Les dérives du concept de " justice sociale "
C'est un signe inquiétant de profonde régression intellectuelle et de manipulation des esprits que d'associer racisme et exclusion au fonctionnement de l'économie de marché. Le fondement moral et philosophique du marché est l'individualisme, lequel n'est pas le culte béat de l'égoïsme aveugle, mais implique de considérer l'individu en dehors de ses attributs spécifiques que peuvent être la couleur de la peau, l'appartenance à un groupe ethnique, la religion, la catégorie socioprofessionnelle, le statut ou encore le sexe de l'individu. Une société individualiste refuse justement de considérer les individus selon leurs attributs car, avant d'être homme ou femme, paysan ou professeur, noir ou blanc, patron ou ouvrier, nous sommes d'abord tous des individualités.
À partir du moment où l'on admet la valeur suprême et irréductible de l'individu - qui ne saurait être dissoute dans l'appartenance à un groupe et qui ne saurait être réduite à la somme de ses attributs spécifiques, alors une société juste ne peut être fondée que sur le respect de la liberté individuelle. Seul l'État de droit est à même de garantir une telle justice. En ce sens, la justice ne saurait être une justice des patrons contre les ouvriers, ni une justice au service des syndicats contre les employeurs. Elle ne saurait être non plus une justice des hommes contre les femmes. En protégeant l'individu, la justice ne saurait accorder de droits spécifiques à des groupes. C'est bien le concept fallacieux de " justice sociale " qui pervertit le concept de justice pour multiplier les droits au profit de tels ou tels groupes (le droit des femmes, le droit des jeunes, le droit des travailleurs...etc.) contribuant à déchirer le tissu social et à faire vaciller le principe même de l'État de droit. Ainsi, l'exercice des droits syndicaux permettraient à certains individus de ne pas respecter la propriété d'autrui ou d'entraver la liberté de circulation des autres. Ce sont précisément ceux qui raisonnent en termes de classes, de castes ou de groupes ethniques qui incitent à la lutte des classes, au sexisme et au racisme. Ils n'admettent pas et ne conçoivent pas l'autonomie de l'individu et font de l'Etat l'instrument du pouvoir au profit d'un groupe social.
Dans l'analyse marxiste, l'État est l'agent de la dictature du prolétariat. Pour Hitler, l'État national-socialiste était l'instrument d'un nettoyage ethnique qui permit de spolier les juifs. Pour Staline, l'État fut l'instrument du désembourgeoisement de la société qui se traduisit par la déportation des koulaks et la confiscation de leurs biens. En considérant l'économie comme le champ d'une lutte entre deux classes - les capitalistes et les prolétaires -, l'analyse marxiste, qui sous-tend toute la pensée de gauche, est une grille idéologique qui conduit immanquablement à transformer l'État de droit en État-providence et la démocratie en social-démocratie. Parce que la vision libérale se refuse d'enfermer les individus dans des groupes, elle n'admet pas que l'État puisse être investi arbitre de conflits entre des groupes prétendant incarner l'intérêt général. L'État a seulement pour fonction de protéger les libertés individuelles de manière à ce que les individus soient libres de s'engager dans des relations contractuelles. Les relations économiques et les agents économiques - comme les entreprises par exemple - naîtront de ces contrats.
