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Politique industrielleLes téléphériques parisiens
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Or, la nomenclature d'État méprise tellement le peuple qu'elle ne se rend même pas compte quand elle l'insulte. Ainsi Mlle Parly affirmait sur France 2 en 1998 qu'elle "préférait le service de l'État à la vente des savonnettes", c'est-à-dire au travail productif quotidien de tous les Français ordinaires. |
On veut bien croire à cette préférence.
Déjà la Cour de Versailles trouvait encore en 1788 que la soupe était bonne.
Mais quels qu'aient pu être les défauts de la cour de Versailles, même en 1788, nous nous en voudrions d'injurier à la mémoire des rois de France en omettant de rappeler ce que Louis XVI lui-même écrivait à propos du Commerce.
Le commerce est pour un peuple le plus sûr moyen de s'enrichir; une nation qui veut le faire fleurir doit être laborieuse, constante, sincère, sûre, fidèle et commode pour les étrangers.
Cette citation nous change fort du mépris flagrant, et d'ailleurs affiché, pour le commerce venant des représentants de notre classe dirigeante actuelle, si républicaine qu'elle se prétende…
(cf. notre Courrier du 4 janvier).
Et dire que c'est ce roi, ami des commerçants et des artisans, que les Français, — ou plus précisément: les hommes de l'État, — ont guillotiné !
Jean Gilles MALLIARAKIS in "La lettre quotidienne des Libertés", le 5 janvier 2000
Certains secteurs sont particulièrement touchés par la fermeture d'unités de production en France, ainsi la sidérurgie licencie que ce soit chez Metaleurop ou Péchiney, le textile délocalise, l'armement va mal chez Giat Industries et la dernière mine de France ferme à Creuzwald.
La loi de l'offre et de la demande a condamné ces usines dont les coûts s'avéraient plus importants que ceux d'une concurrence désormais mondialisée, les prix qui auraient dû être augmentés pour permettre le maintien de ces unités se révèlent déjà trop élevés au goût des acheteurs. Ces fermetures sont-elles logiques, une plus large intervention de l'Etat n'aurait-elle pas pu sauvegarder ces activités sur le territoire français, était-ce souhaitable ?
Nous répondrons en examinant dans une première partie l'influence du libre fonctionnement du marché sur ces secteurs, puis en rendant compte des actions possibles de l'Etat pour maintenir l'activité, nous verrons dans une troisième partie les conséquences de l'intervention publique.
Que les conditions de la concurrence pure et parfaite soient ou non remplies, il suffit qu'aucun marché ne soit incontestable pour que l'aiguillon de la concurrence produise ses effets. Les demandeurs sur le marché sont des maîtres exigeants, ils décident par leurs actes d'achat de qui se développera et de qui périclitera ou disparaîtra. Il reste aux offreurs à s'adapter ou encore à faire des paris sur les goûts à venir des consommateurs en innovant et en prenant ainsi une longueur d'avance sur leurs concurrents. D'ailleurs ils n'ont pas le choix, garantir toujours un prix et qualité qui leur attire une clientèle est la condition de leur survie, ils aimeraient bien se débarrasser de la concurrence, ils s'accordent d'ailleurs quelquefois avec elle pour maintenir leurs marges, quand bien même ils ne peuvent empêcher un concurrent potentiel de s'introduire sur leur marché et de remettre en cause leur position en offrant mieux. La main invisible fait donc son ouvrage, concurrence parfaite ou non, et celle-ci contribue bien à satisfaire l'ensemble de la société par la satisfaction des intérêts particuliers de chacun.
Non contente de seulement déterminer un prix d'équilibre pour chaque chose, la loi du marché oriente les offreurs vers les biens et services les plus demandés, elle les dissuade de gaspiller des ressources pour produire ce qui l'est déjà en excédent.
