CHAPITRE 8
SACCAGER L'ENVIRONNEMENT
Dans ce chapitre nous verrons comment le troisième niveau d'agression porte préjudice à l'environnement et augmente les coûts de nombreux services. Avec ce troisième niveau d'agression nous sommes contraints de subventionner des monopoles non contestables érigés en vertu du deuxième niveau d'agression, que nous utilisions ou non les services de ces monopoles ! Bien sûr, nous pouvons aussi être contraints de subventionner des fournisseurs de service en situation de concurrence. En réalité les différents niveaux d'agression constituant la pyramide du pouvoir évoluent dans le temps, le seul élément immuable est que chaque niveau supplémentaire d'agression limite nos choix et augmente nos coûts.
Augmenter les coûts
Beaucoup de monopoles non contestables subventionnés sont des "services publics". En moyenne notre charge fiscale destinée à nous payer ces services est deux fois plus importante que ce que nous coûteraient ces services si ils étaient fournis par le secteur privé (1). Ceci s'explique notamment par le fait que les bureaucrates sont moins incités à l'efficacité lorsque les usagers doivent payer leurs services qu'ils les utilisent ou non. La preuve de cette inefficacité est fournie par les énormes économies réalisées lorsque des services publics sont concédés à des entreprises privées plutôt qu'à des fonctionnaires. Les villes de Californie ont pu réduire leurs coûts de 37 à 96 % en accordant une concession à des entreprises privées pour la voirie, le gardiennage, le ramassage des déchets ménagers, la réparation des feux, l'entretien des espaces verts, la construction de routes (2). Des économies ont également été dégagées dans de nombreuses communes par la concession de services de pompiers (4), d'ambulanciers (5), de gestion des eaux usées (6), et de recyclage des déchets solides (7). Ces services restent du domaine du monopole local, ils demeurent subventionnés, mais ils sont devenus moins coûteux.
Encourager les gâchis
Lorsque que l'on ne paie pas le prix intégral de ce que l'on utilise alors nous sommes moins incités à ne pas gâcher. Par exemple, lorsque les gens paient le même montant de taxes d'enlèvement des ordures ménagères qu'ils participent ou non au recyclage, alors moins de gens sont incités à participer au recyclage. En conséquence, nous rencontrons davantage de problème pour la gestion des déchets.
À Seattle, lors de la première année durant laquelle les habitants payaient en fonction du volume d'ordures qu'ils généraient, 67 % d'entre eux firent le choix de s'investir dans le programme local de recyclage (8). Puisqu'environ 18 % de nos ordures annuelles consistent en des feuilles, de l'herbe, d'autres produits du jardin (9) la mise en compost et le recyclage sont à même de faire chuter considérablement les factures relatives au traitement des ordures que chacun a à payer. Puisque moins de déchets sont générés, moins de ressources doivent être employées pour s'en débarasser. Voila une solution qui convient !
Décourager la conservation
Les stations d'eau sont en général des monopoles publics financés impôts. La San Joaquim Valley en Californie, 4,5 million d'acres de désert transformées en terres arables est irriguée par de l'eau subventionnée. Les impôts servent à construire des barrages, à payer les frais d'acheminement, à régler les prêts à taux 0 accordés aux fermiers qui, par ailleurs, paient l'eau 10 fois moins chers que les autres résidents (10) ! Ces subventions ont encouragés les gaspillages lesquels ont eu pour conséquences l'érosion des sols, la salinisation, et des degrés de concentration toxique de sélénium dans les eaux de ruisselement. Kesterson Wildlife Reservoir a été pratiquement détruit par un engorgement de sélénium qui menace désormais la baie de San Francisco (11).
Aussi longtemps que notre argent continuera à subventionner les fermiers, ils seront peu incités financièrement à installer des systèmes de récupération des eaux ou tout autre dispositif de valorisation des eaux. Il en résulte donc moins d'eau disponible pour d'autres usages donc une hausse du prix de l'eau pour tous les autres utilisateurs. Sans subvention, les fermiers économiseront l'eau, permettant d'en laisser davantage pour des usages domestiques.