Considérons par exemple un individu A, cherchant à recruter du personnel, mais qui refuse d'embaucher un autre individu B. Si l'on admet le principe de liberté individuelle, le gouvernement n'a pas à empêcher cette décision et A n'a même pas à se justifier. Si, en tant qu'employeur, A estime que le recrutement de B serait nuisible à son entreprise, il est dans son droit le plus strict de ne pas proposer de contrat de travail à B. La liberté des contrats n'est pas l'obligation des contrats : elle implique nécessairement la liberté de choisir. S'il se trouve que B est une femme, on pourrait y voir une forme de discrimination sexiste ; s'il se trouve que B appartient à une minorité ethnique, on y verra de la discrimination raciale. Dans une société ouverte et libre, il y a une probabilité non négligeable que B soit une femme ou une personne d'origine étrangère puisque c'est précisément dans une telle société que le marché du travail est ouvert à tous les individus, quelque soit justement leurs attributs. Dans les sociétés traditionnelles, il est rare que les femmes occupent des positions professionnelles. Multiplier les mesures de discriminations positives et les quotas est une atteinte à la liberté contractuelle, puisqu'elle revient à réglementer les choix des individus (et donc leurs préférences puisque les choix reflètent nos préférences). On peut prendre l'exemple d'un restaurateur qui ne veut pas embaucher une fille parce qu'elle porte le foulard islamique. Si je suis choqué, en tant qu'individu, par la décision du restaurateur, je suis libre de boycotter son restaurant mettant ainsi mes actes personnels en harmonie avec mes idées personnelles. Cela ne me donne pas le droit d'user de la contrainte en demandant au gouvernement d'obliger le restaurateur à recruter la personne contre son gré. De la même manière, la liberté d'expression signifie que le gouvernement n'a pas à interdire telle ou telle idée, tel ou tel parti, tel ou tel journal. Mais cela ne signifie aucunement qu'il doive subventionner les partis politiques ou toute la presse. Les finances publiques étant nécessairement limitées, cela obligerait le gouvernement à procéder à des choix arbitraires . Enfin, je suis en droit de trouver telle ou telle émission de télévision choquante ou débile, je suis donc libre de changer de chaîne ou de ne pas regarder la télévision. Mais, le gouvernement n'a pas à censurer les programmes comme le demandent certains groupes de pression.
Si un individu de race blanche rejette un homme de couleur, cela signifie-t-il que tous les blancs en tant que " blanc " excluent les noirs en tant que " noir " ? Si un homme ne supporte pas une femme, cela revient-il à dire que tous les hommes sont sexistes ? Si un homme préfère au contraire s'entourer de femmes, cela signifie-t-il que tous les hommes sont des machos ? Ce fut sans doute le cas dans les sociétés traditionnelles collectivistes qui niaient l'autonomie des individus et c'est justement avec ce type de société que la modernité a voulu rompre. Si l'on admet encore une fois le principe individualiste qui reconnaît une autonomie de pensée - une liberté de pensée c'est-à-dire une intimité -, on ne peut donc réglementer le choix des individus parce que justement le choix de A n'engage que lui-même et non le groupe auquel on pourrait l'identifier de l'extérieur. D'ailleurs, cette identification est toujours problématique, relative et partisane puisque on appartient toujours à plusieurs groupes en même temps. Dans notre exemple, si A est une femme blanche et B un homme noir, B va-t-il invoquer le racisme ou le sexisme ? Va-t-on voir dans la décision de A un choix typiquement " féminin " ou un choix typiquement " blanc " ? Considérer les individus à travers leurs attributs est une impasse qui conduit aux conflits et à l'exclusion . Les mesures de " discrimination positive " reposent sur une telle vision de la société qui nie l'individu en tant que tel et ne conçoit la société que comme une lutte perpétuelle entre des groupes L'économie de marché ne peut s'épanouir que dans une société de liberté individuelle, laquelle implique un État de droit à l'opposé de l'État providence et une justice républicaine à l'opposé de la justice sociale.
