Dissertation

À travers vos connaissances et l'analyse des documents fournis, vous déterminerez dans quelle mesure il est possible de justifier l'intervention de l'État pour orienter le consommateur vers ce qui lui est utile.


 

Pour déterminer le plan et les éléments de la dissertation, chaque document fait l'objet d'une explication (partie en italique).

 

Document 1

 

Un bien tutélaire est un bien dont l'offre est soumise au contrôle des pouvoirs publics. Ces biens tutélaires peuvent exercer soit des effets positifs (la formation), soit des effets négatifs (le tabac). Dans les deux cas, leur impact n'est pas clairement mesuré par le consommateur, qu'il en bénéficie ou qu'il en subisse la nuisance. L'Etat doit donc obliger à certaines consommations collectives. En effet, en l'absence d'obligation, de nombreux consommateurs s'y soustrairaient : c'est le cas, par exemple, de l'éducation ou de la santé. Inversement l'Etat doit en limiter d'autres (consommation de tabac) en raison de leur nocivité.

 

Economie Générale, Philippe Le Bolloch - Yvon Le Fiblec,  Edition, Bertrand Lacoste, 1999

 

Le concept de bien tutélaire est destiné à légitimer l'Etat dans son rôle de prescripteur d'utilité. Le consommateur n'est pas considéré comme conscient des conséquences de certaines de ses consommations, il jugerait mal de leur nuisance ou de leur bienfaits sur lui-même à moyen et long terme, ainsi que sur la collectivité. Les pouvoirs publics considèrent ainsi que l'éducation et la formation ont une implication positive dans le développement général du niveau de vie de la population mais que certains individus pourraient vouloir s'y soustraire ou soustraire leurs enfants, peu soucieux qu'ils sont de leur avenir ou non persuadé de l'utilité de l'éducation nationale. De même l'usage des drogues, du tabac et de l'alcool, voire de l'automobile nuisent à la santé et à l'équilibre général de la population alors que ces substances sont considérées utiles par ceux qui en font usage, l'Etat se charge donc, pour notre bien et celui de la collectivité, de nous décourager par l'interdiction ou la taxation.

La logique de production de services non marchands peut aussi, en partie, se comprendre par l'incapacité des individus à formuler des choix de consommation conformes à l'intérêt général, faute de consommer ce que l'Etat prescrit ils deviennent donc usagers de services publics et soumis à des prélèvements obligatoires par le biais des taxes, impôts et cotisations sociales, il en reste qu'il devient difficile voire impossible d'estimer l'utilité de ces services pour chacun, considérant ce que coûtent en réalité les services non marchands les usagers auraient ils accepté d'en payer directement le prix, et cette gratuité ne conduit-elle pas à la traditionnelle  surconsommation médicale ?

Le concept de biens tutélaires suppose donc un consommateur  myope, capable seulement capable de juger de ce qui lui est utile dans l'immédiat tout en se désintéressant des retombées collectives de sa consommation. Ceci implique une philosophie particulière de l'homme et peut conduire à sa mise sous tutelle plus complète concernant certains de ses choix, on parle ainsi d'interdire les 4x4 en ville, de faire contribuer davantage à la sécurité sociale ceux qui s'adonnent à des sports dangereux, pourrait-on imaginer que les restaurateurs soient un jour obligé d'exiger un certificat médical avant de servir des plats à risque en cholestérol ? Ici la prise en charge collective de certaines prestations, notamment celle de Sécurité sociale implique un contrôle sur les conduites à risque de chacun pouvant menant à une société aseptisée.

L'incitation ou l'obligation à certaines consommations peut aussi poser problème, le gouvernement n'étant pas omniscient l'utilisation obligatoire de l'amiante dans les bâtiments publics dans un souci anti-incendie a causé aujourd'hui de nombreux cancers de la plèvre. L'obligation à la vaccination contre l'hépatite dans certaines professions a également entraîné des cas de sclérose en plaque, le traitement aux hormones de croissance en cas de nanisme a entraîné des encéphalopathies spongiformes.  L'Etat se substitue-t-il donc toujours à bon escient à notre libre arbitre ?

 

Document 2

 

Le politique permet d'imposer des choix au nom de l'intérêt général, il importe peu que ces choix résultent d'un processus démocratique ou de la volonté de quelques technocrates. Le marché résulte des choix d'une myriade d'individus en fonction de la subjectivité de leurs besoins. A l'heure de la mondialisation, alors que la déréglementation permet une concurrence de plus en plus importante et que les choix des consommateurs s'élargissent au monde entier, il devient urgent pour le politique de restaurer son pouvoir contre le marché, on comprendra alors que le libre choix de l'individu soit mis en doute et qu'on le présente comme manipulé. Il appartient donc au politique d'éclairer le consommateur égaré.