Détruire l'environnement
Les exemples ci-dessus du troisième niveau d'agression ne traitent que des seuls monopoles non contestables, lorsque le service est fourni par des entrepreneurs de travaux publics et financé partiellement ou intégralement par des prélèvements obligatoires. Notre argent sert aussi au financement des terres fédérales et nationales lesquelles représentent 40 % des terres américaines (12), incluant presque tout l'Alaska et le Nevada (13). La propriété des terres n'est pas un monopole exclusif de l'État, mais les possessions de l'État et le poids des subventions nécessaires pour les entretenir nous permette de classifier les terrains publics comme un troisième niveau d'agression. À la place d'accorder un brevet exclusif, l'agression à travers l'État consiste ici à interdire l'appropriation individuelle de ces terres par " homesteading ".
Il faut préciser que l'homesteading est la manière suivant laquelle les terres des Etats-Unis furent appropriées. Il s'agissait de permettre à des individus ou des groupes de trouver des terres cultivables non occupées, de les enclore, de les mettre en valeur, d'y construire un foyer.
Le homesteading implique alors que ceux qui mettent en valeur ces terres en deviennent les propriétaires, d'autres pourront s'installer sur des terres voisines non exploitées et en devenir pareillement propriétaires. L'État va pourtant détenir des terres les soustrayant au homesteading. Quelques fois nous approuvons tacitement cette agression lorsque les objectifs mis en avant sont de protéger les espaces naturels du saccage et de la destruction. Mais en faisant usage de l'agression pour protéger la nature nous portons atteinte à l'objectif que nous affichons.
Surexploiter la nature
Les représentants du Congrès surveillent les activités du ministère de l'environnement, mais cette surveillance répond à des motivations différentes de celles des propriétaires fonciers. La conversation imaginaire suivante entre un député et un de ses électeurs, illustre le dilemme auquel sont confrontés nos juristes.
"Monsieur le député, nous représentons les éleveurs de votre circonscription. Les choses vont mal pour nous actuellement, mais vous pouvez nous aider. Permettez-nous d'élever du bétail sur les terres avoisinantes appartenant à l'État. Nous vous en serons reconnaissant lorsque vous nous demanderez de contribuer à votre campagne. À titre de témoignage de notre bonne volonté, nous vous ferons une donation substantielle dès que nous tomberons sur un accord. "
Le député hésitait, il savait que les éleveurs entasseraient un nombre maximum de tête sur les terrains publics alors même qu'il en contrôlait scrupuleusement le nombre sur leurs propres terres. Mais comme les éleveurs ne sont jamais certains, années après années, de bénéficier des mêmes concessions sur des terrains publics, ils tentent d'en profiter un maximum tout de suite sans en prendre soin. Puisque de toutes façons leurs enfants n'hériteront pas de ces terres, leurs troupeaux pourront bien brouter jusqu'au dernier brin d'herbe. Lorsque le député les entretint de leurs tendances à la surexploitation des terres publiques, ils lui répondirent :
" Monsieur le député, nous réglerons un fermage pour la concession de ces terres. En tant que locataires nous n'en prendrons pas autant soin que si nous en étions propriétaires, je vous le concède, mais ces terres sont là et ne servent à personne. Ceux qui veulent garder des terres pour en faire hériter leurs enfants et leurs petits-enfants n'ont pas les mêmes raisonnements que nous qui voulons seulement être capables de nourrir notre génération, ce que nous ne pouvons faire qu'avec peine. Monsieur, si vous ne nous aidez pas, nous aurons du mal à nourrir notre famille et nous trouverons bien un autre candidat à la députation qui saura prendre soin de ceux qu'il représentera. Et nous ferons en sorte que vous perdiez cette élection. "
Le député soupira et promit de mettre les terres publiques à leur disposition. Effectivement, les éleveurs ont les moyens de mettre en application leurs menaces et leurs promesses. La personne qu'ils soutiendront par leurs votes pourrait même n'avoir aucune préoccupation environnementale. Les raisons du député sont de se faire réélire tout simplement.
