La question des 35 heures
Il n'existe pas un stock
fini d'emplois à répartir au sein de la société
Xavier
COLLET
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On s'est évidemment aperçu
de l'impossibilité d'appliquer la loi AUBRY à des entreprises qui ont un très
faible effectif. Quand il y a trois
personnes concernées par les 35 heures, il est absolument impossible de réduire
leur travail de douze heures au total pour embaucher une personne supplémentaire
: c'est trop peu. D'ailleurs, où trouverait-on
quelqu'un. qui veuille s'embaucher aujourd'hui dans certains corps de métiers
où la pénurie de main d'oeuvre qualifiée se fait de plus en plus dramatique.
Or, dans une petite entreprise on doit pouvoir faire l'économie d'une
formation et c'est un personnel compétent et expérimenté dont on a besoin.
Faute d'embaucher, que se passe-t-il
? On va faire des heures supplémentaires, mais on sera vite bloqué par les
quotas prévus par la loi, au delà desquels les salariés ne peuvent plus percevoir
une rémunération à des taux horaires majorés, puis au-delà desquels ils ne
peuvent plus travailler du tout (se privant ainsi d'un appoint salarial parfois
indispensable à l'équilibre du budget du ménage).
Comme le travail est toujours là, il reste soit à laisser tomber le
client et à fermer les portes de l'entreprise dans un bref délai, soit à demander
un effort de productivité aux trois personnes, qui vont désormais travailler
plus pour un salaire identique, dans un nombre d'heures diminué. Il n'est
pas dit que cela ne déclenche pas quelques tensions dans l'entreprise.
Si tout cela est apparent pour
les PME, ne peut-on observer la même chose dans des entreprises de plus grande
taille ? Nous avons maintenant dépassé la période du gigantisme et de la massification
industriels. Beaucoup d'entreprises,
non seulement dans le secteur des services, mais aussi dans l'industrie, sont
en fait des agglomérations de petites unités, des fédérations de PME.
Toutes les méthodes actuelles de gestion des hommes, du matériel et
de la clientèle, convergent vers cette atomisation de la production, qui donne
souplesse, efficacité, qualité des relations et des produits.
Une grande entreprise, ou désignée
comme telle, connaîtra donc tous les symptômes dont souffrent les PME : indivisibilité
du travailleur, non substituabilité d'une personne à l'autre, inadaptation
qualitative, course à la productivité artificielle, etc. Les 35 heures y feront donc les mêmes dégâts.
C'est une méconnaissance de
ces réalités qui a pu laisser penser qu'une grande entreprise aurait les ressources
internes suffisantes pour gérer les 35 heures, grâce à son volant de main
d'oeuvre, et à l'importance de ses coûts fixes. Car, faut-il le répéter, c'est considérer l'entreprise comme un
tout homogène à l'intérieur duquel la circulation est parfaitement fluide,
la substituabilité totale et sans coût, etc.
La seule chose qui peut se
passer est qu'une grande entreprise pourra cacher ses échecs nouveaux en se
faisant subventionner directement ou indirectement par l'Etat. Pas d'inquiétude pour les 35 heures à la SNCF
ou à la Poste, ou ailleurs. Les grandes
compagnies privées, elles, n'ont pas ce recours : elles sont donc volontairement
visées par la loi AUBRY.
C'est un peu ce que dit Pierre Cahuc, dans la Revue française d'économie, il nous montre que les premières entreprises signataires de l'accord de RTT sont les plus dynamiques de chaque secteur. Prévoyant des besoins de recrutement, elles auraient accepté de passer un accord de façon à bénéficier de baisses de cotisations sociales relativement généreuses. Il s'agit donc là d'un effet d'aubaine. Les quelques créations auraient donc de toute façon eu lieu, mais quand l'Etat réduit les cotisations sociales ou verse une aide, il prend en charge une partie du surcoût. Il faut alors s'intéresser à ce qui serait advenu si, au lieu de subventionner la réduction de la durée du travail, le gouvernement avait baissé les cotisations sociales patronales.
Pour les retardataires qui se sont trouvés dans l'obligation de passer au 35 heures sans négociation d'accord, un maintien du salaire pour une durée réduite du travail revient à une augmentation du coût unitaire, donc à des effets défavorables sur l'emploi. Inévitablement, après des embauches initiales, l'emploi va tendre à diminuer, soit parce que l'entreprise perd des parts de marché, soit parce qu'elle va tenter d'économiser davantage de travail pour restaurer ses marges.
Jean Gilles MALLIARAKIS
1. Quel est l'objectif des 35 heures, comment cet objectif aurait-il dû être atteint ?
2. La réduction du temps de travail a-t-elle un impact sur le PIB ? Sur le niveau de vie ?
3. Peut-on réduire simultanément la durée du temps de travail et la productivité ? Quelles en seraient les conséquences ?
4. Sous quelles conditions les 35 heures créent-elles des emplois ?
5. Vouloir partager le travail existant signifie-t-il que les besoins de la population sont saturés ?
6. Comment la loi sur les 35 heures a-t-elle été modifiée ?