 

David Friedman

 

On voit ici que l'Etat veut influer sur l'utilité au nom des intérêts à long terme de chacun et de l'intérêt général.

Et l'Etat ce sont aussi des hommes soumis à des groupes de pression pour leur réélection ou pour leur maintien au pouvoir sans troubles si nous ne nous situons pas dans un régime démocratique. Les biens prescrits ne le sont-ils pas pour satisfaire les intérêts particuliers de certains ? Le contrôle technique automobile tous les deux ans a -t-il fait la preuve de son efficacité sur la sécurité routière ? La redevance télévisuelle qui rémunère le service public audiovisuel correspond-elle à un intérêt de la collectivité ?

La mondialisation permet à la logique de l'échange, la logique marchande de ne plus connaître de frontière grâce à une concurrence des offreurs devenue internationale. Les individus peuvent donc exercer davantage leur liberté de choix avec la déréglementation mettant fin à de nombreux monopoles de services public et le développement de multinationales se substituant à des offres de monopoles. Ces possibilités de choix démultipliées redonnent le pouvoir au consommateur de déterminer par lui-même ce qui lui est utile. Mais le consommateur face à tant de possibilité de choisir n'est-il pas égaré ou encore manipulé par les offreurs qui rivalisent d'inventivité pour le séduire ? Cette possibilité de consommer autrement de nombreux produits et services étrangers n'est-elle pas dangereuse pour l'économie nationale... Le politique peut donc réintervenir par des mesures discrètes de protectionnisme, exemple de l'exception culturelle française, il s'appuie là sur la frange des minorités (fonctionnaires et producteurs) qui ont à perdre à l'exercice de souveraineté des consommateurs égoïstes et égarés.

La mondialisation devient ainsi un sujet polémique, les "politiques" lui collent une mauvaise image afin de conserver leur contrôle au profit de minorités agissantes. Elle symbolise aussi des choix vulgaires : émissions de tv réalité étrangère, malbouffe et gadgets inutiles fabriqués dans des conditions sociales inéquitable.

 

Document 3

 

Si le peuple pense mal, changeons le peuple !

 

Berthold Brecht

 

Le dramaturge Brecht était communiste et partisan de l'Allemagne de l'Est. Les marxistes considèrent que la nature humaine doit être changée afin de mettre fin à l'égoïsme et à la recherche du profit individuel. Pour eux l'utile doit être décidé en fonction de ce qui serait utile non à l'individu mais à la collectivité, une avant-garde du prolétariat (les membres du parti communiste) fixera donc les orientations de la société et ce qui convient au peuple. L'idéal serait que chaque individu se plie à ce qui est décidé par ses représentants et opte de lui-même en faveur de ce qui serait décidé utile à la collectivité. Une fois que chaque individu recherchera l'utilité collective sans y être contraint alors la société sera dans sa phase communiste.

 

Document 4

 

Le citoyen moyen ne voit pas plus loin que la page des sports de son quotidien habituel et que son écran de Star Ac’. Asocial et égocentrique, son unique préoccupation est la satisfaction de ses besoins immédiats. La banalisation de la médiocrité, de l’égoïsme, de la violence, de la paresse et du vandalisme lui fait perdre le sens des valeurs qui constituent le fondement même de toute vie en collectivité et de la paix civile : effort, responsabilité, initiative, solidarité, civisme, courage.

 

Roger Hourmac, site de l'Assemblée Générale Interpro, 2003

 

Ici encore l'individu est myope et à la recherche de son seul intérêt individuel, l'auteur synthétise ici la conception de l'homme qu'ont ceux qui pensent qu'il est ennemi de l'intérêt général. L'utilité en tant que notion subjective est ici moquée et rabaissée.

 

Document 5

 

Dans pratiquement tous les manuels et traités d'enseignement économique, l'initiative est censée appartenir au consommateur. Pour répondre à ses besoins innés ou à ceux qui lui sont imposés par son environnement, il achète biens et services sur le marché. Les possibilités qui en résultent de gagner plus ou moins d'argent sont le message que lance le marché aux entreprises de production. Celles-ci réagissent au message, donc, en dernière analyse, aux ordres du consommateur. Les ordres vont dans un seul sens : de l'individu au marché, puis du marché au producteur. Tout cela est proclamé, et de façon appropriée, par une terminologie qui implique que le consommateur est la source de tout pouvoir. C'est ce qu'on appelle le règne du consommateur. [...] Le sens unique dans lequel cheminent les ordres du consommateur au marché, puis du marché au producteur peut se définir: la filière normale, ou classique. [...]