Le député découvre que ses collègues ont des électeurs qui attendent d'eux la construction d'un barrage ou la transformation de forêts en terrains agricoles. Il accepte de voter pour ces programmes à condition que ses collègues l'aident à ce que les autorités administratives concèdent des terrains publics aux éleveurs. Bien sûr, ces mesures s'appliqueront sur une large échelle.
À travers ces processus de marchandage politique, presque la moitié des terrains publics aux Etats-Unis sont à la disposition des éleveurs, représentant un cinquième à un dixième des terrains privés ainsi exploités par les éleveurs (14). Vers 1964 trois millions d'acres supplémentaires ont subi des pratiques destructives telles que le " chaining " (15) afin de créer davantage de patûrage plus rentables. C'est parce que les éleveurs et leurs députés ne gagnent rien à protéger les terres qu'ils sont peu enclins à le faire. D'ailleurs dès 1925, des études ont démontré que dans les pâturages publics, souvent surexploités, la mortabilité du bétail était deux fois plus importante que sur les pâturages privés, et la natalité deux fois moindre (16).
Devrions nous donc blâmer l'égoïsme des éleveurs et leurs représentants pour la surexploitation des pâturages publics ? Non ! Si les éleveurs et plus généralement les agriculteurs avaient obtenu le droit de propriété sur les terres qu'ils exploitèrent les premiers alors ces terres seraient convenablement entretenues comme le sont généralement les terres dont l'occupant est propriétaire. Notre volonté d'user de l'agression pour interdire l'homesteading s'est fait aux dépens de la préservation de l'environnement. Quand cette agression disparaît en partie alors c'est au bénéfice de notre environnement.
Ainsi, en 1934, le Congrès des Etats-Unis avait voté la loi Taylor sur les pâturages afin d'encourager les éleveurs à prendre soin des pâturages publics. En introduisant des baux transférables d'une durée de 10 ans, ils permirent aux éleveurs utilisant le mieux les pâturages de gagner un bon prix sur leur transfert de bail. En réalité le bail leur donnait une propriété partielle. Il en résultat logiquement que presque la moitié des terres classées comme pauvres virent leur qualité s'améliorer (17). Mais, en 1966, les baux furent réduits à un an seulement, réduisant les incitations à améliorer la qualité des terres. Après tout ils ne pouvaient être certains que leurs baux seraient renouvellés. Ainsi les investissements privés en puits et en clôtures entre les années 60 et le début des années 70 chutèrent de plus du tiers (18). Lorsque de vastes étendues de terres publiques ne sont pas correctement utilisées alors l'environnement en souffre grandement. La surexploitation des pâturages par les troupeaux a eu des effets destructeurs dans la plupart des cas, contribuant à l'épuisement des terres, on peut d'ailleurs lui imputer la dust bowl des États américains du Middlewest (19).
Débiter les forêts
La destruction de l'environnement se fait au rythme de l'augmentation des subventions. La plupart des arbres des domaines nationaux ne seraient pas transformés en bûches sans les subventions dans la mesure où le coût de construction des routes nécessaire au transport du bois excède la valeur des grûmes. À nouveau des intérêts particuliers ont trouvé le moyen d'utiliser les taxes à leur propre avantage. Écoutons la conversation imaginaire entre des sociétés d'exploitants forestiers et un député du Congrès.
" Madame le député, l'Office des Forêts dispose d'un budget pour créer des sentiers de randonnée. Nous sommes tous favorables à cela, il est important que les citadins puissent découvrir la nature, nous pensons seulement que nous devrions aussi profiter de la forêt et des subventions allouées. Une partie de l'argent consacrée à ces chemins pourrait être utilisée pour construire de véritables routes forestières. Les coupes nécessaires à cela devraient bénéficier aux consommateurs qui pourraient avoir accès à une offre supplémentaire de bois. Nous en profiterions aussi et vous en obtiendriez votre juste part par nos contributions à votre campagne. Nous paierons aussi pour planter de nouveaux arbres, même les écolos seront contents. "
La député prendra cette offre en considération. Elle sait que les entreprises forestières comme les éleveurs sont peu incités à entretenir les espaces qui leur sont confiés. Elle sait aussi que si les randonneurs se plaignent, elle pourra demander davantage de subventions afin que l'Office des forêts construise de nouveaux chemins de randonnée. Une partie de ces subventions supplémentaires pourrait d'ailleurs être consacrée à construire ces routes, lesquelles permettent en retour de meilleures contributions pour la campagne électorale. Dans la mesure où les randonneurs ne tirent pas d'argent de la forêt, ils ne pourront pas l'aider autant que les sociétés forestières.
