La
science économique en tant que telle est purement descriptive et
ne peut pas en tant que telle fournir de normes, mais :
pour exister en tant que science
elle doit présupposer comme normes la recherche de la vérité
et supposer la rationalité d'autrui ;
pour exister en tant que science
économique, elle doit reconnaitre sa raison d'être qui est
de distinguer les actes créateurs des actes de destruction ;
il s'agit bien de n'importe quelle
création et non pas seulement de production matérielle ou
marchande, les malentendus à ce sujet n'étant que de mauvaises
raisons pour disqualifier la science économique là où
elle pourrait être nécessaire ;
il se trouve que tout acte juste
est créateur, alors que tout acte injuste est destructeur : les
solutions pratiques de la science économique sont les mêmes
que celles de la philosophie politique.
En revanche, toute injustice, toute violation de la propriété naturelle, détruit le lien entre le porteur d'un projet et ses possessions, qui donnait leur valeur à ces dernières ; en outre toute remise en cause de la propriété, sur quelque richesse que ce soit, met en branle un processus de rivalité pour le butin où les efforts faits pour s'emparer de l'enjeu consomment de la richesse à la hauteur de celle qui a été ou sera volée - c'est la Loi de la destruction totale, aussi appelée Loi de Bitur-Camember. "Mettre en cause la propriété c'est la détruire" est donc une proposition vraie dans tous les sens du terme, le sens économique comme le sens juridique.
Pourquoi tant de libéraux sont économistes
Cette correspondance rigoureuse entre acte juste et acte productif, entre injustice
et destruction, explique que tout économiste compétent qui n'est
pas libéral est un cynique, ou alors déteste ses semblables. Elle
peut aussi expliquer pourquoi la plupart des libéraux sont économistes
: il est vrai que tout grand philosophe qui a su réfléchir
aux notions de création, de violence, de destruction, de consentement,
de responsabilité, est capable de retrouver la propriété
naturelle comme critère ultime de justice ; cependant, tout philosophe
n'est pas assez grand pour cela, et c'est au moins le cas de tous ceux
qui sont tombés dans les pièges de la sophistique étatiste,
parce qu'elle leur présentait une causalité sociale fausse qu'ils
n'avaient pas appris, comme ils l'auraient dû», à démasquer
comme telle - un exemple en est la "Doctrine sociale de l'Eglise" qui,
en tant que conception de la causalité sociale, continue à
postuler des relations qui n'existent pas et à en méconnaître
d'autres qui, elles, existent.
De
sorte que, dans la pratique, la plupart des gens deviennent libéraux
en apprenant la science économique. Parce que celle-ci donne d'abord
l'occasion de se rendre compte que certaines politiques ou institutions
de l'étatisme n'ont pas l'effet que leur prêtent leurs partisans,
mais le plus souvent un effet inverse : par exemple elle volent les pauvres
au profit des riches alors qu'on prétend et qu'on croit le contraire.
Ensuite, parce qu'elle permet de démontrer qu'aucune de ces politiques
et institutions ne peut avoir l'effet que leur prêtent, ou font
semblant de leur prêter, ceux qui les approuvent - notamment parce que
l'argent public finit toujours dans des poches privées, et que la
redistribution politique est toujours faite par les puissants, aux dépens
des faibles. Enfin, ayant commencé à lire les auteurs qui affirmaient
cela depuis des lustres, on finit par trouver les raisonnements qui rappellent
que si ces politiques, si ces institutions étatistes ne peuvent
pas faire ce que tout le monde croit "bien" et ne font que le "mal", c'est
parce qu'elles sont injustes, criminelles. "Rappellent", parce qu'on aurait
dû le savoir depuis toujours : si elles le sont, injustes et criminelles,
c'est parce quen volant les faibles au profit des puissants, elles violent
la justice naturelle telle que chacun la connaît et la reconnaît
comme telle dans sa vie normale, c'est-à-dire quand il ne se rêve
pas en homme de l'Etat.
Ces deux faits : que toute injustice est pure destruction, sans aucun profit
réel pour personne, et que la plupart des gens qui s'opposent à
l'injustice sont ceux qui ont compris cela, est ce qui explique la persistance,
en dépit de son manque de rigueur logique, de la notion de Libéralisme
économique - manque de rigueur parce que ce dernier n'est pas distinct
de la philosophie politique libérale, et aussi parce que celle-ci
peut logiquement se passer de lui même si, en pratique, on voit
bien que seuls les grands philosophes y parviennent.
C'est aussi ce qui explique qu'un bon économiste peut être
meilleur philosophe politique qu'un philosophe moyen. L'objet de leur étude
- les conséquences de la pensée et de l'action et leurs
solutions pratiques - étant les mêmes, il s'ensuit qu'on
peut se servir de l'une pour remplacer ou pour vérifier l'autre,
identifier à chaque étape les erreurs de raisonnement de l'une
à l'aide d'un raisonnement correct formulé dans l'autre.
C'est enfin ce qui explique qu'on prête à la science économique
une capacité à justifier le libéralisme qui n'existe
en fait que si on associe à ses conclusions, lesquelles sont purement
descriptives, des énoncés normatifs qui ne lui sont pas propres
- même si, comme toute science, elle doit les présupposer.
Le Libéralisme économique n'existe donc pas en tant que doctrine
distincte, mais traduit seulement deux convictions des économistes à
condition qu'ils soient compétents :
un énoncé normatif
emprunté à la philosophie : il est bon de créer et
mauvais de détruire ;
un énoncé descriptif
issu de la science économique proprement dite, en ce qu'elle se
rapporte à sa raison d'être : la violence est pure destruction,
de sorte que la violence ne peut servir la création que dans la
mesure où elle s'oppose à une autre violence qui est, elle, destructrice.