La grande entreprise moderne a sous la main les moyens d'exercer une action sur les prix auxquels elle vend comme sur ceux auxquels elle achète. Elle a également les moyens de manœuvrer le consommateur, notamment par la publicité, pour qu'il achète aux prix dont elle est maîtresse. [...]

Il s'ensuit que la filière classique correspond de moins en moins à la réalité. Au contraire, c'est l'entreprise de production qui pousse ses tentacules pour contrôler ses propres marchés, bien mieux, pour diriger le comportement de marché et les attitudes sociales de ceux qu'apparemment elle sert. Pour ce phénomène, il nous faut aussi trouver un nom : celui de filière inversée paraît approprié. 

 

John Kenneth Galbraith, Le Nouvel État industriel.

 

Galbraith remet en cause la vision libérale de la souveraineté du consommateur qu'il appelle filière classique et dans laquelle les producteurs ne peuvent se développer qu'en satisfaisant les besoins des consommateurs. Ce schéma correspond à celui de la main invisible.

Galbraith soutient que le consommateur est manipulé par la grande entreprise, sa filière inversée suppose que le consommateur se voit dicté ses besoins par l'entreprise donc ce qu'il ressent comme lui étant utile ne vient en réalité pas de lui. On peut donc se dire que si le consommateur est conditionné par la publicité des entreprises, il n'est qu'une marionnette qu'il est possible de le conditionner autrement et de façon plus "utile pour la société". Il légitime donc la volonté des politiques consistant à reprendre le contrôle du consommateur en dénigrant des choix qui ne seraient pas "citoyens" (utile à la collectivité) comme par exemple se détourner d'EDF ou de FT pour choisir des multinationales concurrentes ou encore consommer des biens considérés comme futiles, non essentiels, non utiles à la société mais vantés par la publicité (les anti-pubs se retrouvent d'ailleurs dans une défense des prérogatives du politique).

 

Document 6

 

Les manuels parlent souvent de la "souveraineté du consommateur", sans que l'on comprenne très bien, d'ordinaire, toutes les implications de ce terme. Cette souveraineté est une souveraineté absolue. Moi, et moi seul, décide ce qui est utile. Même l'inutile, mon caprice peut le transformer en utile si je le désire. Certes, on pourra toujours dire que l'individu subit toutes sortes d'influences publicitaires, familiales, sociales, religieuses, culturelles, même patriotiques, qu'il est confronté à toute une série d'interdits. Mais en définitive, c'est lui qui décide. Du moins l'économiste pose le postulat qu'il est libre. Un postulat, ça ne se démontre pas. On pourrait partir d'un autre postulat. Mais celui de l'économiste, c'est celui de la liberté de l'homme, que nous acceptons vous et moi. Pourrions nous en choisir un autre ?

La liberté ne se prouve pas, elle s'éprouve. On ne peut rien pour ceux qui ne se sentent pas libres, qui se croient déterminés. On peut seulement leur dire : d'après votre point de vue, votre connaissance du déterminisme est elle-même déterminée, vous ne pouvez pas réviser votre jugement, soit, mais vous ne pouvez pas non plus réviser mon propre jugement sans faire appel à mon libre arbitre !

 

Philippe Simonnot, 39 leçons d'économie contemporaine, 1998

 

Simonnot défend la souveraineté du consommateur et la subjectivité de la notion d'utilité. Il ne dément pas que nous pouvons subir des influences dans nos choix, qu'elles viennent de la publicité, de notre milieu familial, etc ... Mais c'est aussi ainsi que se construisent nos goûts et nos envies, l'Etat nous influence aussi bien sûr mais s'il était tellement capable de nous conditionner il n'aurait pas besoin de biens tutélaires. On suppose donc que l'homme est libre et seul capable de déterminer ses besoins, il sait donc ce qui lui est utile et prétendre que l'Etat peut déterminer ce qui nous est utile est un non-sens puisque l'utilité varie d'une personne à l'autre. En réalité l'Etat prétend savoir ce qui nous est utile selon la vision subjective qu'ont nos gouvernants de ce qui est utile à la société. Imposer ainsi ce qui leur semble utile en n'utilisant non pas une certaine influence, mais des taxes et des contributions obligatoires (ce que ne peuvent pas faire les producteurs) revient à mettre en cause gravement le libre arbitre de chacun au nom d'un prétendu intérêt général qui ne serait pas la somme de tous les intérêts particuliers mais l'intérêt particulier de ceux qui influencent les décisions de l'Etat.