La député ne protègera pas les forêts en se battant contre ses exploitants puisque la satisfaction de leurs intérêts particuliers est porteuse de profits importants obtenus à travers les subventions et contributions de campagne. Elle a tout à perdre à ne pas rentrer dans leur logique, car des concurrents politiques accepteront ce qu'elle pourrait refuser. Les sociétés forestières pourront donc défricher les forêts grâce aux politiques et à nos impôts. La seule inconnue est : quel député profitera de leurs mannes. La député, résignée, acceptera donc de se battre pour obtenir plus de subventions en faveurs de ses " bienfaiteurs ". C'est ainsi que l'Office des forêts utilisera l'argent du contribuable. En 1985, environ 250 000 km de routes ont été construites dans les forêts domainiales - 8 fois plus que l'ensemble des autoroutes américaines (20).
La construction de ces routes est passée par la déforestation des terrains montagneux, entrainant une érosion massive. Dans le nord des montagnes rocheuses, les torrents où fraient les saumons et les truites furent menacés par le développement de la vase résultant de l'érosion. Des écosystèmes fragilent furent ainsi perturbés (21). L'Office des forêts comme cela arrive fréquemment en a reçu 20 cents pour chaque dollar dépensé en construction de route et en arbres débités (22).
Bien que les sociétés forestières soient financièrement mis à contribution pour la reforestation, 50 % de ces fonds sont consacrés à des " frais généraux " (23). Ainsi, entre 1991 et 1994, les bûcherons ont touché un milliard de dollars de moins qu'il n'en a été dépensé au titre des crédits alloués aux coupes dans les domaines forestiers nationaux. (24).
Alors que l'exploitation industrielle de la forêt fut encouragée, sa mise en valeur récréative (par la construction de sentiers de randonnée) fut découragée. Le nombre de promeneurs a été multiplié par 10 entre les années 40 et les années 80, mais les sentiers qui leur sont réservés sont passés dans le même temps de 210 000 kilomètres à moins de 150 000 kilomètres (25). Devrions nous blâmer les sociétés forestières ou encore les représentants du peuple pour cette farce ? Pas vraiment, après tout nous avons laissé ce domaine forestier entre les mains de l'État alors que nous aurions pu tirer profit de la protection des forêts.
Alors que le domaine forestier national rétrécit à coût de subventions pour satisfaire des intérêts privés, le domaine forestier privé se développe. Aux États-Unis 85 % des nouvelles plantations sont effectuées sur des terrains privés ; en Europe de l'ouest, les plantations privées ont permis d'accroître le domaine forestier de 30 % entre 1971et 1990 (26). Le plus grand propriétaire terrien américain, l'International Paper, arbitre de façon judicieuse entre les espaces laissés à la disposition de l'exploitation et ceux à visée récréative. Dans le sud-est des États-Unis, 25 % des profits tirés par l'International Paper sont issus des activités forestières récréatives (27). L'industrie plante 13 % de plus de bois qu'elle n'en coupe afin de préserver les besoins futurs et d'augmenter les profits de demain (28). Lorsque nous laissons les autres réaliser leurs choix, leur désir de profit travaille main dans la main avec le " développement durable ".
