Les héritages sont-ils vecteur d'avantages injustes ?


Sur la question de l'héritage on doit bien reconnaître que les droits en question ne sont pas tant ceux des héritiers que ceux des créateurs de richesses patrimoniales. Le droit de propriété consiste bien en celui d'user et de disposer de ses biens, donc la même façon que l'on peut disposer de ses revenus durant sa vie on devrait pouvoir choisir à qui en faire bénéficier après sa mort. Nul autre que le créateur de richesses ne peut décider à sa place. Il ne convient donc pas d'examiner un tel droit selon le mérite de l'héritier mais de mettre en évidence le fait que dénoncer l'héritage revient à remettre en cause le droit de propriété.

La dénonciation a pu s'appuyer sur la constatation suivant laquelle l'héritier n'a pas travaillé pour se procurer le fruit de l'héritage. C'est vrai puisque le droit de l'héritier n'est qu'un droit dérivé, celui du créateur de richesses. Mais, si le futur héritier n'a aucun droit moral sur la fortune constituée, c'est aussi le cas de tout le reste de la population et l'État ne peut non plus réclamer un quelconque droit. Dans une économie de marché les richesses héritées ne sont ni un obstacle ni une menace pour ceux qui n'en possèdent pas. Il faut se mettre en mémoire que la richesse n'est pas statique, qu'elle n'existe pas en une quantité limitée que l'on ne peut atteindre que par la répartition ou le pillage. La richesse est créée et elle l'est de façon virtuellement illimitée.

Si un héritier mérite ce qu'il reçoit, c'est-à-dire s'il est capable de faire fructifier son héritage alors il produit des richesses supplémentaires et participe à l'augmentation du niveau de vie général. En effet, plus les richesses s'accroissent plus les salaires et les profits augmentent et plus le marché s'élargit pour de nouveaux produits et services. Lorsque l'industrie n'en était qu'à ses balbutiements les salaires étaient maigres et il n'existait qu'un marché restreint pour des capacités humaines inhabituelle. Mais au fur et à mesure que les générations se succédaient, alors que l'accumulation du capital se poursuivait, la demande en hommes et en compétences se diversifait et donc les industries n'eurent d'autre choix que d'accroître les salaires pour le personnel qualifié. Il fallut souvent faire l'effort financier de former les hommes quitte à renforcer les compétences de ceux qui allaient se mettre à concurrencer leurs anciens employeurs.

Mais si l'héritier ne mérite pas son pactole alors la seule personne qu'il met en danger c'est lui-même. Une économie libre de marché est un processus constant d'amélioration, d'innovation, de progrès, elle ne supporte pas la stagnation. Un héritier incompétent ne conservera pas longtemps sa fortune. Dans une économie libre c'est-à-dire, par définition, une économie où les bureaucrates et les bricoleurs de lois ne possèdent pas le pouvoir de vendre ou d'accorder des faveurs économiques, tout l'argent de l'héritier ne le protègera pas de son incompétence ; il devra être bon dans ce qu'il fait sous peine de perdre ses clients au profit de sociétés menées par de meilleurs que lui. Effectivemt il n'est rien de plus vulnérable qu'une grosse société mal gérée face à des concurrents nouveaux venus et qui en veulent (...) A la fin du dix-neuvième siècle, une éloquente maxime en vogue était la suivante : "de va-nus-pieds à va-nus-pieds en trois générations", à cette époque un self-made-man pouvait réussir et laisser son affaire à des héritiers incapables, ce qui laissait les petits-enfants aussi pauvres que le grand-père avant qu'il ne se soit lancé.

Il faut une économie mixte telle que celle qui existe aujourd'hui pour que le riche non-productif bénéficie de protections. Nos économies mixtes sont des sociétés immobiles dans lesquelles chacun reste générations après générations dans sa caste ou classe d'origine. Il y est de plus en plus difficile de s'élever au-dessus de ses parents ou de descendre d'un échelon, de sorte que celui qui a hérité d'un gros patrimoine peut le conserver sans peur de la compétition, à l'instar d'un fils de seigneur aux temps féodaux. D'ailleurs il n'est pas innocent de constater que bien des héritiers de grosses fortunes, à la seconde ou à la troisième génération, sont devenus des partisans de l'État-Providence, réclamant de plus en plus de contrôles. La cible et les victimes de tels contrôles sont les hommes les plus capables, lesquels menacent la situation des héritiers. Comme l'écrivait Ludwig Von Mises dans L'Action Humaine : "Aujourd'hui la fiscalité absorbe la plus grande partie des profits "excessifs" des nouveaux riches. Lesquels ne peuvent plus accumuler de capital, ne peuvent étendre leur activité ni créer de grandes entreprises aptes à attirer des investissements. Les grosses entreprises déjà établies n'ont pas besoin de craindre la concurrence, elles en sont protégés par les agents du fisc." (...)

Ayn RAND, juin 1963

1. Expliquer les deux premières phrases soulignées.

2. Expliquer la troisième phrase soulignée.

3. Quels types d'impôts protègent les héritiers des nouveaux riches ? Les impôts progressifs.

4. La taxation des héritages permet-elle une plus grande mobilité sociale ? Développer votre réponse.