors que le part des emplois concernés par un salaire minimum a augmenté
(tableau 3.1.A), le chômage parmi les jeunes actifs noirs s'est accru bien
plus rapidement que celui des blancs (tableau 3.1.B). Mais ce qui est particulièrement
révélateur est que le taux de chômage parmi les jeunes noirs
était preque identique à celui des blancs avant 1950. En essayant
d'aider les plus pauvres par des mesures agressives, nous n'avons réussi
qu'à leur nuire plus que ne l'auraient fait des employeurs cupides !
Les
moins qualifiés ne sont pas les seules victimes. Les plus âgés
et les handicapés pâtirent aussi de ces mesures. Ceci m'apparut flagrant
au milieu des années 80, alors que je travaillais à la rénovation
de logements sociaux de la ville de Kalamazoo. Un jeune homme, sans qualification
et partiellement handicapé est venu nous trouver pour nous demander si
nous accepterions de l'embaucher à 2 dollars de l'heure pour les travaux
de déblayage et de terrassement. Il était disposé à
accepter un si petit salaire car il habitait à proximité du chantier.
Il espérait aussi pouvoir bénéficier de recommandations qui
permettraient de trouver ultérieurement d'autres boulots, car actuellement
peu étaient disposés à lui accorder sa chance. J'ai dû
lui expliquer que la loi ne nous permettait pas, pour un tel travail, de la rémunérer
à moins de 3,35 dollars de l'heure. Or nous savions tous les deux qu'à
ce tarif je pouvais embaucher un homme valide capable d'abattre plus de travail
de l'heure. Nous aurions sans problème consenti à l'embaucher pour
2 dollars de l'heure mais c'était interdit, passer outre aurair signifié
être passible d'une forte amende que les inspecteurs du travail nous auraient
extorqué par la force si nécessaire.
Mais pourquoi empêcher ce jeune homme de réaliser ses propres choix
? Il me ressemblait dans le sesn où il aurait accepté ces 2 dollars
comme j'acceptais de travailler dans un laboratoire pour si peu, nous envisagions
tous les deux ces emplois comme le tremplin pour des postes plus avantageux. Il
était certainement le mieux à même de déterminer quel
emploi lui conviendrait et quelle valeur il pouvait lui donner. En soutenant la
législation sur les salaires minimums nous n'avons réussi qu'à
marginaliser les plus pauvres. Devenir ainsi dépendant des autres est certainement
plus "dégradant" que de commencer par la petite porte et de grimper
ensuite les échelons !
Lorsque
nous usons de l'agression pour contrôler l'écosystème du marché
en l'empêchant de se réguler en fonction des salaires, nous mettons
en branle une réaction en chaîne. Au lieu de faire le bonheur des
plus pauvres en leur garantissant des revenus minimums, nous les excluons de ce
dont ils ont le plus besoin : l'expérience qu'ils auraient pu acquérir
par le travail. Et comme ils ne peuvent travailler, leur situation personnelle
ne peut s'améliorer. Ils ne peuvent intéresser un employeur méfiant
qui préferera toujours embaucher des salariés expérimentés
pour le même salaire.
Les
riches s'enrichissent grâce à notre aide !
Si
les réglementations sur les salaires portent tellement préjudice
à ceux qu'elles étaient supposées aider, pourquoi les députés
et les sénateurs continuent-ils à les voter ? Ne serait-ce pas parce
que ces lois bénéficient à d'autres dont le pouvoir et l'influence
doivent être pris en considération ? Voila la véritable raison
!
Avec
des lois sur le salaire minimum, les salariés qualifiés et bénéficiant
d'une formation n'ont plus à subir la concurrence d'ambitieux peu qualifiés
qui préfèrent apprendre sur le tas quitte à faire pression
à la baisse sur les rémunérations. Ainsi par ces lois seuls
ceux qui ont les moyens de se payer une formation pourront obtenir les emplois
en jeu, les autres ne pourront se qualifier et c'est bien lorsque les qualifications
restent rares que les qualifiés peuvent prétendre aux salaires les
plus élevés. Les syndicats revendiquent souvent ces salaires minimaux
de branches car ils bénéficient au premier chef à leurs membres
aux dépens des ouvriers non qualifiés, des handicapés et
des minorités (3).