La généralisation des mesures de discrimination positive, qui atteint ses limites aux USA et qui commence à prendre son essor en France, est précisément un des avatars du concept fallacieux de justice sociale. De même, le " terrorisme social ", qui conduit à étendre le champ des " libertés syndicales " de telle manière qu'il finit par entrer en conflit avec le respect des droits fondamentaux des individus (liberté de circulation, liberté d'opinion et propriété privée), en est encore un autre. Avec l'affaire Bové, les routiers qui menacent de bloquer régulièrement les routes, ou encore les ouvriers qui menacent de polluer l'environnement avec des produits dangereux dans le but d'influencer les négociations dans leur entreprise, les Français sont régulièrement pris en otage. Peut-on attendre le salut de nos élites quand on entend Corinne Lepage affirmer " que l'on arrête pas un syndicaliste pour ses activités syndicales ". La question n'est pas là. On n'arrête pas un enseignant pour ses activités d'enseignant mais s'il s'avère pédophile, alors il faut l'empêcher d'enseigner. Un enseignant tout comme un syndicaliste ne sont pas au-dessus des lois. Où s'arrête le domaine légitime des activités syndicales ? Imaginons que des jeunes délinquants brûlent des voitures ou qu'une armada de sans-abri décident de piller les magasins, alors on déciderait de ne pas arrêter des jeunes parce qu'ils sont " jeunes " ou des pauvres parce qu'ils sont pauvres au nom de la " justice sociale ". On retrouve cette vision consistant à mettre en avant des attributs particuliers alors que la justice doit être aveugle de ce point de vue. Car la question n'est pas de punir quelqu'un parce qu'il est syndicaliste, pauvre, jeune ou riche. La question est de réprimer tout individu qui a violé la loi qu'il soit syndicaliste, jeune, pauvre ou riche ; car personne n'est au-dessus des lois, pas même un ministre, un président ou un syndicaliste. Il a fallu la révolution française pour inscrire ce principe dans la constitution. Avant la révolution française, et en vertu du principe de droit divin, ceux qui faisaient la loi se donnaient aussi le droit de ne pas la respecter. Aujourd'hui, l'Etat-Providence a remplacé la providence en donnant naissance à une nouvelle catégorie d'individus qui pourraient échapper à la loi parce qu'ils seraient syndicalistes, présidents, pauvres ou non solvables.
La notion de " justice sociale " ouvre une brèche dans le fragile édifice républicain en considérant la motivation sociale de ceux qui violent la loi. C'est aussi l'argument des poseurs de bombes et autres terroristes que de légitimer leurs actes par de nobles intentions. Ne nous étonnons pas que les agriculteurs puis les routiers organisent des barrages, violant le droit de libre circulation des biens et des personnes, ou que des ouvriers mécontents retiennent en otage leur patron. En s'enfermant dans ce débat piégé de la " justice sociale ", on légitime tout simplement la violence alors même que, sous l'effet de la généralisation de l'ignorance économique, on laisse croire que chacun de nous est victime du fonctionnement postulé injuste de l'économie. On glisse insidieusement de la " justice sociale " au " terrorisme social ". L'État prétend s'ériger en arbitre en s'attribuant des pouvoirs illusoires de redistribution des richesses, mais il ouvre dans le même temps la porte à une série illimitée de conflits inextricables. Dans le pays où l'on s'obstine le plus à nier la réalité du fonctionnement de l'économie de marché, la violence se substitue au contrat. Car, il n'y a pas mille façons d'acquérir la richesse : soit par le respect des droits de propriété, autre droit fondamental inscrit dans la constitution que les activités syndicales de Mr Bové conduisent à violer sciemment, et qui implique la production et l'échange ; soit par la négation de la propriété et de l'échange qui conduit au pillage, à la violence et à la guerre civile larvée. Dans ce contexte, la compétitivité de la France continuera de décliner et tout l'édifice social sur lequel nous avons bâti le modèle français, s'écroulera irrémédiablement.
1. En quoi la notion de justice sociale opère
une discrimination positive ?
La notion de justice sociale considère l'individu à partir de
son appartenance à un groupe social, elle donne des prérogatives particulières
à des groupes et donc introduit une discrimination dans le sens où l'appartenance
à un groupe donne plus ou moins de droit. Cette discrimination peut être qualifiée
de positive puisque le groupe qui possède le plus de droit est présenté comme
plus faible. Exemple : dans un contrat chacune des parties a des obligations
et si elle ne remplit pas ses obligations le contrat est rompu, on n'a pas besoin
d'introduire le concept de justice sociale pour faire respecter ce principe.
Cependant si le contrat en question est un contrat de bail, le simple fait d'être
locataire va donner davantage de droit que le fait d'être bailleur : le locataire
sera protégé contre l'exclusion même s'il est mauvais payeur. Cette discrimination
s'opère en considérant que le bailleur est économiquement plus fort que le locataire,
elle est donc présentée comme une mesure de justice sociale.
2. Comment se traduit le concept de justice
sociale en terme de droits ?
