Les monnaies privées


La monnaie privée c'est quoi ?

Une monnaie privée est un titre financier émis par une banque privée dite banque libre. L'émetteur est lié aux possesseurs de ses titres par un contrat de monnaie définissant les conditions d'utilisation et la valeur de ce titre-monnaie. Valeur qui sera établie en référence à un étalon, qu'il s'agisse de l'or, de l'argent, d'un panier de biens ou encore d'une monnaie étatique comme le dollar ou l'euro.

 

Quelle est la différence entre la monnaie étatique et la monnaie privée ?

Il n'y a pas de contrat de monnaie pour ceux qui possèdent une monnaie étatique, rien de garantit donc son détenteur contre une dévaluation décidée unilatéralement par l'État, rien ne protège non plus contre l'inflation si ce n'est l'acquisition de valeurs refuges (comme l'immobilier par exemple).

La création de monnaie privée est-elle naturelle ?

En tout cas c'est ainsi qu'est apparue la monnaie fiduciaire (pièces et billets). Ainsi, le développement de la monnaie fiduciaire s'est opéré par leur garantie de conversion en or, condition de la confiance mise en cette monnaie. La monnaie fiduciaire prenait alors l'aspect d'un certificat de dépôt d'or puis d'un billet à ordre en permettant sa circulation à titre de moyen de paiement.

Le monopole de la monnaie fiduciaire par une banque centrale n'a alors aucun caractère de nécessité, il n'y a pas non plus de cours légal. Chacun est libre d'accepter ou de refuser les billets émis par telle ou telle banque, il s'agit là bien de monnaie fiduciaire puisque la monnaie est acceptée à titre de règlement.à condition que sa couverture or soit assurée.

 

Des monnaies privées, cela n'a jamais bien longtemps existé non ?

Ah si, en Écosse pendant 150 ans à partir de la création de la banque privée d'Écosse en 1695. À l'initiative des Anglais, une banque concurrente est fondée en 1717 sous le nom de Banque Royale d'Écosse. Chacune de ces deux banques émet sa propre monnaie et leur rivalité est au profit de leurs clients dont les dépôts sont rémunérés, ils pouvaient aussi obtenir un intérêt de 5 % par an pour la période où ils acceptaient la suspension de la conversion de leurs billets en or.

En 1750 la concurrence monétaire s'étend à quatre banques, les deux premières mettent en place une chambre de compensation destinée à compenser les billets qu'elles détiennent l'une de l'autre, le solde devant être réglé en or. D'autres plus petites banques existaient et émettaient uniquement de petites coupures jusqu'à ce que cette pratique soit interdite en 1765. Les banques libres seront ensuite de plus en plus réglementées menant à leur faillite.

 

L'absence de banques libres c'est donc la faute des États ?

Oui, le contrôle de la monnaie permet de contrôler l'économie toute entière en agissant sur son financement.

La volonté des États de contrôler la monnaie donna donc lieu à la création de banques centrales obtenant le monopole de l'émission de la monnaie fiduciaire. Le contrôle de la monnaie permet à l'État de se financer, quitte à créer de l'inflation donc à réduire le pouvoir d'achat de la population et à déprécier la valeur des créances. C'est là le fameux effet d'encaisses réelles. C'est lors de périodes pendant lesquelles l'État a de gros besoins financiers que la monnaie émise dépasse de beaucoup les réserves d'or, il suffit alors de décréter la dévaluation de la monnaie en or voire de décréter le cours forcé comme le fit la Banque de France en 1914.

 

Tout de même détenir une monnaie privée c'est risqué, alors que les Banque Centrales garantissent la valeur des monnaies.

L'absence d'une banque centrale garantissant en dernier ressort le paiement des dépositaires implique une plus grande vigilance des clients, mais limite en même temps les tensions inflationnistes. Dans un système de monnaies privées les banques sont en concurrence et ont tout intérêt à être en mesure de convertir en or leur monnaie ainsi qu'à ne pas accorder de crédits trop risqués, faute de quoi ce serait la faillite.

Pour autant la convertibilité-or permet d'éviter l'inflation grâce au mécanisme de compensation entre les banques qui met à mal les banques émettant plus de monnaies qu'elles ne possèdent de réserves. Rappelons que le solde se règle en or puisque les banques demandent le remboursement en or des billets émis par les autres banques.

Pour faire court, la banque émettant sa propre monnaie doit être solvable dans le sens où la monnaie qu'il émet doit avoir moins de valeur que la créance qu'il détient lors d'une création de monnaie par crédit (c'est là le principe d'un prêt à intérêt). L'ensemble des actifs détenus par la banque, dont la plus grande partie se constitue de créances, doit donc excéder la masse monétaire créée pour que sa solvabilité soit assurée.

Elle doit de plus veiller à rester liquide, ce qui signifie être capable de répondre à la demande de conversion de sa monnaie dans l'étalon de référence, la plupart du temps l'or.

 

Alors que se passe-t-il pour les détenteurs d'une monnaie privée si la banque qui l'émet fait faillite ?

Des faillites bancaires sont possibles si le montant des créances douteuses est tel que la monnaie émise est supérieure à la valeur des créances. Ou encore si la banque possède des réserves trop limitées en or par rapport à la masse monétaire créée, il lui appartiendra alors de renvendre une partie de ses créances, d'augmenter ses réserves.

Supposons qu'une faillite survienne, ceux qui détenaient de la monnaie de la banque en faillite sont en fait propriétaires de titres de la banque en faillite. Ils seront remboursés lors de la liquidation de la banque en fonction de la valeur des actifs liquidés. Ainsi si la valeur de ces actifs ne représente plus que la moitié de la masse monétaire émise alors les détenteurs de monnaie seront remboursés dans une monnaie dévaluée de 50 %.

Mésaventure équivalente à une inflation de 100 % pour l'ensemble de la population astreinte à posséder une monnaie étatique.

 

Les monnaies privées c'est l'avenir alors ?

Justement oui, on assiste actuellement au développement des monnaies privées virtuelles.

Le projet Microsoft de mise en circulation de "Bills" ressemble aux SEL tout en circulant sans frontières. Il s'agit d'un échange de services fournis par Internet : le premier fournisseur de service facture sa prestation en bills et utilise les bills facturés pour acheter un autre service, les bills circulent jusqu'à ce que le détenteur final de bills en demande le paiement au premier débiteur sous forme de services.

Microsoft prend là un train en marche puisque le développement d'une véritable monnaie virtuellle sur le Net doit conduire à l'apparition de banques virtuelles et de monnaies privées, mettant en cause le monopole légal des banques centrales.