L'épargne
est il un préalable à l'investissement ?
La
mise en relation théorique d'agents à capacité de financement avec des agents
à besoins de financement, que ce soit par l'intermédiaire des banques ou par
celle des marchés financiers suppose la constitution préalable d'une épargne,
ou création monétaire dans le cas des banques.
Les fonds prêtés
constitués par l'épargne devront donc alimenter l'investissement.
Les sociétés non
financières sont considérées comme possédant structurellement des besoins de
financement. Ces besoins de financement évoluent cependant dans le temps. Il est
possible de les retracer à partir de l'évolution du taux d'autofinancement que
l'on comparera au taux de marge et au taux d'investissement.
En rappelant que :
Taux de marge = (EBE/VA) x 100
Taux d’autofinancement = (EBE/FBCF)
x 100
Taux d’investissement = (FBCF / VA) x 100
Taux de marge des entreprises non
financières (en %)
|
Taux d'investissement et taux
d'autofinancement (en %)
|
Que peut-on observer
?
On suppose qu'un taux de
marge confortable devrait permettre d'autofinancer les investissements des
entreprises, effectivement le taux de marge conditionne les profits réalisés
par l'entreprise. En conséquence la dégradation du taux de marge devrait
freiner la capacité d'une entreprise à s'autofinancer.
On peut voir les deux
graphiques correspondant à l'évolution du taux de marge et celui du taux
d'autofinancement mais leur horizon temporel diffère.
Le taux
d'autofinancement en 1997-1998 avoisine puis dépasse les 100 %, ce qui
signifie que les EBE suffisent alors à financer les investissements permettant
aux entreprises de n'avoir recours ni aux marchés financiers ni à
l'endettement pour se financer, ceci correspond à une période où le taux de
marge se fixe au-dessus de 40 % (part de la VA qui rémunère le capital). A la
suite de cette période, le taux de marge diminue vers les 39 % en 2003 alors
que le taux d'autofinancement passe à 65 % à la même date.
Le taux d'investissement
de 1998 jusqu'en 2001 connaît une évolution inverse, passant de 17,5 à 19 %.
Cela signifie que les entreprises financent de plus en plus leurs
investissements par l'endettement et le marché financier. L'épargne
préalablement constituée par l'entreprise n'est donc pas une condition
première de son investissement, elle répond là à une période de reprise de la
demande effective marquée par une hausse de la consommation et des
exportations. Les marchés permettent par ailleurs de financer ces efforts
d'investissement car l'épargne mondiale est très mobile. La baisse de
l'investissement depuis 2001peut aussi s'expliquer par une baisse de la
compétitivité donc des exportations.
Principe de sacrifice
ou principe de dépense ?
Le principe de sacrifice
postule que l'épargne doit être préalable à l'investissement. Ce qui suppose
qu'elle soit conditionnée par un taux de marge suffisant d'où le fameux
théorème d'Helmut Schmidt (voir lien hypertexte ci-dessus). Mais le recours à
des financements externes ne permet pas de dire qu'une épargne ne préexiste
pas aux investissements, seulement il s'agit d'une épargne recyclée sur les
marchés financiers.
Bien sûr le système
bancaire peut aussi financer ces investissements par la création monétaire au
risque de l'inflation selon la théorie quantitative de la monnaie (MV = PQ -
si la croissance de la masse monétaire excède la croissance de la production
alors il en résulte de l'inflation). Pour Keynes, qui voulait remplacer le
principe de sacrifice par le principe de dépense, ce n'est pas grave puisqu'il
pensait que l'investissement n'était avant tout conditionné que par le niveau
de la demande effective.
Ce principe de la
dépense va jusqu'à faire de l'épargne l'ennemie de l'investissement puisque
l'épargne limite la demande donc agit négativement sur la demande anticipée
par les entreprises. La dépense est donc pour Keynes le moteur de
l'investissement.
Lire
"le prophétisme", "de la propension à consommer" et "de l'égalité de l'épargne
et de l'investissement" dans 39 leçons d'économie contemporaine
1. Pourquoi les grands
commis de l'Etat ont-ils été séduits par la théorie keynésienne ?
Car le keynésianisme donne
un rôle important à l'Etat, sans lui pas d'équilibre de plein emploi. Ils
peuvent relancer l'économie en jouant sur l'effet multiplicateur et les
anticipations de la demande effective des entrepreneurs.
2. Comment Keynes
considère-t-il l'épargne ?
Pour Keynes l'épargne est
le résidu de la consommation, elle se constitue naturellement sous sa forme
thésaurisée et n'a pas besoin
d'être récompensée par un taux d'intérêt. En effet, Keynes montrera que le taux
d'intérêt rémunère la renonciation à la liquidité, or beaucoup épargnent sous
forme liquide dans des comptes à vue non rémunérés (thésaurisation). Ce qui prouverait que
l'épargne n'est pas un choix délibéré visant une rémunération. Keynes fait donc
de la dépense et non de l'épargne la source de l'enrichissement.
3. L'augmentation de
l'investissement implique-t-il l'encouragement de l'épargne selon Keynes ?
Keynes raisonne en
économie fermée, ce qui nous donne les identités suivantes :
R = Y = C + I
S = R - C
Donc R = C + I = C + S
donc S = I
L'épargne est donc égale à
l'investissement. Il n'est pas nécessaire pour Keynes de stimuler les taux
d'intérêt pour accroître l'épargne. Il faudrait au contraire baisser les taux
pour stimuler les investisseurs lesquels trouveront toujours à financer leur
épargne.
Mais attention là encore
on raisonne en économie fermée, ce qui n'est plus possible de nos jours.