C'est
au nom de la justice sociale qu'ont été mis en place des droits sociaux, tels
que le droit de grève, le droit au travail, le droit au logement, … Il s'agit
là de droits positifs, c'est-à-dire de droits qui imposent à
d'autres des obligations de donner (payer des impôts, fournir un emploi,
un hébergement ...) alors que les droits naturels sont des droits négarifs,
ils imposent à d'autres des obligations de ne pas faire (ne pas tuer,
ne pas voler, ...). Ces deux types de droits sont contradictoires.
3.
Comment s'organise la mise en place de ces droits vis-à-vis des droits naturels
de l'individu ?
La mise en application de
ces droits impliquent l'intervention de l'État en matière économique
et donc son instrumentalisation pour le viol de droits individuels. Par exemple,
l'employeur ne pourra fermer définitivement son usine suite à une grève (délit
de lock-out) alors que la liberté d'entreprise suppose aussi celle de cesser
son activité ; le droit au travail suppose que tous les chômeurs puissent obtenir
un emploi donc logiquement la liberté contractuelle qui permet à un employeur
de refuser d'employer telle ou telle personne ne pourra être invoquée - dans
certains cas on pourra poursuivre l'employeur pour discrimination à l'embauche
auprès de la HALDE (Haute Autorité pour la Lutte contre les Discriminations
à l'Embauche) ; le droit au logement peut conduire à la réquisition des logements
vacants donc atteinte à la propriété privée du propriétaire qui a choisi de
ne pas louer un logement qu'il n'occupe pas.
4.
Quels rapports entretiennent la social-démocratie et l'Etat de droit ?
La
social-démocratie résulte de la conception providentielle du rôle de l'État,
elle fixe donc des objectifs sociaux à l'intervention de l'État donc
une volonté de transformer la société en favorisant des victimes identifiées
et en sanctionnant des privilégiés qu'elle désigne. Ceci n'est pas compatible
avec l'État de droit, lequel suppose l'égalité en droit de tous les membres
de la société sans considérer leur appartenance social.
5.
Si l'État n'intervient pas pour sanctionner des discriminations " négatives
" comment mettre fin à celles-ci ?
Ici on peut entendre par
discrimination négative des mesures prises à l'encontre de personnes en fonctions
de critères ethniques, religieux, idéologiques, ou encore de handicaps. Dans
le droit français il est d'ailleurs interdit de discriminer en fonction de la
couleur, des idées, etc … Pourtant la liberté contractuelle permet à une femme
de ne pas vendre sa maison à une famille musulmane, chrétienne ou juive,
… Elle permet aussi de vendre de préférence à quelqu'un de sa confession. On
pourrait aussi imaginer un commerçant apposant sur sa boutique l'écriteau "
accès interdit aux fascistes, ou encore aux communistes ". Empêcher cela revient
donc bien à porter atteinte à la liberté contractuelle, doit-on accepter que
l'État le fasse alors qu'il appartient à tous ceux qui sont choqués par
ces mesures de boycotter les discriminateurs.
6. Commentez le dernier paragraphe en italique.
Pour
qu'une société soit apte à se développer, il faut que les droits naturels de
l'individu soient respectés. Ceci passe par le respect de la propriété privée
et de la liberté contractuelle (socle des libertés fondamentales). Faute de
cela la loi du plus fort prévaudrait et nul n'aurait intérêt à produire davantage
que pour sa seule consommation car il risquerait de perdre tout ce qu'il a su
mettre de côté et construire. La notion de justice sociale revient cependant
à remettre en cause ces droits naturels lorsqu'il s'agit de considérer les déprédations
de syndicalistes (atteintes aux biens non sanctionnées) ou encore de justifier
les vols et violences au nom de la précarité sociale de ceux qui les commettent.
En conséquence il ne faudrait pas s'étonner que dans un pays où la justice sociale
a remplacé le respect des droits naturel, une partie de la population cesse
d'entreprendre et que l'autre entreprenne mais dans d'autres pays.
Questions de synthèse : L'État de droit a-t-il pour prérogatives la défense des droits sociaux ?