Cela
signifie-t-il que les syndicats sont constitués d'un ramassis d'égoïstes
cherchant à protéger leurs places et prérogatives ? Pas du
tout (quoiqu'en France ...). Ceux qui se permettent de telles revendication savent
que nous avons soutenu d'autres agressions au nom de l'intérêt général.
Peut être même que des syndicalistes ont été déjà
vicimes de telles mesures agressives auxquelles nous avions souscrit.
Syndicats et lobbies ne font pas eux mêmes usage de l'agression. Comme le
serpent dans le Jardin d'Eden, ils leur suffit de nous tenter pour nous pousser
à l'agression dont ils seront les bénéficiaires. Ils ne font
qu'attiser les flammes de la pauvreté et des conflits, nous sommes les
seuls maîtres du résultat final. Nous propageons l'incendie lors
que nous permettons à ceux qui nous gouvernent d'user de leurs pouvoirs
de coercition contre nos voisins au bénéfice de ceux qui en seront
les profiteurs. Nous pourrions agir autrement, dire "Non !" à
ces réglementateurs, comme Adam et Eve auraient pu ne pas céder
au serpent. Sans notre consentement, les syndicats (et le serpent) seraient impuissants.
Le choix et la responsabilité des actes du gouvernement nous appartient.
Une
situation dans laquelle tout le monde perd
Habituellement
nous donnons notre agrément aux agressions relatifs à la réglementation
des salaires, car nous croyons que nous vivons dans un monde où chacun
ne peut que s'enrichir aux dépens des autres et où la richesse et
les emplois sont limités. Lorsque nous devons choisir entre gagner ou perdre,
l'agression peut devenir un outil intéressant. Nous ne réalisons
pas que c'est justement notre agression qui a pour effet de limiter la richesse
et les emplois car nous réglementons justement comme si ces limites étaient
figées, indépassables. Nos croyances erronées deviennent
des prophétie autoréalisatrices.
Pour
cette raison, l'idée selon laquelle les gains que perçoivent les
salariés qualifiés lorsque des salaires minimums sont mis en place
compensent largement les pertes des moins qualifiés, est une fausse idée.
Ceux dont l'activité est le lobbying réglementaire (notamment en
faveur des salaires minimums), ceux qui mettent en application de telles réglementations
et ceux qui les paient par leur chômage, ne créent aucune richesse.
De telles activités sont stériles en biens ou en services. Il en
résulte qu'ils appauvrissent le monde et nous appauvrissent donc par la
même occasion. Notre argent ne peut acheter ce qui n'existe pas, nous en
revenons à ce pauvre argent qui peut rien acheter comme dans l'exemple
de l'île déserte du chapitre 2. Dans un
monde produisant moins de richesses qu'il ne l'est possible, nous perdons notre
part relative desdites richesses. Puisque des lobbyistes, des agents de l'Etat
et des chômeurs ne produisent pas de richesses, ils faut bien qu'ils vivent
des richesses que nous créons nous. En voulant contrôler les autres
nous voila donc contrôlés.
Mais
la richesse est la partie congrue de ce que nous avons perdu. Nous avons encouragé
les plus pauvres à penser que leur situation était la faute de quelqu'un
plutôt qu'une condition modifiable au prix de leurs propres efforts. En
soutenant les réglementations sur les salaires, nous leur avons appris
qu'il suffisait de lois pour obtenir nourriture, vêtements et logements.
C'est alors à notre tour de devenir victime et donc de payer pour les autres.
Au lieu d'être responsables de nos choix et de laisser les autres exercer
les mêmes responsabilités, nous préférons nous mêler
de ce que font les autres. Nous cherchons à améliorer notre situation
en nous adressant au pouvoir de réglementation de l'Etat en exigeant qu'il
nous serve en nuisant à d'autres, et nous rentrons dans une guerre civile
larvée pour obtenir les droits qui nous arrangent. Là encore notre
croyance selon laquelle c'est l'égoïsme de notre prochain qui est
le problème est devenue une prophétie autoréalisatrice.