Massacrer la nature
Les États empêchent souvent les individus de defendre la nature tout comme ils condamnent l'homesteading. Ceci car la protection de l'environnement et de la nature est devenu un monopole public. Les impôt subventionnant la protection de l'environnement ont toutes les caractéristiques d'un troisième niveau d'agression. Les subventions ont souvent servi à tuer des espèces au point de les mener à l'extinction. Les États encouragent l'élimination des rapaces. Certains, à l'image de la Pennsylvanie subventionnent les chasseurs d'aigles. Madame Rosalie Edge avait acquis un des lieux favoris de chasse aux aigles grâce à des contributions volontaires de personnes opposées à ce massacre et en fit un sanctuaire pour protéger ces animaux. Dès 1934 (29), les Hawk Mountain dans les Appalaches pennsylvanienne devinrent ainsi un hâvre pour les aigles.
En 1927, les propriétaires des grottes des otaries, le seul endroit connu destiné à nourrir et à abriter les otaries polaires (34), s'est ouvert au public. En même temps, les dollars des contribuables de l'Oregon servaient à rémunérer les chasseurs d'otaries et en conséquence les propriétaires des grottes durent dépenser une bonne partie de leur temps à expulser des chasseurs de leur domaine. Bien que les propriétaires des grottes des otaries et des Hawk Mountain devaient consacrer leur temps et leur argent à protéger la vie sauvage sur leurs terres, ils furent aussi contraint de payer les taxes qui subventionnaient les chasseurs s'aventurant à tuer leurs animaux !
Personne ne voudrait que ses ressources soit ainsi menacées avec ses propres deniers. Lorsque que chacun peut utiliser ce qui lui appartient de la façon qu'il juge la meilleure, une mauvaise décision de l'un de ces propriétaires n'est pas suffisante pour menacer tout l'écosystème. Mais lorsque les bureaucrates contôlent de vastes zones, une seule mauvaise décision peut se traduire par un désastre écologique. Sans compter que ces bureaucrates sont l'objet des sollicitudes de groupes de pression.
Par exemple, le parc national de Yellowstone, la perle des parcs nationaux, a été déchiré par des conflits d'intérêts. En 1915, le parc prit la décision d'éradiquer les loups, lesquels étaient censés représenter une menace pour les antilopes, les cerfs, les daims et les bouquetins que les visiteurs aimaient à rencontrer (31). Les dirigeants du parc incitèrent donc les employés à pièger les loups en leur abandonnant les dépouilles ou en les autorisant à les vendre. Puis ce fut le tour des renards, des lynxs, et des martres d'être exterminés (32). Sans prédateurs, les mammifères ongulés se multiplièrent et en vinrent à se faire concurrence pour l'accès à la nourriture. Les plus gros élans finirent par évincer les cerfs à queue blanche, les daims, les bouquetins, … Alors que les élans croissaient en nombre, ils se mirent à manger les saules et les peupliers le long des berges, ils en piétinèrent tellement les alentours que les jeunes plants furent détruits. Sans les saules et les peupliers, la population de castors diminua. Et sans les castors donc sans les bassins qu'ils créait, les poules d'eau, les visons et les loutres furent menacés. L'eau claire dont les truites ont besoin disparut en même temps que les barrages des castors. Sans les bassins la nappe phréatique baissa empêchant le développement de la végétation nécessaire à l'alimentation de bien d'autres espèces. Lorsque les responsables des parcs nationaux réalisèrent leur erreur, ils se mirent à éliminer les élans (58 000 entre 1935 et 1961) (33).
Entretemps les élans avaient brouté une bonne partie de la prairie, réduisant de façon drastique les buissons et les arbustes, ainsi que les baies qui nourissaient les ours. De plus la destruction des saules et des peupliers détruisit l'habitat du grizzly, alors même que la construction de routes et la réduction du nombre de castors raréfiant la population de truites, dont se nourrissaient les grizzly. Lorsque dans les années 60 les décharges à ciel ouvert furent fermées afin d'encourager les ours à se nourrir naturellement, il ne leur restait plus grand-chose à manger. Ils se mirent donc à marauder auprès des visiteurs des parcs qui emmenaient leur nourriture. Les responsables du parc de Yellowstone élaborèrent alors un programme pour régler le problème posé par les ursidés. Au début des années 70 plus d'une centaine d'ours furent tués et le double pour les grizzlys (34).