La surproduction n'est donc pas possible puisque les biens ou services dont l'offre excède la demande connaîtront une baisse de prix qui découragera les producteurs, ceux qui persisteraient alors à ne pas changer de production devraient survivre en proposant des prix plus faibles (offre supérieure à demande donc baisse des prix). Or, ceci n'est possible qu'à la condition de pouvoir baisser la rémunération des facteurs de production, les salaires devront donc être revus à la baisse ainsi que la rémunération des capitaux. Il est fort probable qu'alors les associés ou actionnaires chercheront à placer leurs capitaux ailleurs pour s'assurer un taux de profit supérieur, que les salariés rechercheront de nouveaux emplois à moins qu'ils n'acceptent une baisse de leur salaire... Enfin si cela demeure possible, car le salaire est rigide à la baisse et les charges sociales importantes ne permettent pas aux entreprises de diminuer significativement le coût de la masse salariale comme cela serait possible dans une économie libre de marché, en réalité ce sera le chômage pour les salariés des secteurs en perte de vitesse.
Par contre d'autres secteurs recrutent, notamment dans le domaine des nouvelles technologies et plus largement dans les services, cela signifie que la demande de travail y est forte, mais aussi celle de capitaux. Travail et capitaux dans la mesure de leur mobilité s'orienteront donc vers les secteurs où la demande est la plus forte par rapport à l'offre, la demande ne déterminant pas seulement les prix d'équilibres mais aussi les productions à développer selon les besoins exprimés.
Le marché permet donc de placer les facteurs de production là où ils sont le plus utiles pour satisfaire les besoins de la population.
Le textile n'est pourtant pas en perte de vitesse partout puisqu'il délocalise. Pourquoi ne le serait-il que dans les pays développés ? C'est que la demande recherche le prix le plus faible, pourquoi acheter un pull français si le même fabriqué en Pologne coûte moitié moins cher ?
La concurrence ne touche donc pas seulement les producteurs de biens et de services, elle s'exerce sur tous les marchés y compris sur ceux des capitaux et du travail. Mondialisation oblige, ces marchés sont désormais mondiaux, les investisseurs placeront leurs capitaux là où les perspectives de profit sont les plus importants et là où le prix du travail, c'est-à-dire le salaire est le plus faible à rapport qualité-prix semblable.
A cet égard la France est très chère en matière de travail non qualifié, les secteurs en perte de vitesse mais aussi ceux faisant appel à une main d'œuvre non qualifiée sont donc condamnés dans ce pays au profit notamment des secteurs nécessitant une main d'œuvre qualifiée, laquelle demeure relativement peu chère et très productive.
Le fonctionnement du marché peut évidemment être modifié par l'intervention de l'Etat. La volonté de maintenir l'emploi dans des secteurs sinistrés fonde la politique industrielle française.
La préoccupation est ici sociale et nationale, concernant Giat Industries par exemple, le ministère de l'industrie et celui de la défense considèrent que la France doit conserver son pôle d'armement sur le territoire français.
L'intervention pourra se faire de plusieurs façons différentes.
Ainsi la baisse des prix se faisant sous la pression de la concurrence, il suffira d'écarter cette concurrence notamment étrangère par des mesures protectionnistes au moyen de certifications européennes exigées, de taxes à l'importation ou de quotas, même si le protectionnisme a beaucoup reculé dans le cadre de l'OMC. Le résultat ce protectionnisme est de bloquer l'importation de produits concurrents ou de maintenir leur prix à des niveaux supérieurs à ceux des produits français, en conséquence l'activité des secteurs non compétitifs pourra se maintenir et le pouvoir d'achat des consommateurs français sera amputé.
Il sera possible aussi de permettre à des entreprises françaises de maintenir ou de développer leurs exportations non compétitives par le moyen de subventions à l'exportation, l'Etat compensera donc la différence entre le prix de vente à l'exportation et le prix souhaité par l'exportateur, ainsi une paire de sabot rendue compétitive au prix de 10 € mais dont les coûts de production sont de 12 € pourra bénéficier d'une subvention à l'exportation d'au moins 2 € la paire.
A l'exportation ou intérieure la subvention est le moyen le plus direct de maintenir l'emploi. La concurrence impose un prix plus faible que celui qu'il est possible de pratiquer ? L'Etat interviendra alors pour prendre à son compte la baisse des prix, pour amoindrir les coûts de production ou, plus radical encore, pour nationaliser et compenser directement les pertes par le budget de l'Etat.
