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Faut-il diriger l'économie mondiale ?


 

Qui dirige l’économie mondiale ?

 

Xavier Prégentil : Votre question suppose que l’économie doive être dirigée et effectivement lorsque dans des frontières étanches chaque gouvernement démocratique ou totalitaire pouvait faire de son peuple ce qu’il voulait, alors l’économie était bel et bien dirigée.

 

La direction la plus complète de l’économie consistait à éliminer le rôle du marché, on a cru un moment que le système socialiste à économie centralement planifié pouvait fonctionner, on s’est rendu compte plus tard de sa faillite économique, humaine et morale.

La direction de l’économie dans les sociétés démocratiques a pris les formes du keynésianisme mais désormais l’ouverture des frontières met à jour l’impuissance des politiques économiques dans l’orientation de la société.

Penser l’économie en terme politique pose d’ailleurs un problème de logique car derrière votre question s’en profile une autre : Qui dispose d’assez d’influence pour que ses décisions contribuent à orienter la mondialisation dans un sens plutôt que dans un autre ? Qui en profite et qui y perd ? La logique politique est bien celle là, ce que l’un gagne l’autre le perd. Alors que la logique économique est différente, basée sur l’échange elle suppose que chacun gagne à la transaction.

 

Maintenant pour répondre à votre question force est de constater que les États perdent de leurs pouvoirs dans le processus actuel de mondialisation et tentent de garder le contrôle au moyen des différentes organisations internationales comme l’OMC, le FMI, l’OCDE, l’ONU et ses antennes comme la très antimondialisation Cnuced, …  mais aussi à travers des organisations régionales dont la plus accomplie est l’Union Européenne.

On parle aussi beaucoup des firmes multinationales mais elles n’exercent qu’un pouvoir limité et leur course aux économies d’échelles trouve rapidement sa limite par l’endettement et les pesanteurs organisationnelles comme nous le voyons dans le cas de France Télécom, de Vivendi Universal ou encore d’AOL Time Warner.

Les gagnants actuels de la mondialisation sont en fait ceux qui échappent à la logique politique, tous ceux qui ont accès à des contrats privés gagnants-gagnants comme les consommateurs qui peuvent acheter des produits plus variés et moins chers, les entrepreneurs qui peuvent se procurer plus facilement des financements sur un marché financier mondial, les salariés plus particulièrement dans les pays les plus pauvres qui profitent de la délocalisation pour avoir accès au développement. Il n’en va pas de même pour les salariés les moins qualifiés des pays riches que l'on empêche de se reconvertir ou pour les fonctionnaires accrochés à leurs prérogatives. L’économie mondiale est une économie qui n’est plus figée, ou les positions sociales ne sont plus acquises.

 

 

Peut-on faire confiance aux institutions économiques internationales pour maîtriser ces nouveaux pouvoirs ?

 

XP : Un pouvoir peut être juste ou injuste, il ne faut le maîtriser que s’il est injuste et la réglementation n’est justifiée que pour instaurer une justice plus grande.

 

Quels pouvoirs se développent donc : ceux des entreprises et des individus à travers un marché plus libre et davantage régulé par l’économie de marché que par les réglementations étatiques. Dans un tel contexte, contrairement à ce que certains prétendent, la recherche par les uns de l’augmentation de leurs profits s’accompagne de l’augmentation du bien-être des autres grâce à la répartition de valeurs ajoutées plus importantes.

 

Le pouvoir des États nationaux n’est pas si équitable, les injustices restent possibles, elles peuvent même se développer car des pays peuvent s’appauvrir au nom de politiques économiques aberrantes. On voit bien en France, par exemple, l’influence des charges et de la fiscalité sur la trappe à la pauvreté et l’exclusion du marché du travail des salariés les moins qualifiés.

 

A ce niveau l’Union Européenne peut s’avérer utile quand elle ouvre les marchés ou permet le choix d’alternatives en matière de protection sociale. De même les institutions économiques internationales comme le FMI interviennent en prêtant aux États en difficultés permettent de palier à de graves crises économiques sous conditions de politiques économiques d’ajustements (baisse des déficits budgétaires, de l’inflation, désendettement), c’est ainsi que des pays comme la Pologne ou la Hongrie peuvent se développer rapidement après une douloureuse phase de transition.

 

Certains s’en sont pris à ces politiques et accusent ainsi les organismes internationaux d’être à la solde du néolibéralisme. C’est idiot, mais il faut effectivement se méfier des ces organismes qui permettent aussi aux États les plus puissants de se réfugier derrière des barrières protectionnismes sous le généreux et fallacieux prétexte de normes sociales et environnementales.

 

 

Quelles sont les autres priorités d’une mondialisation maîtrisée ?

 

XP : La mondialisation maîtrisée est un autre nom pour caractériser une motivation essentielle des organisations étatiques internationales qui est la gouvernance mondiale. Considérant que des politiques des États se heurtent à des fuites de capitaux et d’activité des acteurs économiques, il est question de mener ces politiques au niveau mondial pour créer ce super-Etat auquel rien n’échappe.

 

La création d’un impôt mondial appelé taxe Tobin entre dans cette logique et serait le premier acte de ce gouvernement mondial. Le principe de cette taxe consiste en un prélèvement fiscal sur les mouvements internationaux de capitaux dans le but avoué de les décourager. Ceci suppose par conséquent que les mouvements de capitaux soient néfastes alors qu’en réalité ils financent les grandes aventures industrielles qui portent la croissance mondiale. Ce qui gène en réalité les thuriféraires de cette taxe est que les transferts de capitaux sanctionnent les gouvernements qui gèrent mal leur économie et profitent à ceux qui gèrent mieux la leur. L’existence de cette taxe suppose bien une autorité politique unique dans le monde, à défaut il se trouverait toujours des États pour ne pas appliquer la taxe et se transformer ipso facto en paradis fiscaux. Le nouvel ordre mondial annihilerait non seulement les souverainetés fiscales, mais devrait aussi réglementer sévèrement les communications électroniques, Internet en particulier, qui sont autant de vecteurs des mouvements de capitaux. (d'après Guy Sorman)

 

 

Peut-on trouver des forces politiques pour faire avancer ces priorités ?

 

XP : Le marché est l’organisme naturel de coordination de myriades de choix individuels, il est le véritable pouvoir du peuple et s’oriente à partir décisions que nous réalisons librement. La mondialisation libérale est donc tout sauf un choix politique dans la mesure où les orientations définies par le marché peuvent ne pas satisfaire des clientèles politiques particulières auxquelles les hommes de l’État doivent leur pouvoir.

Ainsi le protectionnisme français en matière agricole permet de ne pas perdre le vote du lobby puissant des paysans, le marché libre permettrait cependant aux agriculteurs du Tiers-Monde de vivre de leur métier et aux consommateurs français de payer leurs produits moins chers. Il impliquerait une reconversion des paysans français vers des productions rentables. Mais comme le monde n’est pas une marchandise, l’État tutélaire est là pour protéger ses soutiens au détriment du reste de la population. Ce système perdure tant que chacun croit pouvoir vivre aux dépens de ses voisins par la grâce du législateur.

 

Alors oui, la plupart des forces politiques s’organisent pour conserver leurs pouvoirs et présenter leurs intérêts particuliers - à ne pas évoluer - comme l’intérêt général.

 

 

Les questions déplacées dans l'esprit étaient celles d'Alternatives Économiques, les réponses réorientées étaient bien évidemment Libertariennes, Paris, le 29/04/2002.

 


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