Les subventions générèrent des tensions entre des intérêts organisés. D'un côté les visiteurs de Yellowstone voulaient voir des cerfs et des élans, et de l'autre les naturalistes préféraient que l'on ne bouleverse pas l'écosystème même si cela impliquait que l'on limite l'accès des visiteurs au parc. Puisque tout le monde devait subventionner Yellowstone chacun voulait imposer sa propre vision de sa gestion idéale. Les compromis trouvés ne convinrent à personne.
Au contraire, ceux qui contribuaient au financement de réserves naturelles privées, faisaient le choix de donner aux réserves qui géraient selon leurs désirs. Par exemple à la Réserve de Pine Butte, la Protection de l'Environnement a replanté des pruniers amers de Virginie dans les zones où les élans avaient fait des dégâts, les ours par contre pouvaient s'en nourrir. Les zones les plus sensibles furent grillagées afin de maintenir à l'écart les troupeaux de cerfs et d'élans qui proliféraient en l'absence de prédateurs (35). La Protection de l'Environnement a préservé plus de 2,4 millions d'acres depuis 1951 (36).
La Société Audubon a aussi fait usage de sa propriété pour protéger l'environnement. Le Rainy Wildlife Sanctuary de Louisiane est le foyer des cerfs des marécages, des rats musqués, des visons et des loutres, et des oies des neiges. Correctement gérés les sources de gaz naturel et les troupeaux génèrent des richesses sans qu'il soit nécessaire d'infléchir l'évolution des espèces. (37) D'autres organismes privés investissement dans la création de parcs naturels dédiés à la vie sauvage et dont l'accès est réservé à leurs membres contributeurs comme par exemple Ducks Unlimited pour les canards, le National Wild Turkey Federation, pour les dindes, le National Wildlife Federation, Trout Unlimited, pour les truites et Wings Over Wisconsin, pour la gent ailée.
L'histoire du Parc Ravena à Seattle illustre la façon selon laquelle l'agression compromet la sauvagarde de l'environnement. En 1887, un couple acheta des terres sur lesquels se trouvaient des sapins géants de l'Orégon, dits pins Douglas. Ils créèrent sur leurs terres un pavillon de conférences, des sentiers de randonnée avec bancs et totems Indiens. Les visiteurs payants permettaient de faire vivre ce parc baptisé Ravena. Les jours d'affluence plus de 10 000 visiteurs se pressaient aux portes du parc.
Quelques bons citoyens de Seattle n'étaient pas satisfait de cette gestion commerciale du parc. Ils firent pression afin que la ville le rachète pour en rendre l'entrée libre c'est-à-dire financée par les impôts - ceci caractérisant l'agression. En 1911, la ville fit l'acquisition du parc et, un par un, les sapins géants disparurent. Des amoureux de la nature firent leur enquête pour s'apercevoir que les sapins étaient débités pour être vendus à titre de bois de chauffage. Le directeur du parc fut poursuivi pour abus de biens publics, pour sa défense il avança que les sapins géants posait un problème de sécurité pour le public. En 1925, plus un seul sapin géant n'était debout (38). Le directeur ne pouvait effectivement profiter des arbres qu'en les vendant, pas en les protégeant.
Le pouvoir corrompt
L'exemple ci-dessus illustre succinctement les dangers du troisième niveau d'agression. Les subventions donnent à quelques bureaucrates le pouvoir de vendre des actifs publics pour leur gain personnel. À la différence du pouvoir qui vient de la sagesse et de l'effort, le pouvoir des bureaucrates vient de l'agression. Le pouvoir de l'agression corrompt ceux qui en font l'usage, il appauvrit ceux qui ne disposent pas de ce pouvoir, il détruit la terre sur laquelle nous vivons.
Une façon de s'en sortir
Au cours des premiers chapitres nous avons vu comment l'agression des licences exclusives inhibent l'innovation, augmentent les coûts et abaissent la qualité des services.