Dénaturer les concepts politiques normatifs est l'arme numéro
1 du socialisme pseudo-démocratique
L'apport premier de la science économique consistera à dissiper
les fausses définitions et les faux concepts qui surabondent à
ce sujet dans la sophistique étatiste, et qui constituent l'arme
principale du socialisme pour violer la justice naturelle en dénaturant
le Droit.
En
particulier, le métier de l'économiste est d'apprendre à
distinguer les actes créateurs des actes destructeurs, et celui
qui n'a pas appris à le faire est un charlatan : ainsi, il n'y
a jamais de "destruction créatrice" (Schumpeter) mais une création
qui rend ses substituts moins nécessaires. Rendre moins rare une
classe d'objets, cela peut abaisser la valeur de chacun, mais cela les
laisse intacts, et les met pas moins mais davantage au service des projets
de qui que ce soit : c'est la raison même de la création,
l'inverse de la destruction.
Le métier de l'économiste implique aussi d'avoir appris à
distinguer la violence de la non-violence, et la violence destructrice
de la violence contre-destructrice - défensive ou réparatrice.
La violence agressive est destructrice, la non-violence et la violence
défensive et réparatrice servent la création - c'est
une autre manière de dire que les actes justes sont créateurs,
alors que les actes injustes sont pure destruction.
Le "libéralisme économique" rejoint évidemment à
ce titre le corps central de la philosophie politique libérale dans
sa définition d'un acte violent comme privant un autre de ce qu'il
possédait, c'est-à-dire de ce dont il pouvait compter disposer
pour servir ses projets.
Une arme essentielle de la sophistique étatiste consiste à
dénaturer cette définition, pour rationaliser la violence agressive
des hommes de l'Etat. Cette action publique doit passer pour "non-violente",
on se servira donc du mythe d'un prétendu contrat social qui serait distinct
des contrats réellement conclus qui constituent la société
civile, et la religion pseudo-démocratique et socialiste dont le
mythe central est celui de la prétendue représentation,
au nom de laquelle les puissants parlent et agissent comme si le droit
de voter des citoyens impliquait qu'ils ont consenti à ce que les
élus décident de tout à leur place, sous prétexte
qu'ils seraient leurs "représentants".
La vérité, insupportable aux adeptes de la religion pseudo-démocratique
et socialiste parce qu'elle expose le ridicule de ses prétentions
criminelles, est que le pouvoir que donne le bulletin de vote est infinitésimal,
alors que le vote quotidien, incessant sur le marché, l'exercice
permanent de sa souveraineté par le citoyen en tant que consommateur
est à 100 % efficace, parce que l'acheteur y obtient exactement
ce qu'il veut dans la mesure du possible, d'abord pour lui-même
parce qu'il repart avec ce qu'il a réellement choisi, et pour la société
parce qu'il y influence les procédures de décision dans la mesure
exacte de l'enjeu qu'ils représentent pour lui.
La vraie démocratie, c'est le marché, et tout progrès de
l'étatisme usurpe le pouvoir des citoyens et détruit la
démocratie - le socialisme est incompatible avec la démocratie
réelle définie par le seul principe qui puisse la justifier
: que chacun a le Droit de décider des affaires qui sont les siennes.
Ainsi les représentant de l'Etat reconnaissent la violence du pouvoir
d'Etat mais la prétendent "réparatrice", c'est-à-dire
qu'ils font passer pour des "agresseurs" ceux qui ne le sont pas, afin
d'empêcher qu'on identifie comme tels ceux qui le sont. Par exemple
l'Etatisme conservateur parlera de "concurrence déloyale" en l'absence
de violence et de tromperie, l'Etatisme marxiste parlera sans preuve .d'"exploitation
capitaliste", les deux parleront d'"abus de position dominante", tous
faux concepts sophistiques et mensongers, dont la seule raison d'être
est de falsifier l'interprétation morale d'un exercice paisible
du Droit de propriété pour pouvoir violer ce dernier.
Les soi-disant "économistes" qui acceptent ces fausses notions
sont évidemmment des charlatans : de même qu'un philsosophe politique,
un économiste qui n'est pas libéral est un imposteur, soit qu'il
mente sciemment, soit qu'il prétende à une compétence qu'il
n'a pas.
On remarquera que ces deux types de sophismes dénaturent la notion
de consentement, le critère central du droit comme de l'économie,
en postulant son existence en-dehors des deux conditions sans lesquelles
il n'a pas de sens, à savoir : un acte effectif de la pensée
qui acquiesce à la décision et un objet concret sur quoi cet acte
puisse légitimement porter, c'est-à-dire une propriété
dont vous ayez le Droit de disposer, et dont l'usage que vous en faites
ait des conséquences réelles pour vous.
Contrairement à toute une tradition absurdiste d'"unanimité"
au sens collectiviste, celle où tout le monde devrait demander la
permission à tout le monde pour faire quoi que ce soit, je ne peux pas
"consentir" à ce qu'un autre fasse ce qu'il veut à ce qui est
à lui, parce que je n'en ai pas le Droit.
Toute conception du consentement dépend de la notion de propriété
et toute notion d'unanimité qui ne dit pas au préalable
qui a le Droit de consentir et à quoi est un tissu de contradictions
et produit automatiquement confusion et paralysie.