Les relations interétatiques


Puisque la terre entière est partagée entre États, les relations interétatiques sont une grande préoccupation des États. Comme la tendance naturelle de l'État est d'étendre son pouvoir, cette extension peut passer par l'impérialisme. À moins qu'un territoire n'ait pas d'État ou soit inhabité, toute extension territoriale d'un État implique un conflit d'intérêt entre les dirigeants de deux États. Seuls les dirigeants d'un des États pourront obtenir le monopole de coercition sur le territoire convoité. La guerre est un risque de disparition pour les dirigeants d'un État, mais elle reste une tendance innée ponctuée de périodes de paix, d'alliances et de coalitions entre les États.

Nous avons vu que les tentatives internes de limitation des pouvoirs de l'État, du dix-septième au dix-neuvième siècle, se sont traduites par le constitutionnalisme. Les tentatives externes passent par le droit international. Une grande partie du droit international est d'origine privé, il s'agissait du droit des marchands et des commerçants destiné à protéger leurs propriétés et à arbitrer les conflits. Même les règles fixées par les États en matière de droit international seront le fruit d'accords multilatéraux, elles ne seront pas fixées par un super-État. L'objet des lois de la guerre, fut de limiter les destructions au seul appareil d'État et donc de préserver les civils innocents des massacres et des dévastations. L'objet du développement de la notion de neutralité était de préserver de la réquisition le commerce entre civils y compris sur les territoires belligérants. Toutes ces lois internationales visaient donc à limiter le champ de la guerre, en particulier ses impacts destructifs sur les civils, sur les pays neutres et même sur les pays en guerre.

Le juriste F.J.P. Veale décrivit ce type de "guerre civilisée" telle qu'elle se déroulait dans l'Italie du quinzième siècle : « Les riches marchands et négociants de l'Italie médiévale étaient trop occupés à gagner de l’argent et à profiter de la vie pour entreprendre les difficultés et des dangers de devenir soldat. Ainsi ont-ils adopté la pratique de la location de mercenaires qui combattaient pour eux, et, étant des gens économes et mercantiles, ils ont écarté leurs mercenaires immédiatement après que leurs services pouvaient être évités. Les armées des guerres étaient donc louées à chaque campagne. (…) Pour la première fois, être soldat est devenu une profession raisonnable et relativement inoffensive. Les généraux de cette période ont manoeuvré les uns contre les autres, souvent avec une compétence consommée, mais quand l’un avait gagné l'avantage, son adversaire, en règle générale, s’enfuyait ou se rendait. C'était une règle identifiée qu'une ville pourrait seulement être saccagée si elle offrait une résistance. L’immunité a pu toujours être achetée en payant une rançon. (…) La conséquence naturelle a été qu’aucune ville n'a jamais résisté, car il était évident qu'un gouvernement trop faible pour défendre ses citoyens ait renoncé à leur allégeance. Les civils ont eu peu à craindre des dangers de la guerre, qui étaient le souci des seuls soldats professionnels.»

La mise à l'écart absolue des civils lors des guerres entre États au dix-huitième siècle européen est soulignée par Robert Nef : « Même les communications postales n'ont pas été limitées longtemps durant la guerre. Les lettres ont circulé sans censure, avec une liberté qui étonne l'esprit du vingtième siècle. (…) Les sujets de deux nations belligérantes se parlaient s'ils se rencontraient, et quand ils ne pouvaient pas se réunir, correspondaient, non pas comme ennemis mais comme amis. La notion moderne selon laquelle (…) les sujets de n'importe quel pays ennemi sont partiellement responsables des actes belligérants de leurs gouvernants a à peine existé. Les gouvernants belligérants n’ont pas eu non plus l’envie d’arrêter les communications avec les sujets de l'ennemi. (...) Les passeports ont été, à l'origine, créés pour fournir un sauf-conduit en temps de guerre. Pendant la majeure partie du dix-huitième siècle, rares ont été les cas où les Européens ont abandonné leurs voyages dans un pays étranger que leur propre pays combattait.» « Et le commerce ayant été de plus en plus reconnu comme salutaire pour les deux parties, l’équilibre de la guerre du dix-huitième siècle comprend également une quantité considérable de « rapports commerciaux avec l'ennemi» .

Comment l'État a-t-il transcendé les lois de la guerre lors du dernier siècle n'est pas tant la question que de remarquer comment une guerre totale combinée à une technologie avancée de destruction ont remplacé les conflits limités au seul appareil de l'État. Lorsque les États ne sont pas en guerre, ils ratifient des traités afin de réduire au minimum les tensions.

Curieusement, les traités sont devenus choses sacrées au même titre que les contrats, bien que les traités n'aient rien à voir avec les contrats. En effet, un contrat porte sur un transfert de propriété, mais comme l'Etat ne peut prétendre être le propriétaire du territoire sur lequel il exerce sa "souverainté", aucun des traités qu'il conclut ne lui donne un titre de propriété. Si, par exemple M. Martin vend ou donne son terrain à M. Duval, l'héritier de M. Martin ne pourra légitimement réclamer à l'héritier de M. Duval le terrain cédé puisque le titre de propriété en a déjà été transféré et que ce transfert est opposable à l'héritier de M. Duval.

Mais si l'État de Ruritanie est contraint d'abandonner une part de son emprise géographique à l'État de Waaldavie, il serait absurde de prétendre que les États où les habitants n'auraient jamais le droit de prétendre à la réintégration du territoire cédé à la Waaldavie, sous prétexte de l'inviolabilité d'un traité international.

Étant donné que ni le territoire en question ni ses habitants n'appartiennent à l'un ou l'autre des États, un gouvernement ne saurait être tenu par des accords passés par un précédent gouvernement, dans la mesure où un gouvernement, à la différence d'un enfant, ne peut prétendre hériter des droits et des obligations d'un gouvernement antérieur.

1. Pourquoi parle-t-on dans le texte de "guerre civilisée".

2. Les deux dernières guerres mondialres ont-elles été des guerres civilisées, expliquez.

3. Mettez en évidence les points communs et les différences entre les traités et les contrats.