Ajouter un nouveau niveau d'agression sous forme de subventions encourage l'inefficacité et les gaspillages. De façon ironique, nous acceptons souvent les monopoles publics à cause de la croyance erronée selon laquelle ils permettraient une plus grande efficacité de gestion et un usage modéré des ressources naturelles. Les subventions sont quelquefois acceptées à partir du même raisonnement erroné selon lequel ils permettraient aux plus pauvres l'accès à des services qu'ils ne pourraient pas s'offrir autrement. Le coût de l'agression est pourtant si important que les pauvres en pâtissent davantage qu'ils n'en profitent.
Aider les pauvres rapporte moins
Les pauvres paient aussi pour ces services inefficaces, seulement ils ne paient pas directement. Par exemple ceux qui n'ont pas les moyens d'être propriétaire de leur foyer ne paient pas de taxe foncière, mais leurs loyers sont fixés en fonction des taxes que paient leurs propriétaires. Les pauvres paient donc davantage pour subventionner l'inefficacité et le gaspillage.
Privatiser les monopoles publics
Bien des pays dotés de monopoles dits de service public ont réalisé que cette agression ne paie pas. Ils privatisent leurs monopoles et notamment les transports ferroviaires et les autoroutes en les vendant à des investisseurs ou en les proposant gratuitement à des employés ou à l'ensemble de la population (39).
Par exemple, au début des années 80, la Grande-Bretagne a procédé à la privatisation de ses centrales électriques, de ses aciéries, de ses sociétés pétrolières, de gaz, de charbon, de télécommunication, d'eau, ainsi que de ses infrastructures portuaires, ferroviaires et de ses aéroports. En 1992, les deux tiers des entreprises publiques britanniques avaient été rétrocédées au secteur privé.
Bien que les privatisées aient licencié une partie de leur personnel, à la fin des années 90 le taux de chômage britannique était le plus faible d'Europe (40). Une plus grande productivité en résulta, laquelle entraîna une hausse du pouvoir d'achat alimentant la hausse de la demande en biens et services et augmentant le besoin de création d'emplois.
Des études réalisées dans les pays développés et les pays industrialisés ont confirmé les enseignements de l'expérience britannique : les privatisations ont transformé des infrastructures et des industries dévoreuses de subventions en créatrices de profits. En moyenne l'emploi a augmenté (41), le pouvoir d'achat des consommateur s'est accru. Ainsi, la Nouvelle Zélande, mais aussi la Suède et les Pays-Bas ont privatisé leurs services postaux sans que les tarifs n'aient augmenté, en outre la poste privée a maintenu son service auprès de tous ses clients, le taux de retard sur les envois prioritaires est passé de 16 % à 1 % et les pertes annuelles de 37 millions de dollars se sont transformées en profit de 76 millions de dollars ! (42) Si l'on tient compte des coûts véritables des services postaux en incluant la mise à contribution des contribuables pour éponger leurs dettes, alors les tarifs postaux ont vraiment baissé alors que la qualité a augmenté !
Mais comment les privatisations permettent-elles de baisser les coûts si rapidement ? Lorsque la fourniture d'un service n'est pas limitée à un monopole public, la recherche du profit incite les hommes d'affaires a adopter les technologies les plus modernes et les plus productives. Par exemple au lieu de jeter les ordures dans des décharges, des sociétés de gestion des déchets ont trouvé le moyen de faire de l'argent à partir des détritus. Recomp (St. Cloud, Minnesota) et Agripost (Miami, Floride) les transforment en compost et le revendent à des paysagistes, à des pépiniéristes et à des entreprises agricoles ainsi qu'à des sociétés spécialisées dans l'asséchement des zones marécageuses. D'autres usages pour ces composts riches en nutriments incluent l'enrichissement des sols des exploitations agricoles, des patûrages, des forêts (43).
Une meilleure qualité à des coûts plus faibles voila ce qu'apporte le marché.
Les entreprises privées peuvent s'ouvrir à leurs employés au moyen de stock-options, ainsi ils se transforment en fournisseurs de services intéressés directement à l'augmentation des profits de leur entreprise. En conséquence la privatisation accélère les rendements des employés (44).
