L'épargne est il un préalable à l'investissement ?


 

La mise en relation théorique d'agents à capacité de financement avec des agents à besoins de financement, que ce soit par l'intermédiaire des banques ou par celle des marchés financiers suppose la constitution préalable d'une épargne, ou création monétaire dans le cas des banques.

Les fonds prêtés constitués par l'épargne devront donc alimenter l'investissement.

 

Les sociétés non financières sont considérées comme possédant structurellement des besoins de financement. Ces besoins de financement évoluent cependant dans le temps. Il est possible de les retracer à partir de l'évolution du taux d'autofinancement que l'on comparera au taux de marge et au taux d'investissement.

En rappelant que :

Taux de marge = (EBE/VA) x 100

Taux d’autofinancement = (EBE/FBCF) x 100

Taux d’investissement = (FBCF / VA) x 100

 

Taux de marge des entreprises non financières (en %)
 
Taux d'investissement et taux d'autofinancement (en %)
 

INSEE :  Note de conjoncture - Investissement - mars 2003 et résultats des entreprises - décembre 2004

 
 
Que peut-on observer ?
 
On suppose qu'un taux de marge confortable devrait permettre d'autofinancer les investissements des entreprises, effectivement le taux de marge conditionne les profits réalisés par l'entreprise. En conséquence la dégradation du taux de marge devrait freiner la capacité d'une entreprise à s'autofinancer.
On peut voir les deux graphiques correspondant à l'évolution du taux de marge et celui du taux d'autofinancement mais leur horizon temporel diffère.
Le taux d'autofinancement en 1997-1998 avoisine puis dépasse les 100 %, ce qui signifie que les EBE suffisent alors à financer les investissements permettant aux entreprises de n'avoir recours ni aux marchés financiers ni à l'endettement pour se financer, ceci correspond à une période où le taux de marge se fixe au-dessus de 40 % (part de la VA qui rémunère le capital). A la suite de cette période, le taux de marge diminue vers les 39 % en 2003 alors que le taux d'autofinancement passe à 65 % à la même date.
 
Le taux d'investissement de 1998 jusqu'en 2001 connaît une évolution inverse, passant de 17,5 à 19 %. Cela signifie que les entreprises financent de plus en plus leurs investissements par l'endettement et le marché financier. L'épargne préalablement constituée par l'entreprise n'est donc pas une condition première de son investissement, elle répond là à une période de reprise de la demande effective marquée par une hausse de la consommation et des exportations. Les marchés permettent par ailleurs de financer ces efforts d'investissement car l'épargne mondiale est très mobile. La baisse de l'investissement depuis 2001peut aussi s'expliquer par une baisse de la compétitivité donc des exportations.
 
 
Principe de sacrifice ou principe de dépense ?
 
 Les investissements d’aujourd’hui seront les profits de demain, commentez
 
Le principe de sacrifice postule que l'épargne doit être préalable à l'investissement. Ce qui suppose qu'elle soit conditionnée par un taux de marge suffisant d'où le fameux théorème d'Helmut Schmidt (voir lien hypertexte ci-dessus). Mais le recours à des financements externes ne permet pas de dire qu'une épargne ne préexiste pas aux investissements, seulement il s'agit d'une épargne recyclée sur les marchés financiers.
 
Bien sûr le système bancaire peut aussi financer ces investissements par la création monétaire au risque de l'inflation selon la théorie quantitative de la monnaie (MV = PQ - si la croissance de la masse monétaire excède la croissance de la production alors il en résulte de l'inflation). Pour Keynes, qui voulait remplacer le principe de sacrifice par le principe de dépense, ce n'est pas grave puisqu'il pensait que l'investissement n'était avant tout conditionné que par le niveau de la demande effective.
Ce principe de la dépense va jusqu'à faire de l'épargne l'ennemie de l'investissement puisque l'épargne limite la demande donc agit négativement sur la demande anticipée par les entreprises. La dépense est donc pour Keynes le moteur de l'investissement.

Lire "le prophétisme", "de la propension à consommer" et "de l'égalité de l'épargne et de l'investissement" dans 39 leçons d'économie contemporaine

1. Pourquoi les grands commis de l'Etat ont-ils été séduits par la théorie keynésienne ?

Car le keynésianisme donne un rôle important à l'Etat, sans lui pas d'équilibre de plein emploi. Ils peuvent relancer l'économie en jouant sur l'effet multiplicateur et les anticipations de la demande effective des entrepreneurs.

2. Comment Keynes considère-t-il l'épargne ?

Pour Keynes l'épargne est le résidu de la consommation, elle se constitue naturellement sous sa forme thésaurisée et n'a pas besoin d'être récompensée par un taux d'intérêt. En effet, Keynes montrera que le taux d'intérêt rémunère la renonciation à la liquidité, or beaucoup épargnent sous forme liquide dans des comptes à vue non rémunérés (thésaurisation). Ce qui prouverait que l'épargne n'est pas un choix délibéré visant une rémunération. Keynes fait donc de la dépense et non de l'épargne la source de l'enrichissement.

3. L'augmentation de l'investissement implique-t-il l'encouragement de l'épargne selon Keynes ?

Keynes raisonne en économie fermée, ce qui nous donne les identités suivantes :

R = Y = C + I

S = R - C

Donc R = C + I = C + S donc S = I

L'épargne est donc égale à l'investissement. Il n'est pas nécessaire pour Keynes de stimuler les taux d'intérêt pour accroître l'épargne. Il faudrait au contraire baisser les taux pour stimuler les investisseurs lesquels trouveront toujours à financer leur épargne.

Mais attention là encore on raisonne en économie fermée, ce qui n'est plus possible de nos jours.