 

 

Introduction

Accroche : La société de consommation est pour beaucoup synonyme d'une société donnant libre cours à nos envies les plus futiles, une société dans laquelle l'avoir compte plus que l'être.

Définition : En admettant ce goût qui serait le nôtre pour le superflus, il n'en reste pas moins que nos consommations reflètent la valeur que nous attachons à chaque chose, l'utile est ce qui satisfait nos besoins.

Problématique : Mais nos besoins tels que nous les éprouvons ne sont-ils pas fugaces, résultat d'un besoin éphémère, en clair nous profitent-ils véritablement et correspondent-ils vraiment au bien de la société ?

Annonce du plan : Si tel n'est pas le cas il nous faudra bien admettre que nous nous serions pas les plus qualifiés pour déterminer ce qui est utile, nous devrions alors nous en remettre à l'Etat, seul garant de l'intérêt général. C'est ce point de vue que nous illustrons avant d'en examiner les limites.

 

I. L'Etat, prescripteur d'utilité

A. Le consommateur égaré

    - L'embarras du choix

La mondialisation permet à la logique de l'échange, la logique marchande de ne plus connaître de frontière grâce à une concurrence des offreurs devenue internationale. Les individus peuvent donc exercer davantage leur liberté de choix avec la déréglementation mettant fin à de nombreux monopoles de services public et le développement de multinationales se substituant à des offres de monopoles. Ces possibilités de choix démultipliées redonnent le pouvoir au consommateur de déterminer par lui-même ce qui lui est utile. Mais le consommateur face à tant de possibilité de choisir n'est-il pas égaré ou encore manipulé par les offreurs qui rivalisent d'inventivité pour le séduire ? Cette possibilité de consommer autrement de nombreux produits et services étrangers n'est-elle pas dangereuse pour l'économie nationale, se payant de chômage et d'invasion culturelle étrangère ? Engouement pour les produits US, Japonais ...

    - La filière inversée

Galbraith soutient que le consommateur est bien égaré, plus exactement il est manipulé par les multinationales. Sa filière inversée suppose que le consommateur se voit dictés ses besoins par les producteurs donc ce qu'il ressent comme lui étant utile ne vient en réalité pas de lui. On peut donc se dire que si le consommateur est conditionné par la publicité des entreprises, il n'est qu'une marionnette, qu'il est possible de le conditionner autrement et de façon plus "utile pour la société". Il légitime donc la volonté des politiques consistant à reprendre le contrôle du consommateur en dénigrant des choix qui ne seraient pas "citoyens" (utile à la collectivité) comme par exemple se détourner d'EDF ou de FT pour choisir des multinationales concurrentes ou encore consommer des biens considérés comme futiles, non essentiels, non utiles à la société mais vantés par la publicité (les anti-pubs se retrouvent d'ailleurs dans une défense des prérogatives du politique).

 

B. L'individu, beauf et  égoïste

    - Les désirs chaotiques de l'individu

Laissé seul face aux séductions de la marchandise, l'individu est sujet à des impulsions qu'il peut regretter, ses besoins varient rapidement et ce qui avait de la valeur peut ne plus en avoir, il peut aussi à terme regretter les conséquences de certains choix notamment dans le cas de produits addictifs (ex : les procès de fumeurs contre Reynolds aux USA)

    - Les atteintes à l'intérêt général

Des externalités négatives peuvent résulter de certaines consommations, risque pour les tiers de la conduite en état d'ivresse, le goût des sports dangereux pour impliquer des frais payer par la collectivité au travers de la Sécurité sociale, ...

    - La nature humaine peut et doit être changée

Désirs chaotiques et atteintes à l'intérêt général sont logique dans la mesure où la nature de l'homme est mauvaise. Ainsi, les marxistes considèrent que la nature humaine doit être changée afin de mettre fin à l'égoïsme et à la recherche du profit individuel. Pour eux l'utile doit être décidé en fonction de ce qui serait utile non à l'individu mais à la collectivité, une avant-garde du prolétariat (les membres du parti communiste) fixera donc les orientations de la société et ce qui convient au peuple. L'idéal serait que chaque individu se plie à ce qui est décidé par ses représentants et opte de lui-même en faveur de ce qui serait décidé utile à la collectivité. Une fois que chaque individu recherchera l'utilité collective sans y être contraint alors la société sera dans sa phase communiste.

