Intégration régionale et nouveau cadre des politiques économiques


Alors que la mondialisation se développe avec le principe du multilatéralisme basé sur le principe de la nation la plus favorisée, des zones régionales se constituent à l'intérier desquelles le libre-échange règne, mais bâtissent des barières vis-à-vis de l'extérieur. Alors la régionalisation est-elle une façon de s'intégrer à la mondialisation ou de reconstituer à l'intérieur d'ensemble nationaux plus élargis des moyens pour des fédérations d'Etats d'échapper à la contrainte extérieure ?

I. La construction de la zone Europe

A. Les phases de l'intégration économique régionale

1. La théorie de Bela Belassa

Dans "Théorie de l'intégration économique" (1961), Bela Balassa, économiste hongrois émigré aux Etats-Unis, distingue des phases croissantes de l'intégration régionale :

la zone de libre-échange consiste à démanteler les barrières tarifaires sur les biens et les services à l'intérieur d'une zone régionale;
l'union douanière, en plus des caractéristiques de la zone de libre-échange, prévoit un tarif extérieur commun pour les pays extérieurs à la zone ;
le marché commun établit une zone de libre circulation des biens et des services, mais aussi des capitaux et des hommes, il y a alors non seulement unification des marchés de biens et de services mais aussi des marchés de facteurs de production;
l'union économique prévoit de surcroît la mise en place de politiques économiques communes ;
l'union économique et monétaire est la forme maximale de l'intégration puisqu'elle implique un abandon de souveraineté des pays la composant au profit d'une monnaie unique donc de politiques économiques régionales.

2. L'intégration européenne

La régionalisation est une intégration économique dont les niveaux de réalisation peuvent être différents, l'intégration européenne en est la forme la plus achevée.

La Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier avait instauré en 1950 une zone de libre échange limitée au charbon et à l'acier entre la France, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Italie. La CECA se transforme en Communauté Economique Européenne au traité de Rome le 28 mars 1957, l'objectif est la mise d'une union douanière pour les produits industriels et agricoles, laquelle est créée en 1968. Ainsi les barrières douanières sont supprimées entre les 6 pays fondateurs puis avec le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark en 1972, la Grèce en 1981. Simultanément et un tarif extérieur commun est mise en place à l'encontre des pays extérieurs et des politiques communes sont décidées en matière de concurrence, d'agriculture, de transports et d'énergie.

En 1986, alors qu'adhèrent l'Espagne et le Portugal, l'Acte unique est mis en place, il se donne jusqu'au 1er janvier 1993 pour le passage à un marché commun pour les biens, les services, le travail et les capitaux.

En réalité l'ouverture totale à la concurrence en matière de services prend du retard, elle a avancé progressivement dans les entreprises de réseaux :

- transports aériens de l'ouverture partielle en 1984 à l'ouverture totale en 1997 ;
- télécommunications à partir de 1998 ;
- électricté partiellement à partir de 2002.

 

RISQUES ET OPPORTUNITÉS DE LA DÉRÉGLEMENTATION DE L'ÉLECTRICITÉ

Par Michel Robin, président­directeur général de Siemens France

Récemment, on apprenait que l'Air Liquide gagnait un contrat de production d'électricité pour Usinor à Dunkerque grâce à une offre plus compétitive que celle d'EDF. [...] Ce contrat est tout d'abord la conséquence directe de la transposition de la directive de 1996, applicable en France depuis le 19 février 1999, qui met fin au monopole d'EDF en ouvrant le marché de l'électricité à la concurrence. Si 20 % du marché est aujourd'hui accessible aux concurrents d'EDF, 33 % du marché de l'électricité pourrait être dans les mains de groupes privés à l'horizon 2003. Ainsi la production d'électricité va basculer dans le monde de la concurrence. À la logique de service public va se superposer une logique de compétition, et donc plus de compétitivité. La déréglementation et la libéralisation du marché de l'énergie électrique vont libérer des forces économiques au travers d'une compétition accrue. Les acteurs sont également soumis aux règles européennes de la concurrence.

Aujourd'hui, à part la France et l'Italie, tous les pays européens ont plus ou moins déjà libéralisé leur marché. Citons l'exemple de la Grande-Bretagne où la libéralisation, lancée dès les années Thatcher, s'est accompagnée de la privatisation de la plupart des compagnies du secteur. Depuis, des centaines de milliers de consommateurs, particuliers comme entreprises, ont changé de fournisseur de courant pour faire baisser leur facture. ln fine, c'est bien sûr le consommateur qui est gagnant.  L'accroissement des pressions concurrentielles se traduira par une baisse sensible des prix de l'électricité à l'instar de ce que l'on peut constater dans le domaine des télécommunications. La seule perspective d'une arrivée prochaine de la concurrence a déjà poussé EDF à réagir. Le prix moyen du kWh a diminué, en valeur réelle, de 6 % en 1997 et de 3,5 % en 1998, et devrait atteindre sans doute 14 % sur la période 1997-2000. Les clients, plus exigeants, mieux à même de procéder à des comparaisons grâce à la transparence des prix, n'hésiteront pas à aller vers l'opérateur le plus compétitif. Au­delà du prix, la qualité du produit électricité différenciera à terme les acteurs du marché.

La Tribune, 11 mai 1999

1. Rappelez ce qu'est une directive, un monopole.
2. Dégagez les effets attendus de la libéralisation du marché de l'électricité pour les consommateurs, pour les entreprises européennes, pour EDF.
3. Recherchez les conséquences d'une meilleure compétitivité des entreprises européennes.

Le marché unique met la plupart des entreprises dans une situation de concurrence accrue. Cela les contraint à des efforts plus intenses en matière de modernisation et de restructuration, à accroître leur production pour bénéficier d'économies d'échelle, à baisser leurs prix de vente et à réduire les coûts si elles veulent préserver leur rentabilité. Il peut en résulter un accroissement des ventes hors de la Communauté, mais aussi dans la Communauté et donc une augmentation de la production et une diminution du chômage.

En 1991 le traité de Maastricht ouvre l'Europe des 12 à la création d'une Union Européenne dotée d'une monnaie commune et de politiques économiques conjointes. L'élargissement se poursuit en 1995 avec les adhésions de la Suède, de la Finlande et de l'Autriche, puis le sommet de Copenhague en décembre 2002 permet l'intégration de 10 nouveaux pays, lesquels intégrent l'UE au 1er mai 2004 faisant de l'UE un marché de 450 millions de consommateurs.

 

L'Europe dans le commerce mondial CEPI 2003

Exportation de capitaux IDE en milliards de dollars CNUCED 2003, World Investissement Report

B. Un processus de convergence

1. Convergence réelle

La réalisation du marché unique est présenté comme un facteur de croissance des échanges entre les partenaires mais aussi de croissance économique de par :

- une spécialisation plus rationnelle avec la disparition des barrières entravant les échanges (suivant la loi des avantages comparatifs) ;

- une meilleure allocation des facteurs de production permise par leur libre circulation (capital et travail se dirigent là où leur productivité marginale est la plus forte) ce qui permet d'augmenter la compétitivité ;

- la réalisation d'économies d'échelle pour les firmes de ces pays de par l'extension de leurs marchés, ce qui va aussi impliquer une augmentation de la taille critique et donc un mouvement de concentration, mais aussi un plus grand pouvoir de négociation puisque les firmes devenues géantes pourront plus facilement avoir accès à des financements et à des approvisionnements à moindre coût ;

- la baisse des prix et des coûts avec les économies d'échelle, l'élargissement de la concurrence à l'intérieur et à l'extérieur de la zone (puisque les entreprises européennes deviennent plus compétitives en raison des éléments ci-dessus) ;

- une meilleure attractivité pour les IDE.

L'intégration de pays relativement pauvres dans la Communauté Européenne, tels que l'Espagne et le Portugal, a permis une convergence progressive des niveaux de productivité, de production et de niveaux de vie. La création d'une union douanière permet la création de traffic (et donc détournement de commerce vis-à-vis des pays tiers) dans une zone où chaque pays va se spécialiser selon ses avantages comparatifs, il faudra donc alors que la création de traffic compense le détournement de commerce, en effet les ventes liées aux capacités de production dégagées doivent compenser les pertes liées à des importations devenues plus chères. Ceci peut être le cas si le TEC est faible (donc faible surcoût des importations extérieures) et que les droits de douane existant autrefois entre les pays de la zone étaient forts. Donc la régionalisation profite à ses membres si elle signifie tout de même un moindre protectionnisme...

2. Convergence monétaire

la Banque Centrale Européenne

Pourquoi une monnaie unique ? Parce que des taux de change flexibles et fluctuants compliquent les transactions internationales et font courrir des risques de change pour les transactions internationales, comme le souligne Paul Krugman : « Imaginez le temps et les ressources que les consommateurs et hommes d’affaire américains devraient gaspiller chaque jour si chacun des cinquante Etats américains avait sa propre monnaie et que celle-ci pouvait fluctuer à l’égard de celle de tous les autres ! » Pourtant le Système Monétaire International de Bretton Woods n'avait pas fait de la monnaie unique un objectif des promoteurs de la construction européenne. En effet le SMI évitait cette incertitude monétaire avec ses taux de change fixes basés sur le maintien de la parité de chaque monnaie avec le dollar permettant une marge de fluctuation de seulement 2 % entre chaque monnaie européenne. Mais la fin du SMI à la fin des années 70 et l'instabilité des monnaies européennes révélée par la crise de 1993 du SME (mis en place en 1979) due à des politiques monétaires divergentes en Europe (volonté de certains Etats de profiter de dévaluations compétitives, écarts importants d'inflation entre les monnaies européennes) ont lancé l'idée d'une monnaie unique.

Mais une monnaie unique c'est aussi un abandon de souveraineté monétaire et un risque d'échanger une monnaie stable contre une monnaie inspirant une faible confiance sur les marchés internationaux.

La théorie de la zone monétaire optimale : on ne peut avoir que deux éléments parmi ceux-ci :

- taux de change fixes

- politique monétaire souveraine

- libre circulation des capitaux

Dans le cas de l'UEM la libre circulation des capitaux et une monnaie unique implique bien une renonciation à une politique monétaire souveraine.

De plus, si les conséquences de l'adhésion à la Communauté Européenne sont une convergence économique, l'admission dans la zone monétaire euro fait de la convergence économique un préalable. L'Union Economique et Monétaire va donc se faire en plusieurs phases posant des contraintes de coordination des politiques monétaires.

Une première phase de coordination de ces politiques a lieu en même temps que s'instaure la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des hommes entre le 1er juillet 1990 et le 31 décembre 1993

La deuxième étape correspond à l'entrée en vigueur du traité de Maastricht sur l'Union européenne, elle s'échelonne du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998 avec la création de la Banque Centrale Européenne et une plus grande convergence des politiques monétaires des Etats de l'UE avec la détermination par le conseil européen des pays qui satisfont aux critères de convergence et pourront participer à la monnaie unique. 

La troisième étape est celle de la monnaie unique, le taux de conversion entre les monnaies est fixé définitivement et l'euro est créé sous sa forme scripturale le 1er janvier 1999 puis sous sa forme fiduciaire le 1er janvier 2002. Désormais la politique monétaire appartient exclusivement à la Banque Centrale Européenne, épaulée par le SEBC (système européen de banques centrales) dans lequel siègent les gouverneurs des banques centrales nationales de la zone Euro. Seuls gardent une politique monétaires autonomes le Royaume Uni, le Danemark et la Suède qui n'ont pas adopté l'euro, les nouveaux pays par contre sont contraints par les mêmes critères de convergence avant leur passage à l'euro.

3. Une divergence réelle due à l'union monétaire

Les taux d'intérêts fixés par la BCE ont des effets différents suivant les pays. L'objectif de la BCE de limiter l'inflation à 2 % n'est pas tenu par les petits pays en rattrappage de croissance tels que la Grèce ou l'Irlande, lesquels en dépassant ce taux d'inflation profitent d'un taux d'intérêt réel négatif (taux d'intérêt nominal de la BCE - taux d'inflation), au contraire de pays à faible inflation comme l'Allemagne. Il en résulte une divergence de rythme de croissance profitant aux pays faisant de l'inflation.

II. L'Union Européenne, un espace propice à la mise en place de politiques économiques

A. Un renoncement aux politiques économiques nationales

Rappel de première : Les politiques économiques consistent en l'ensemble des actions menées par l'Etat afin d'infléchir la conjoncture économique ou de transformer les structures économiques.

Les premières de ces politiques sont appelées politiques conjoncturelles, elles sont de nature budgétaire ou monétaire et influent à court terme sur le carré magique

En économie, le carré magique est une représentation graphique des quatre grands objectifs de la politique économique d'un pays : la croissance, le niveau de chômage, l'équilibre extérieur de la balance commerciale et la stabilité des prix. C'est l'économiste keynésien Nicholas Kaldor qui en est à l'origine. C'est en rejoignant les points, qu'on obtient un quadrilatère qui représente d'autant mieux une situation économique favorable qu'il est proche du carré magique. Ces quatre indictateurs correspondent à quatre objectifs fondamentaux de la politique économique : la croissance économique, le plein emploi, la stabilité des prix et l'équilibre des échanges extérieurs. La forme optimale du carré reflète les objectifs retenus pour apprécier les résultats de la politique économique mise en place. Ces objectifs sont difficiles à atteindre et donc à envisager sur le long terme

Source : Wikipédia

Les secondes sont des politiques structurelles, elles vont modifier durablement les structures économiques du pays, il pourra s'agir par exemple de privatisation ou de nationalisation, de mise en place d'un système de protection sociale obligatoire ou au contraire d'une réforme vers un système privé de protection sociale. Toutes les réformes sont effectivement des politiques structurelles.

1. Une contrainte sur les politiques budgétaires

La volonté pour un pays de la zone euro de pratiquer une politique de relance aurait de nouveaux effets sur les partenaires de la monnaie unique. Supposons effectivement que la relance se fasse avec un fort déficit budgétaire, son financement impliquerait une forte demande de capitaux donc une pression à la hausse des taux d'intérêt qui toucherait tous les pays de la zone euro y compris ceux qui ont fait des efforts en matière d'équilibre budgétaire. Mais si les institutions monétaires européennes ne parviennent pas à ramener la brebis galeuse dans le bon chemin alors les pays vertueux se mettront eux aussi à pratiquer des déficits (externalité négative des politiques budgétaires expansives) faisant perdre toute crédibilité à l'euro.

Ainsi le laxisme budgétaire conduirait à faire perdre l'avantage de la baisse à long terme des taux de change qui fut un aspect positif de l'euro suite à fin de la course à des taux d'intérêts élevés qu'imposait une Deutsche Bank chargée d'éviter les dérives inflationnistes de la réunification allemande.

Le Pacte de Stabilité et de croissance est-il toujours d'actualité ?

Les politiques sociales sont également contraintes par la monnaie unique dans la mesure où toute désincitation à l'activité pèse sur la productivité. La libre circulation à l'intérieur des frontières et l'impossibilité de dévaluer vont rendre le travail le plus cher à niveau de productivité égale peu attrayant, ce qui implique une pression à la baisse sur les salaires (prix) ou sur l'emploi (quantité) dans les pays relativement désavantagé à ce niveau.

2. Des critères de convergence

La mise en place de critères de convergence

La stabilité des taux de change ou l'adoption d'une monnaie commune suppose :

une convergence des taux d'inflation ;

une convergence des taux de croissance, une croissance différente déséquilibrant les échanges ;

une convergence structurelle avec un allégement de la contrainte extérieure dû à une bonne spécialisation internationale et la spécialisation dans des production pour lesquelles l'élasticité de la demande aux prix est faible.

Le traité d'Amsterdam de 1997 prévoit le Pacte de stabilité et de croissance, c'est-à-dire les critères d'admission dans la zone euro, lesquels sont : inflation maîtrisée (pas plus de 1,5 % au-dessus de la moyenne des 3 pays les plus vertueux), taux de change stable, déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB, dette publique inférieure à 60 % du PIB. Ces deux derniers critères sont maintenus après la mise en place de l'euro et constituent le pacte de stabilité et de croissance. Celui-ci concrétise des obligations budgétaires communes indispensables à l'intégration dans la zone monétaire européenne (triangle des incompatibilités de Mundell).

B. Principes des politiques économiques au niveau de l'UE

1. Le principe de subsidiarité en Europe

Les politiques structurelles sont prises au niveau fédéral en respectant le principe de subsidiarité :

LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ DANS LE TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE

Le préambule du Traité sur l'Union européenne indique que dans " l'union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe ", les décisions sont prises " le plus près possible des citoyens, conformément au principe de subsidiarité ". Les auteurs du Traité ont ainsi voulu affirmer la subsidiarité comme une orientation fondamentale de la construction européenne. Il est clair, malgré les dénégations, qu'il s'agissait par là, à certains égards, de répondre aux inquiétudes des opinions publiques, qui s'alarmaient de voir la Communauté intervenir dans des domaines de plus en plus variés sans qu'un réel contrôle politique paraisse s'exercer sur l'extension de ce champ d'action.

Comme le Traité de Maastricht élargissait le champ des compétences reconnues à la Communauté, il est apparu souhaitable de contrebalancer cette extension en soulignant que le rôle de l'Union devait, en règle générale, rester subsidiaire. Comme principe général, le principe de subsidiarité ne s'applique pas seulement aux rapports entre les collectivités publiques plus larges et les collectivités publiques plus restreintes, mais aussi aux rapports entre les autorités publiques, quelles qu'elles soient, et la société civile. Il demande que l'autorité publique n'intervienne dans le domaine économique et social que s'il est nécessaire de compléter les initiatives provenant de la société civile pour obtenir le Bien commun ; il demande également, de manière générale, que les collectivités publiques dont le ressort est plus large n'interviennent que pour compléter, si nécessaire, l'action des collectivités publiques dont le ressort est plus étroit.

On peut constater que, comme principe général, le principe de subsidiarité suppose l'existence d'un Bien commun : si le rôle de l'instance " supérieure " est de compléter, de prolonger ce que fait l'instance " inférieure ", c'est que toutes deux doivent aller dans la même direction. En ce sens, on peut s'interroger sur la compatibilité de ce principe avec la notion moderne de la démocratie, fondée sur l'idée que plusieurs conceptions légitimes du Bien commun peuvent coexister. De même, l'étendue des devoirs de l'instance " supérieure " peut faire problème : s'il est clair que, négativement, elle doit respecter l'autonomie de l'instance " inférieure ", a-t-elle également des devoirs positifs, c'est-à-dire l'obligation d'intervenir si l'instance " inférieure " ne remplit pas suffisamment sa tâche ? Certains l'affirment et estiment que le principe de subsidiarité a deux versants : si, d'un côté, il doit entraîner une limitation des interventions de l'instance " supérieure ", de l'autre côté, il doit conduire à développer les compétences de celle-ci dès lors que l'instance " inférieure " ne parvient pas à réaliser convenablement un objectif commun. Ainsi, comme principe de philosophie politique, le principe de subsidiarité peut donner lieu à plusieurs interprétations et s'intégrer dans plusieurs conceptions politiques.

Rapport Poniatowski sur la subsidiarité, 1999

C'est donc dans le respect du principe de subsidiarité que des politiques peuvent être du seul ressort de l'Union européenne.

Rappel sur la dynamique de l’intégration et sur le triangle des incompatibilités.

L’Europe est aujourd’hui confrontée à la mise en œuvre de trois politiques économiques.

- La politique monétaire, qui est désormais conduite par le Banque Centrale Européenne et qui favorise le maintien de la parité de l'euro notamment vis-à-vis du dollar ;

- La politique budgétaire, qui reste essentiellement de la compétence des Etats membres et dont les marges de fluctuation sont contraintes par le le Pacte de Stabilité et de Croissance.

- Les politiques structurelles mises en place au niveau européen et financées par le budget européen.

2. Le rôle limité des politiques économiques européennes est contraint par le budget européen

Le Conseil européen des 16 et 17 juin 2005 a débattu sur la période budgétaire 2006-2013 et donc sur les contributions des Etats membres au budget européen. Celui-ci restera modeste puisque le Parlement européen avait proposé un budget à la hauteur de 1,07 % du PIB de l'Union européenne, la Commission européenne plaide pour un budget plafonné à 1,14 % et des pays comme la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne n'entendent pas laisser le budget européen dépasser les 1% du PIB de l'Union.

Le budget de l'Union européenne se monte pour 2005 à 116,55 milliards d'euros (un peu plus du tiers du budget français) et il est toujours voté à l'équilibre. Il est financé aux 3/4 par un prélèvement auprès des Etats plafonné à 1,24 % du revenu national brut des Etats membres, s'ajoutent à cela les recettes de TVA et les droits de douane ainsi que les taxes sur les importations de produits agricoles (PAC oblige !). Les dépenses se répartissent en dépenses de fonctionnement pour les institutions européennes et en dépenses opérationnelles notamment pour la PAC (42,6 % des dépenses), l'aide structurelle au développement des régions pauvres (36,4 % des dépenses).

C. Réalisations des politiques économiques européennes

1. Les politiques structurelles européennes

A l'origine la création de l'Europe est un projet économique à des fins politiques. La libre circulation des marchandises à l'intérieur de la CEE avait pour ses fondateurs que sont Jean Monnet, Maurice Schumann, Alcide de Gasperi, une finalité de paix perpétuelle entre les anciens ennemis de la Première et de la Seconde guerre mondiale. Dans un contexte de guerre froide il s'agissait pour l'Europe d'un projet politique de défense autonome à travers la Communauté Européenne de Défense qui ne verra jamais le jour.

La constitution du marché unique puis de l'union monétaire se fait parallèlement à politiques structurelles d'accompagnement financée par le budget européen et destinées :

à maintenir l'atomicité du marché par une politique de la concurrence interdisant la constitution de monopole, ainsi que les ententes (sur les prix, les limitations de production, les répartitions de marchés) et les abus de position dominante (imposition de prix ou application de conditions contractuelles inégales selon les clients ou les fournisseurs) ;
à constituer un pôle industriel européen par une politique industrielle - à l'origine de la CEE il y avait les traités de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) et Euratom qui prévoyaient l'un une politique commune du charbon et de l'acier, l'autre une politique commune en matière d'énergie atomique - on peut aussi citer en matière d'aéronautique la création d'Airbus, en matière de réseaux de transports Thalys et Eurostar ;
à instaurer une solidarité entre régions européennes par une politique d'aménagement du territoire participant au développement des régions pauvres avec le FEDER (Fonds européen de développement régional) ;
à soutenir les pays les moins avancés dans l'intégration européenne (Irlande, Grèce, Espagne et Portugal) par le Fonds de cohésion ;
à faciliter la libre circulation des hommes avec la possibilité d'étudier dans tous les pays membres (programme Erasmus) ;
à financer l'insertion professionnelle des jeunes, des chômeurs de longue durée et des travailleurs en conversion par le Fonds social européen ;
à assurer le revenu paysan et à moderniser le monde agricole par la Politique Agricole Commune (PAC).

Mise en place en 1962, la PAC visait à assurer une libre circulation des produits agricoles dans l'UE, des prix uniques pour les produits dans toute l'UE et un revenu garanti aux agriculteurs.

Les cours agricoles, qui baissent à cause de la surproduction, étaient ainsi maintenus plus élevés ne l'aurait permis le marché libre par :

des achats publics par le FEOGA (Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole) qui stocke les excédents ;
des aides aux exportations pour permettre aux agriculteurs de vendre moins cher sur les marchés extérieurs à la communauté ;
des droits de douane sur les importations hors UE.

La PAC était injuste car elle conduisait à faire subventionner par les contribuables la surproduction des agriculteurs et en même temps à faire payer les consommateurs plus cher les produits agricoles (communautaires et étrangers), ainsi en tant que contribuables, ils étaient 2 fois ponctionnés.

Les subventions ont accentué la surproduction car les agriculteurs dont les prix sont garantis peuvent augmenter leurs revenus en augmentant les quantités produites - ce au mépris des lois de l'offre et de la demande -, ainsi en 1992 la PAC est réformée avec réduction des subventions et aides au revenu des agriculteurs qui acceptent de mettre des terres en jachère.

 La PAC se caractérise en outre par :

la libre circulation des produits agricoles à l'intérieur de la Communauté sans droits de douane, de contingentement ou de limitation d'ordre qualitatif (normes) ;
la préférence communautaire, qui est assurée notamment par la mise en place d'un tarif extérieur commun ;
la solidarité européenne, qui se traduit par la participation de tous les pays membres au financement des aides à l'agriculture ;
la volonté d'agir sur les structures de l'agriculture : modernisation des exploitations, orientation des productions, etc .

 

PAC

7$ C’est la subvention journalière d’une vache japonaise. Une vache européenne reçoit 2,5$. Quand 1 milliards de personnes, notamment en Afrique, vivent avec moins d’un dollar par jour ! Conclusion d’un grand écrivain africain «mieux vaut être une vache japonaise qu’un Africain».

 

2. Les politiques sociales européennes

Le traité de Maastricht consacré à des mesures économiques possède un volet social qui lui a été annexé en 1989 et qui prévoit la création d'un droit du travail européen. C'est ainsi qu'en 1994 ont été créés des comités d'entreprise européen.

Le principe d'un droit social unifié a été complété par le traité d'Amsterdam en 1997, lequel ajoute des mesures en matière de coordination des politiques d'emploi, de lutte contre la criminalité et le terrorisme ainsi qu'un volet sur l'écologie.  En 1998 est adoptée la charte sociale prévoyant notamment le "droit à l'emploi". Si bien que dans les faits, en dépit de législation sociale très différentes Etat par Etat, des textes européens encadrent les contats à durée détermineé, les temps partiels et les congés parentaux.

Chaque Etat possède cependant sa propre législation sociale, parmi elles la législation française est la plus protectrice et par conséquent celle qui pose le plus d'entrave à la flexibilité du travail. Les syndicats français sont très conscients que des charges plus faibles ou des conditions d'emploi moins contraignante dans les autres pays d'Europe ne facilitent pas l'emploi en France. Ils parlent là encore de "dumping social" et aspirent pour y remédier à une législation européenne plus proche du "modèle social français" voire un "alignement par le haut des droits européens dans lequel chaque acquis social devrait être considéré comme un seuil au-dessous duquel il serait interdit de descendre" comme l'exigent notamment les antimondialistes.

Une telle conception du droit social n'est pas celle des pays plus libéraux comme le Royaume Uni ne sont pas prêt à accepter, au nom notamment de la préservation de l'emploi et d'une plus grande liberté contractuelle (droit d'embaucher et de licencier sans contrainte par exemple).

Mais quelque soit le modèle social choisi (anglo-saxon, scandinave ou à la française) il ne pourra déroger aux grands principes de la législation sociale européenne, c'est ainsi que le principe de l'égalité homme-femme au travail a conduit la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a exiger de la France l'autorisation du travail de nuit pour les femmes.

 

III. Volontarisme européen ou intégration dans la mondialisation

A. Pour un développement de politiques économiques européennes

1. L’Europe, une façon d'encadrer la mondialisation ?

La Communauté Européenne s'est construite sur des règles et des principes pas nécessairement compatibles avec l'ouverture des marchés internationaux selon les critères du GATT (clause de la nation la plus favorisée). La création d'une union douanière avec son tarif extérieur commun met en place une forteresse protégée vis-à-vis des flux commercaux extérieurs à la zone. C'est à l'intérieur de ce grand marché européen que se développe un commerce intra-zone important et que des entreprises européennes dans des secteurs clés tels que l'espace, l'aéronautique, la mécanique, la chimie, se concentrent (Airbus, Alsthom, Pechiney) et partent à l'assaut du marché mondial en profitant d'économies d'échelles constituées sur un marché protégé mais en profitant aussi des politiques industrielles volontaristes des Etats, les mêmes qui ont créé des Crédit Lyonnais ...

Avant même l'euro, la forteresse Europe s'est construite aussi sur le plan monétaire puisqu'à la fin du SMI elle répond par le SME, une zone de stabilité financière marquée par des taux de change flexibles dans une fourchette de +/- 2,25 % entre les monnaies européennes (marge revue à +/- 15 % suite à la crise du SME de 1993).

Ainsi soudée en matière commerciale et financière l'Europe pèse davantage dans les négociations internationales organisant la mondialisation.

2. Rôle d'un Etat européen dans la croissance

Les théoriciens keynésiens de la croissance endogène en appellent à des fonctions d'entraînement de la croissance pour un Etat fédéral européen et utilisent l'argument du déficit démocratique des institutions européennes afin de rendre les décideurs européens dépendant des lobbies de la société civile et des ONG militantes.

Ils sont partisan d'une augmentation drastique du budget fédéral afin de financer une politique de formation et de recherche-développement ainsi que le financement de grands travaux d'infrastructures. De telles dépenses sont censées porteuses d'externalités positives, donc facteur de croissance.

3. Quelles politiques conjoncturelles ?

Le risque de chocs asymétriques, c'est-à-dire de perturbation de l'offre ou de la demande limitée à un seul pays ne peut plus se résoudre par une variation des taux de change. Par exemple un choc au niveau de l'offre : les conséquences des 35 heures avec la hausse du coût du travail en France alors qu'il reste le même dans les autres pays européen implique une perte de compétitivité que l'on ne peut compenser par une dévaluation.

Si le choc asymétrique est au niveau de la demande, par exemple une baisse de la demande pour les automobiles françaises alors que la demande en automobiles allemandes n'est pas touchée, les effets de ce choc se perpértueront aussi faute de dévaluation.

Les Etats seront alors tentés d'intervenir en soutenant un secteur par des subventions mais ceci fausserait la concurrence avec les autres entreprises européennes ce n'est donc pas permis. Il leur restera donc à tenter d'enrayer la baisse de compétitivité, mais pour cela il faudrait permettre une flexibilité à la baisse des salaires et/ou un ralentissement de la hausse des prix plus important que celui des pays partenaires (désinflation compétitive). Une telle politique de rigueur est difficile à faire passer dans l'opinion, on comprend pourquoi faute de maintenir une économie compétitive l

es Keynésiens demandent donc la mise en place au niveau européen de politiques budgétaires concertées et critiquent "la logique libérale"des critères du PSC qui s'oppose à toute volontarisme politique par le buget. Face à une panne de la croissance en Europe dans un contexte de croissance forte aux Etats-Unis, en Inde, en Chine, les Keynésiens en appellent à des politiques contra-cyclique (dépenses de l'Etat quand la croissance est faible) et dénoncent les politiques pro-cycliques facteurs de crises déflationnistes. Ainsi en cas de ralentissement économiques les rentrées fiscales baissant l'état des finances publiques va se dégrader et le PSC contraint alors à une baisse des dépenses alors que les Keynésiens pensent qu'il faudrait au contraire les augmenter aux fins de relance.

 

Pour les Keynésiens, l'Europe comme un tout est plus faiblement exposé à la contrainte extérieure que ne l'est chaque pays européen isolément. Ceci est dû à ce que le commerce intra-zone soit dominant, ils considèrent donc que le cadre adéquat a une relance est devenu l'Europe.

B. Ou pour une ouverture aux marchés et à la mondialisation

1. Déréglementation limitée : du service public au service universel

Les concepteurs de l''Europe fédérale souhaitent conserver hors marché une partie des services auxquels devraient avoir accès tous les Européens. Il s'agit là de garantir à tous les usagers (terme à opposer à clients) la fourniture de biens et services d'intérêt général à un prix abordable. Là encore le terme d'intérêt général ne possède pas une définition objective, c'est l'Etat fédéral qui détermine ce qui est d'intérêt général, quant aux biens et services concernés il s'agit des biens collectifs (non individualisables, non excluables) mais aussi d'autres biens et services que l'Etat souhaite mettre à disposition de tous quelque soit leur revenu et faire payer aux contribuables (santé, transports, ...)

La déréglementation va faire évoluer la notion de service public à la française, laquelle se base sur la continuité (quant il n'y a pas de grève) et l'égalité des usagers (accès pour tous au même prix). Elle impliquait aussi que les services publics soient assurés par des entreprises publiques en monopole non contestable. Le passage à la concurrence et au privé se fait sous condition de l'encadrement d'autorités administratives indépendantes (AAI) telles que l'ART (autorité de régulation des télécommunications) qui fixent des obligations de service universel. Ce service universel a pour objet de garantir à tous et partout l'accès à certaines prestations jugées essentielles pour des prix abordables et une qualité acceptable.

2. Vers une Europe plus libérale ?

Pour des pays dans lesquels l'Etat intervient beaucoup, l'intégration européenne est une opportunité de déréglementation. Elle attise la même peur que la mondialisation puisque l'intégration de pays est-européen fait craindre une délocalisation et l'immagration d'une main d'oeuvre moins chère. L'exemple de la polémique sur la directive Bolkenstein prévoyant la libéralisation complète de tous les services (y compris certains services dits publics en France) dans l'Union européenne est parlante à cet égard, elle a pris pour emblème la phobie du "plombier polonais" qui pourrait proposer librement ses services en France à des prix aussi faibles qu'en Pologne. Depuis la directive Bolkenstein a été largement amputée et la libéralisation complète des services reste à faire.

Par contre l'ouverture des capitaux en Europe a avancé plus rapidement. Son ouverture totale et le passage à la monnaie unique a été un facteur de la globalisation financière et a permis au secteur européen de la bancassurance, dans lequel les établissements français sont leader, de devenir un acteur mondial de premier plan.

Enfin les pays européen se font une concurrence pour attirer les capitaux et cette concurrence là prend la forme d'une compétition sociale et fiscale. Des pays à faible fiscalité sur les entreprises et possédant un code du travail flexible comme les pays Baltes ou l'Irlande n'ont donc surtout pas intérêt à l'harmonisation fiscale et sociale sur le modèle français.

C. La constitution : une Europe politique avortée ?

La constitution européenne fusionne en un seul texte l'ensemble des traités communautaires dont la charte des droits fondamentaux (droits civils, politiques, économiques et sociaux des européens), en respect du principe de subsidiarité elle se donne des objectifs politiques. Elle prévoit une présidence européenne au Conseil européen assurée par une personne physique pour au moins deux ans, et ce ci en lieu et place de la présidence tournante tous les 6 mois d'un pays qui dirige le Conseil européen. Par ailleurs le Conseil des ministres prendra des décisions à la majorité qualifiée de 55 % des Etats membres représentant 65 % de la population, ce qui serait plus simple puisqu'il serait difficile d'obtenir l'unanimité des 25 pays pour voter une directive.

Elle répond à l'argument de déficit démocratique à travers le "droit d'initiative citoyenne" qui prévoit de soumettre une proposition de loi à la Commission, suite à la demande d'un million de citoyens de divers Etats (risque d'emprise des lobbies notamment ceux de l'antimondialisation). A travers la charte elle prévoit la mise en place de politiques en faveur de l'emploi, de lutte contre les discriminations et l'exclusion. Cette constitution devait entrer en vigueur le premier novembre 2006 à condition d'être approuvée par l'ensemble des Etats membres, or la France et les Pays Bas ont voté non à la ratification de la constitution européenne.