Être anticapitaliste aujourd'hui

 

 

Candide : Les journalistes parlent beaucoup du capitalisme pour le critiquer, certains disent que c'est une idéologie anti-Étatique, d'autres un système de production basé sur la propriété privée du capital. En fait les media souvent anticapitalistes défendraient alors le rôle de l'État dans l'économie ou critiqueraient l'institution de la propriété privée, c'est ça ?

 

Archibald : Je ne sais pas, ils ne comprennent peut-être pas la même chose quand ils parlent du capitalisme. Un système de production ce n'est pas une idéologie. L'idéologie anti-Étatique et pour la régulation par le marché c'est le libéralisme alors les media sont certainement anti-libéraux mais ils ne veulent pas pour autant toucher au capitalisme en tant que système de production. Ils savent que le système de production socialiste a fait faillite et a tué des millions d'individus.

 

Candide :Mais si ils remettent en cause la régulation par le marché, ils défendent la réglementation et donc l'intervention de l'État sur le marché. Cela ne remet pas en cause la propriété des moyens de production non ? Ils sont donc antilibéraux sans être anticapitalistes.

Il réfléchit un moment. Après tout John Maynard Keynes a théorisé l'intervention de l'État pour la relance de l'économie tout en s'opposant à toute mesure de nationalisation c'est-à-dire à toute atteinte à la propriété privée du capital.

 

Archibald : C'est vrai, tu as raison, pourtant les Keynésiens sont les premiers aujourd'hui à contester les privatisations, ils ne sont donc pas cohérents.

 

Candide :Keynes ne l'était pas franchement non plus, l'intervention de l'État dans l'économie notamment au travers des politiques industrielles fausse les calculs économiques des acteurs du marché à coup de taxes et de subventions, les moyens des politiques économiques sont le budget de l'État donc l'atteinte à la propriété privée des capitaux. Donc toute atteinte aux principes idéologiques du libéralisme porte atteinte au capitalisme.

 

Archibald : Oui, dans ce cas le capitalisme c'est bien plus que la propriété privée du capital, c'est aussi la liberté de produire et d'échanger entre les hommes. En fait le capitalisme c'est l'économie de marché.

 

Candide : Cela doit être ça, mais alors c'est grave d'être contre le capitalisme !

 

Archibald : Être contre le capitalisme c'est vouloir dicter aux hommes leur comportement en fonction de son avantage ou de ce que l'on croit juste.

 

Candide : Dans ce cas le capitalisme n'a jamais vraiment existé car il y a toujours eu des gens qui avaient le pouvoir de se faire obéir et ainsi de perturber ce que Friedrich Hayek appelait l'ordre naturel.

 

Archibald :  C'est vrai, alors disons qu'il y a au moins deux définitions du capitalisme que nous pouvons accepter :

    - la première est un état, celui d'un régulation de la vie économique par le marché ;

    - la deuxième est un processus, celui du développement de la production et des échanges dans le cadre d'une économie de marché.

La différence entre ces deux définitions est que la première montre que le capitalisme n'a pas été inventé, qu'il est naturel ; la deuxième est plus critiquable, elle peut faire croire que des conditions historiques et institutionnelles sont nécessaires à la naissance du capitalisme.

D'ailleurs les historiens se sont penchés sur les origines du capitalisme de la deuxième définition. Ils le font remonter aux grandes découvertes d'après 1492, un processus d'accumulation du capital étant permis par la découverte de nouvelles routes maritimes, puis deux siècles et demi après par la Révolution industrielle, laquelle débute en Angleterre.

 

Candide : Mais n'est ce pas cette définition qui a fait dire à Karl Polanyi que le capitalisme était une phase datée et révolue de l'histoire commençant avec la mise en place des enclosures en Angleterre et se terminant avec l'avènement de l'Etat-Providence, phase dont la caractéristique avait été de faire de la force de travail une marchandise ?

 

Archibald : Oui, d'ailleurs Polanyi est revenu à la mode, idolâtré par les théoriciens de la régulation, ceux justement qui font l'opinion journalistique avec leurs lamentations sur le retour de la logique du marché et le recul du pouvoir de réglementation de l'Etat face à cette libération des initiatives que permet la mondialisation.

 

Candide : Les théoriciens de la régulation cela ne me dit pas grand chose !

 

Archibald : Le terme est bizarre c'est vrai car quand on pense régulation on pense marché, mais justement ce sont des antilibéraux viscéraux. Pour eux le marché remet actuellement en cause un consensus social qu'il appelle la régulation fordiste, consensus dans lequel la propriété privée des moyens de production était assurée dans les domaines qu'ils qualifient de non-essentiels, et "l'exploitation du prolétariat" limitée par un Etat-Providence imposant de nombreuses règles dans le monde du travail.

 

Candide : Ah je vois, le rapport avec Polanyi c'est qu'il leur faut montrer que le capitalisme n'est pas naturel pour que son retour par le biais d'une mondialisation non réglementée soit présenté comme une volonté délibéré mise en place par je ne sais qui, une sorte de complot contre les peuples comme ils disent.

Et pourtant la liberté de commercer avec qui on veut sans payer de taxes ou de droits de douane, la liberté de créer une entreprise et d'embaucher qui on veut, la liberté de choisir son travail, la liberté de consommer ce que l'on veut sans payer de surcoûts ce n'est pas le résultat d'un complot.

 

Archibald :Ah si si le complot de la liberté peut-être et voila qui est certainement le plus dangereux des complots à en croire les adversaires du capitalisme.