En
ignorant le droit de chacun de réaliser librement ses propres choix, nous
avons prétendu connaître leur intérêt mieux qu'ils ne
le sauraient. Cependant les premiers concernés réalisent
bien souvent de meilleurs choix les concernant que nous ne le ferions en imposant
à tous des solutions uniques. Des salariés peuvent choisir d'accepter
une rémunération horaire plus faible pour bénéficier
d'autres avantages, de meilleures conditions de travail, un emploi du temps à
la carte, un lieu de travail proche du domicile, des collègues agréables,
etc ... En règle générale, chacun sait mieux que les autres
comment choisir sa combinaison optimale entre salaires et avantages selon sa situation
et son tempérament. Mais avec une loi sur le salaire minimum, nous diminuons
les possibilités de choix pour les plus défavorisés.
La
meilleure solution pour s'en sortir
Le
choix nous appartient, nous pouvons dire "non !" à l'agression
que constitue la mise en place autoritaire d'un salaire minimum et nous pouvons
ainsi étouffer les flammes de la pauvreté et des conflits allumés
par la poursuite d'intérêts catégoriels. Il n'est pas nécessaire
de détailler les motivations de ceux qui proposent des lois liberticides.
Lorsque nous nous rendons compte que les forces de l'ordre agissent à l'encontre
de ceux qui interagissent librement sans faire usage de violence ou de fraude,
nous savons que pauvreté et conflits s'en suivront. D'une part la fin et
les moyens sont intimement reliés, d'autre part l'agression au niveau d'un
Etat possède le même caractère destructif qu'au niveau du
voisinage.
Pourtant,
nombreux sont ceux qui pensent qu'un salaire minimum obligatoire et d'autres restrictions
légales quant aux conventions passées entre employeurs et employés
sont de nature à participer à l'amélioration des conditions
de travail. Ils peuvent que l'absence de réglementation du travail nous
ramènerait aux relations de travail prévalant sous la Révolution
industrielle. Ils commettent là une énorme erreur et c'est bien
l'inverse qui est vrai .
En
effet, les travailleurs du dix-neuvième siècle et leur famille devaient
alors choisir entre une vie dangereuse, précaire et éreintante à
travailler dans de petites fermes, ou se faire embaucher dans des usines surpeuplées
pour de longues journées de labeur à de faibles salaires. A cette
époque le processus productif était si peu efficace que toutes les
heures de veille devaient être consacrées au travail afin d'amasser
la richesse minimale à la survie. Les choix auxquels la majorité
de nos ancêtres étaient confrontés nous sembleraient barbares
selon nos critères actuels. L'organisation actuelle de la production nous
a permi de faire baisser le temps de travail à 40 heures par semaine, à
éliminer le travail des enfants et à prendre en charge ceux qui
ne sont pas en mesure de participer à la création de valeurs. Ces
possibilités qui nous sont ouvertes en matière de conditions de
travail n'étaient pas des options réalistes dans les pays industrialisés
avant la deuxième moitié du vingtième siècle. Si nous
continuons à faire décroître le niveau de production tout
en augmentant le salaire minimum et les autres réglémentations du
travail, nous allons nous retrouver en face des choix des travailleurs du dix-neuvième
siècle.
Mais
sans ces lois instituant un salaire minimum, qu'est ce qui empêcherait les
employeurs de s'entendre afin de ne payer que des salaires de misères à
leurs employés, même en supposant que leur productivité augmente
? A cela une seule réponse : le marché vient modèrer l'avidité
de l'employeur et effectivement sans le marché on pourrait penser que les
employeurs s'arrangeraient pour payer un minimum même à des salariés
qualifiés. Dans les faits, les employeurs américains paient au-delà
du salaire minimum 90 % de leurs salariés (4), le marché du travail
se régule donc bien sans avoir besoin de mesures d'agression.
Sans
les lois sur le salaire minimum, les jeunes, les moins qualifiés ou les
travailleurs handicapés pourraient se créer des niches d'emploi
et offrir ainsi aux employeurs une plus grande part des richesses qu'ils créeraient
et obtenir ainsi l'expérience et la formation qui leur manque. Comme chacun
pourrait alors créer des richesses, tous pourraient se faire employer.
Un tel arrangement gagnant-gagnant ne serait pas seulement générateur
de richessess, il permettrait en outre aux plus défavorisés de retrouver
confiance en eux et d'obtenir des recommandations.
