Mère porteuse : un contrat comme un autre


Le rapport parlementaire favorable à l'abrogation de la loi bioéthique prohibant la pratique des mères porteuses semble ne pas faire plaisir à tout le monde.

Jean Rouxel, dans son éditorial des 4 vérités du 4 juillet 2008 parle du problème de marchandisation du corps de la femme que pose le recours aux mères porteuses.
Ce terme de marchandisation est un problème en lui-même dans le sens où il est utilisé de façon péjorative et est donc asséné par ceux qui considèrent que le recours au marché est à déplorer et qu'il devrait être interdit par la puissance publique pour un nombre de cas de figure extensible. Ici il s'agirait de dire que le ventre de la femme n'est pas une marchandise, un cri qui nous rappelle celui des antimondialistes et de leurs slogans.
Certes pour Jean Rouxel cette marchandisation serait limitée car : " il est peu probable que des femmes occidentales un tant soit peu fortunées s'offrent les services d'une jeune femme du Tiers-Monde pour porter leur bébé ". Et quand bien même … Cela serait-il condamnable ?

Car qu'est-ce qui caractérise au juste cette marchandisation induite par la proposition de levée d'un dispositif législatif qui limitait le droit pour la femme de disposer de son utérus ?
Tout simplement un contrat passé entre un couple stérile et une femme capable de mener une grossesse à terme. Que ce contrat puisse être conclu à titre gracieux mais aussi onéreux revient, ainsi que le dénonce aussi M. Rouxel, à " louer un utérus ". Voilà la marchandisation ! Logiquement il s'agit aussi d'un contrat synallagmatique, c'est-à-dire imposant des obligations réciproques aux parties, ce qui revient à ce que les droits de la mère porteuse sur l'enfant à naître soient nuls et qu'elle " ne pourra revoir le fruit de son propre sein ".
Seulement voilà, favorable au contractualisme et hostile aux notions d'ordre public limitant notre capacité à contracter librement tout en définissant les termes et l'objet du contrat, je n'entends pas me substituer aux parties pour leur faire la morale. Je comprends très bien qu'un couple puisse avoir recours à cette pratique contre versement d'espèces. J'admets également qu'une femme puisse, contre rémunération, se faire implanter un ovule ou inséminer pour mener une grossesse à terme.
Mais là n'est pas le problème. Même si je ne comprenais pas cette démarche, que je la trouvais moralement condamnable je n'aurai pas à intervenir en demandant son interdiction dans la mesure où le principe même d'un contrat se base sur le consentement des parties. Extérieur au contrat je n'ai pas mon mot à dire.
Il faut bien insister sur ce point qui semble avoir été oublié par la plupart des français : ce n'est pas parce que vous désapprouvez une pratique ou un comportement entre personnes consentantes que vous êtes en droit de l'interdire.

Dans le cas des mères porteuses, il est permis de s'inquiéter de la troisième partie non présente au contrat : l'enfant à naître. Mais cette partie là n'est jamais consultée puisqu'elle est l'objet du contrat : la marchandise proprement dite ; puisque le ventre de la femme n'est en réalité pas la marchandise mais " l'outil de travail ". Ce qui justifierait d'ailleurs que la mère porteuse ne soit pas salariée car, disposant là de son capital technique, elle exerce une profession libérale.

Passons sur ce détail pour revenir sur le terrain de la morale. Ce qui amène certains conservateurs et hommes ou femmes de gauche à dénoncer cette pratique en voie de légalisation c'est l'idée que l'on puisse acheter des enfants à naître. Dans ce cas, pour de telles personnes, je conçois que l'abrogation de la loi bioéthique soit scandaleuse, qu'ils n'y recourent donc pas pour eux mêmes.
Certes la légalisation de l'avortement avec la loi Veil ne devraient alors pas leur poser de tels problèmes de conscience puisque les fœtus morts sont difficilement vendables sur un marché. Aussi l'IVG sauve d'une marchandisation d'enfants non souhaités mais aussi de la marchandisation de cette pratique puisqu'elle est gratuite. Enfin, rien n'est gratuit puisque la Sécurité Sociale sert aussi à financer l'extirpation d'une vie en devenir. L'IVG augmente donc bien les prérogatives de l'État sur le dos de la collectivité. M. Rouxel sera au moins certainement de tout coeur avec moi sur ce point ainsi je le pense que sur l'incapacité de la femme avortée de " revoir le fruit de son propre sein " comme il le dit, sauf photo souvenir de quelques chairs ensanglantées avant passage à l'incinérateur.

 

Xavier COLLET, le 10 juillet 2008