Un jeu à somme positive
L'augmentation de l'efficacité productive implique une plus grande création de richesses, et donc un PNB plus important et davantage de créations d'emplois (45). Tout le monde y gagne : employeurs, salariés et consommateurs ! Comme nous l'avons vu dans le deuxième chapitre, une augmentation du PNB se traduit par une baisse de la pauvreté. Moins d'inefficacité et moins de gaspillages c'est plus de richesses pour tout le monde ! Nous comprenons mieux pourquoi 40 % des entreprises publiques dans le monde ont été privatisées entre 1979 et 2001 (46).
Un bonus supplémentaire : la réduction de la dette publique
Privatiser le domaine public immobilier est une suite logique des operations de privatisation des enterprises. L'argent obtenu de ces ventes permettrait de financer la dette publique autrement que par la levée d'impôts. Le niveau des impôts pourrait devenir plus modeste et donc encourager à la création de richesses (47).
Certaines personnes ne s'en font pas trop au sujet de la dette publique car ils pensent que c'est une dette qu'ils se doivent à eux-mêmes. C'est vrai d'une certaine façon. La dette publique est une dette contractée par l'État auprès des ménages, des entreprises, des investisseurs institutionnels. Mais cette dette l'État devra tout de même la rembourser principal et intérêts compris et pour cela il augmentera la pression fiscale, car les dettes d'aujourd'hui sont les impôts de demain.
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cette impasse, nous devons examiner le sommet de la pyramide du pouvoir : le monopole monétaire.
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Si nous pouvons empêcher l'État de faire mauvais usage des fruits du travail du peuple au nom du service qu'il doit au peuple, alors le peuple sera heureux.
Thomas Jefferson
Les forces qui entravent l'innovation dans les services publics sont inhérentes à ces mêmes services, on ne peut d'ailleurs concevoir ces institutions sans ces freins.
Peter Drucker
INNOVATION AND ENTREPRENEURSHIP
Les gens les plus entreprenants, les plus innovateurs se comportent comme les pires des fonctionnaires et les politiciens les plus avides de pouvoir, après qu'ils aient pris le contrôle d'une institution de service public, surtout s'il s'agit d'une agence gouvernementale.
Peter Drucker
INNOVATION AND ENTREPRENEURSHIP
Ce qui appartient à tous est l'objet des moindres soins, car tous les hommes entretiennent davantage ce qui leur appartient que ce qu'ils possèdent en commun avec tous les autres… -
Aristote
Dans les années 90, l' InternationalPaper avait, à elle seule, planté plus de 48 millions d'arbre chaque année, soit 5 fois plus qu'elle n'en abattait.
Larry Schweikart
THE ENTREPRENEURIAL ADVENTURE
En 1885, le docteur C. HartMerriman, chef de l'équipe d'enquête biologique du gouvernement américain, avait mis en évidence que les 90 000 dollars de subventions à la chasse aux aigles versée par la Pennsylvanie avait coûté directement 1875 dollars de pertes en poulets … Ses calculs avaient estimé que les fermiers avaient aussi perdu pour 4 millions de dollars de récoltes à cause de l'augmentation du nombre de rongeurs résultant de la pénurie d'aigles. Merriman en conclu que : " en d'autres termes, l'État a gaspillé 2 105 dollars pour chaque dollar épargné ! "
Robert J. Smith
Center for Private Conservation
… la propriété publique a un autre type d' impact sur la société : il substitue le conflit des uns contre les autres à l'harmonie du marché libre.
Murray Rothbard
99 % des canards de ce continent ne sont pas élevés dans des refuges, dans des marais publics ou dans le cadre de programmes d'élevage de gibiers d'eau. Non, ils sont élevés sur des terres privées.
Jim Kimball, ancien commissaire de la commission de conservation de la nature du Minnesota
Aujourd'hui, en réponse aux coûts prohibitifs des contrôles publics, aux désillusions liées à l'inefficacité des entreprises publiques, les États ont procédé à des privatisations. Nous assistons aux plus grandes cessions d'entreprises de l'histoire.
Daniel Yergin et Joseph Stanislaw
THE COMMANDING HEIGHTS
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