Puisque
chacun est en mesure de participer à la création de richesses, nul
ne devrait se retrouver sans emploi . Les arrangements gagnat-gagnant ne sont
pas une façon d'exploiter les travailleurs défavorisés, au
contraire ils leur permettent de se joindre à ce grand mouvement de création
et d'obtenir des recommandations. Au lieu de faire usage de leurs maigres ressources
pour se payer des écoles coûteuses, ils sont payés pour apprendre
un métier sur le tas et obtenir ainsi qualification et expérience
! La plupart des demandeurs d'emploi vous diront que la première question
que pose un employeur est : "Combien d'années d'expérience
possédez vous ?" Les patrons savent que les performances réalisées
sont le meilleur baromêtre d'un emb uche sûre. Dans bien des cas l'expérience
vaut plus que le diplôme. Sans l'agression des lois sur le salaire minimum,
obtenir un emploi serait à la portée de tous.
Une
fois devenus performants, travailleurs les plus défavorisés, pourront
obtenir de meilleurs salaires, rechercher un autre employeur ou créer leur
propre entreprise. Peu de gens n'évoluent pas professionnellement et la
plupart connaissent des promotions au rythme de leurs expériences. Les
emplois mal payés ne sont qu'un début et pas des voies de garage.
Le système de régulation du marché protège les travailleurs
compétents en leur offrant des débouchés. Ceci rend donc
l'exploitation patronale très difficile.
Un
exemple d'une telle régulation fut visible lors de la Guerre de Sécession.
Beaucoup de propriétaires terriens Sudistes ne voulaient rien avoir à
faire avec les nouveaux affranchis Noirs. Pourtant, le recours à une main
d'oeuvre salariée était la condition de la production de richesses
dans les plantations. Les Noirs acceptaient des rémunérations plus
faibles que celles exigées par les Blancs, ce qui contraint les planteurs
a mettre en balance les préjugés raciaux et leur portefeuille.
Un
nombre important d'entre eux fit ainsi le choix du portefeuille, mais au début
les planteurs tentèrent de se mettre d'accord afin de payer les Noirs le
moins possible. Même si cette collusion était tout à fait
permise, le marché fit échouer un tel projet. Ainsi, quelques planteurs
se rendirent compte que si ils payaient plus cher les meilleurs travailleurs,
ils pouvaient les garder à leur service et s'assurer de la main d'oeuvre
la plus productive quitte à débaucher chez leurs voisins. C'est
ainsi que les plantations les plus prospères faisaient travailler les salariés
les plus compétents et alignaient des profits en croissance. Les planteurs
qui s'en tenaient aux salaires les plus faibles s'alarmèrent de voir leurs
ouvriers agricoles Noirs quitter leur emploi pour s'embaucher ailleurs. Ils durent
se résoudre à augmenter les salaires ou à se passer de salariés.
Mêmes les plus racistes durent se résoudre à traîter
leurs travailleurs Noirs mieux qu'ils ne l'auraient souhaité. C'est donc
l'avidité des employeurs qui prévint alors l'exploitation des affranchis.
Bien sûr, ils gardaient le droit d'opérer une discrimination raciale,
et beaucoup ne s'en privaient pas, mais ils devaient payer le prix fort pour cela.
En récoltant ainsi ce qu'ils avaient semé, la régulation
du marché leur appris les risques de la discrimination raciale et de l'exploitation.
Les
Noirs qui ne se satisfaisaient pas de leur travail avaient également des
choix à faire. Ils pouvaient émigrer vers les usines du Nord, ouvrir
leurs propres commerces, ou proposer leurs compétences à la communauté,
que ce soit en tant que plombiers, électriciens, ... L'autorégulation
du marché a permis de protéger les Noirs de l'exploitation en mettant
en place une grande variété de niches dans lesquelles ils pouvaient
créer des richesses. Mais, au moment où les Noirs commençaient
à gagner le respect et à exercer une influence, les moyens qu'ils
s'étaient trouvé pour survivre et s'enrichir leur furent fermés
par nos bien-intentionnées agressions, c'est de cela dont nous allons parler
dans le prochain chapitre.