 

C. L'Etat doit donc orienter le consommateur vers ce qui lui est utile

    - Les biens tutélaires

Sans aller jusqu'au projet communiste, nos sociétés considèrent que l'Etat connaît les conséquences de certaines consommations que ce soit pour l'individu ou la collectivité, il exerce une tutelle sur certains biens appelés biens tutélaires. Ces biens sont ceux dont les effets sont négatifs à ceux pour lesquels ils apparaissent utiles, le tabac ou l'alcool par exemple, ils sont également nuisibles à la collectivité car la socialisation de la santé fait que tous paient pour réparer les dommages causés. L'Etat dissuadera donc ces consommations par des campagnes financées par le contribuable mais aussi des taxes, le prix de ces biens augmentant ils pourront ne plus être considérés comme utile pour certains au prix qu'ils atteignent. Mais les biens tutélaires sont aussi ceux dont les externalités sont positives, l'éducation par exemple, qui permet d'augmenter les qualifications dont le niveau de vie de tout un pays, là encore certains ne sont pas conscients de l'utilité de l'éducation, il faudra donc rendre ce service gratuit et obligatoire.

    - Développer les services non-marchands

Les biens tutélaires dont les conséquences positives ne sont pas évidentes pour tous seront pris en charge par la collectivité et proposés gratuitement que leur caractère soit ou non obligatoire, on parlera alors de services publics comme la santé gratuite, l'éclairage des rues, les routes. Le consommateur devient usager et bénéficiera de ces services indépendamment de sa contribution fiscale ou sociale.

 

Transition

Il en reste qu'il devient difficile voire impossible d'estimer l'utilité de ces services pour chacun, considérant ce que coûtent en réalité les services non marchands les usagers auraient ils accepté d'en payer directement le prix, et cette gratuité ne conduit-elle pas à la traditionnelle  surconsommation médicale ?

 

II. L'infantilisation du consommateur au nom d'intérêts qui cachent leur nom

A. L'Etat connait-il l'intérêt de la société ?

    - Vers une société aseptisée ?

Le concept de biens tutélaires suppose donc un consommateur  myope, capable seulement capable de juger de ce qui lui est utile dans l'immédiat tout en se désintéressant des retombées collectives de sa consommation. Ceci implique une philosophie particulière de l'homme et peut conduire à sa mise sous tutelle plus complète concernant certains de ses choix, on parle ainsi d'interdire les 4x4 en ville, de faire contribuer davantage à la sécurité sociale ceux qui contribuent au déséquilibre de ces caisses, pourrait-on imaginer que les restaurateurs soient un jour obligé d'exiger un certificat médical avant de servir des plats à risque en cholestérol ? Ici la prise en charge collective de certaines prestations, notamment celle de Sécurité sociale implique un contrôle sur les conduites à risque de chacun pouvant menant à une société aseptisée.

    - L'utilité vue par l'Etat conduit-elle vraiment à l'intérêt général ?

Et l'Etat ce sont aussi des hommes soumis à des groupes de pression pour leur réélection ou pour leur maintien au pouvoir sans troubles si nous ne nous situons pas dans un régime démocratique. Les biens prescrits ne le sont-ils pas pour satisfaire les intérêts particuliers de certains ? Le contrôle technique automobile tous les deux ans a -t-il fait la preuve de son efficacité sur la sécurité routière ? La redevance télévisuelle qui rémunère le service public audiovisuel correspond-elle à un intérêt de la collectivité ?

    - Cela supposerait un Etat composé de surhommes omniscient

L'incitation ou l'obligation à certaines consommations peut aussi poser problème, le gouvernement n'étant pas omniscient l'utilisation obligatoire de l'amiante dans les bâtiments publics dans un souci anti-incendie a causé aujourd'hui de nombreux cancers de la plèvre. L'obligation à la vaccination contre l'hépatite dans certaines professions a également entraîné des cas de sclérose en plaque, le traitement aux hormones de croissance en cas de nanisme a entraîné des encéphalopathies spongiformes.  L'Etat se substitue-t-il donc toujours à bon escient à notre libre arbitre ?

 

B. Le politique et l'intérêt général

    - Résister à la "libération" du consommateur ?

Pourquoi l'Etat s'entête-t-il donc de plus à plus à se rappeler à notre souvenir en insistant sur les faillites du marché ? C'est à dire l'incapacité de l'économique, basé sur la logique de l'échange en fonction de l'utilité à réaliser l'intérêt général. