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Les regards du siècle

Les regards du siècle 

  

Il est d'usage de faire une rétrospective sur le siècle écoulé, un usage un peu trop convenu certainement car chacun y mettra son grain de sel, y mettra un peu de sa vie, de ses expériences, un peu de joie, d'amertume, un sourire ou une larme. Le monde n'existe qu'à travers le regard de ceux qui le vivent.

Un regard rien de plus, le mien peut être, pour me prouver que j'existe ou un autre encore dont j'ose à peine à croire la réalité.

 

Ce regard je l'ai croisé au hasard de la lecture de l'Express du 23 septembre 1999, à travers un article de Jacqueline Rémy. C'était un regard de papier, celui d'un de ces enfants dont on avait voulu faire un archétype de l'homme nouveau  Quel rétrospective pourrait-il faire lui, de quoi se rappelle-t-il, quel espoir a-t-il pour demain ? Un regard de souffrance, une bouche ouverte sur un cri sans fin

J'existe, je ne vois pas mon regard, je ne vois que celui des autres sans les voir vraiment, mais celui-ci me transmet sa souffrance Il me révèle l'existence d'un monde et ce monde là s'il existe est un cauchemar.

 Le cauchemar est finit m'a-t-on dit, mais les ravages demeurent, la souffrance nous renvoie à notre culpabilité. Culpabilité d'écrire, de dénoncer sans plus agir, ma culpabilité.

Culpabilité d'avoir cru, soutenu, d'avoir rêvé un cauchemar, culpabilité des créateurs de l'homme nouveau, culpabilité de tous ceux qui veulent faire le bien du peuple contre son gré.

 

Ce regard c'est celui d'un petit janissaire du XXème siècle. Oui vous les connaissez ces enfants de Chrétiens enlevés dès leur plus jeune âge par les Ottomans pour en faire de sanguinaires guerriers et les retourner contre leur peuple. Les petits janissaires c'était de l'argile à modeler par leurs maîtres C'était encore de l'artisanat de barbarie.

 

Je ne saurais jamais l'indicible dans ce regard, je ne fais qu'utiliser le mien pour que s'y reflète un élément de rétrospective. Le XXème siècle ce fut donc l'homme nouveau : de l'argile produite industriellement au service de la Bête.

La loi au service de l'horreur, cette loi qui libère comme dirait l'autre salopard, cette loi "votée par le Parlement roumain en 1970 et qui a institué l'abandon d'enfants en politique nationale". Le Génie des Carpates s'est déclaré père de tous les enfants et voulait ses femmes prolifiques, pas de contraception et un minimum imposé de 5 enfants par famille Dans de telles conditions, face à la pénurie, les abandons se sont multipliés, mais c'était le but recherché car Ceausescu voulait peupler ses nombreux orphelinats.

 

D'amour pour ses enfants il n'en avait point, à partir de l'argile humain il voulait créer sa garde rapprochée, ses janissaires. Le communisme a poussé dans ses retranchements la loi du plus fort, l'homme nouveau devait être cette brute obéissante et implacable, à l'image d'un élevage de pitbulls, les petits étaient martyrisés.

La première phase jusqu'à 3 ans les place "dans les mêmes crèches, où, à peine nourris et privés de tendresse, seuls les plus forts survivaient en bon état"

Sur le "lot.", parmi les survivants, on en plaçait dans une seconde phase la moitié dans des "camin spinal" en les répartissant en 4 catégories distinctes : séropositifs ; fous ; retardés ; irrécupérables

Ceux là étaient encore vivant mais ils ne faisaient pas partie des hommes nouveaux.

 

Dix ans après la chute de la barbarie, la souffrance perdure, les enfants abandonnés affluent dans les 600 orphelinats crasseux, privés souvent d'eau et de chauffage, certains n'y abritent que ceux qui mourront en l'an 2000.

 

Bonne et heureuse année quand même.

 

Xavier COLLET , le 01/01/2000

 


 

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