En ce qui concerne la compensation de la baisse des prix, le principe est le même que pour les subventions, le prix du produit redeviendra compétitif mais payé en partie par les contribuables comme dans tous les cas de subventions dans lesquels le transfert de la charge de paiement se fait de l'acheteur au citoyen. Le financement des aides au coût de production se fait de manière semblable : l'aide à l'investissement dans les secteurs sinistrés se réalise par des franchises d'impôt et de taxes diverses, l'aide à la création et au maintien de l'emploi par des allègements de charges sociales compensées par l'Etat auprès des organismes de la Sécurité sociale.
Enfin si tout cela ne suffit pas à développer les investissements et à maintenir l'emploi sinistré, la nationalisation sera envisagée, la production sera alors assurée de la recherche du profit et quelques soient les pertes réalisées.
Des salaires faibles, une concurrence déloyale contre laquelle l'Etat souhaite protéger les salariés français et étrangers.
L'argument est social et moral, cependant le protectionnisme se fait à l'encontre des intérêts des salariés étrangers, lesquels n'acceptent ces faibles salaires que parce qu'ils demeurent tout de même plus élevés que tout ceux auxquels ils peuvent prétendre dans leur pays (eux aussi sont attirés par les rémunérations les plus importantes), de plus la dynamique du marché pousse les salaires du Tiers-Monde à la hausse avec l'augmentation de la délocalisation (demande de plus en plus importante de travail de la part des entreprises multinationales implique hausse des salaires). Les capitaux étrangers sortant de France pour s'investir sur place participent aussi au développement économique local.
Maintenir les investissements et l'emploi dans des secteurs peu compétitifs, ce dessein n'est pas impossible et effectivement un volontarisme politique permet de peser sur les orientations qu'indique le marché.
Le prix en tant que vecteur d'information sur le marché ne sera plus un prix de marché libre, il en résulte nécessairement une modification de la structure de la production et de l'allocation des ressources. La Politique Agricole Commune européenne avant la réforme de 1992 passait par une subvention des prix agricoles à la production, les prix ont été maintenus artificiellement au-dessus des prix d'équilibre au moyen d'achats publics. Achats indispensables à la stabilité des cours car l'offre sur le marché était supérieure à la demande donc poussait à la baisse des prix agricoles.
L'offre de produits agricoles ne s'est donc pas tarie, au contraire les agriculteurs ont augmenté leurs rendements et créé une formidable surproduction dont une partie passée en achats publics a été détruite face aux limites des infrastructures de stockage. La rémunération des investisseurs et des salariés agricoles n'a pas encouragé la reconversion vers d'autres secteurs non subventionnés pour lesquels les besoins en capitaux et en main d'œuvre non satisfaits maintiennent une pénurie donc des prix élevés.
La Politique Agricole Commune a dû être révisée afin de mettre fin à la surproduction et être remplacée par un revenu garanti pour les agriculteurs plaçant une partie de leurs terres en jachères, la production a donc pu baisser pour mieux s'adapter à la demande, les revenus de cette activité sont cependant restés stables, y gelant des facteurs de production. Gel permettant la maintien d'une rémunération non en rapport avec l'utilité sociale dans la mesure où le marché libre supposerait que le salaire ou le profit augmentent en adéquation avec la hausse de cette utilité, c'est-à-dire la capacité à répondre à une demande en augmentation.
L'intervention de l'Etat sur le marché peut a priori se justifier socialement dans le cas où sa carence aboutirait à des faillites et des licenciements dans les secteurs d'activités en perte de compétitivité.
Cependant toute intervention dans un mécanisme que personne ne régit véritablement mais qui résulte d'une myriade de décisions individuelles sur les marchés des biens et services, du travail, des capitaux, possède de profonds effets pervers qui viennent gripper cette fragile mécanique.
Dans un marché libre, l'intérêt général résulterait de la recherche par chacun de son intérêt particulier, mais ici la capacité d'intervention de l'Etat sur le marché favorise l'intérêt particulier de l'offreur non compétitif contre l'intérêt des consommateurs, des contribuables, des autres secteurs d'activités privés des facteurs de productions bloqués dans le secteur aidé et désavantage même les salariés maintenus dans leur emploi, lesquels devront tôt ou tard acquérir une formation pour se reconvertir, quant aux salariés se formant pour entrer dans des métiers condamnés à terme, ils seront peut être les exclus de demain.
Xavier COLLET, le 8 mai 2004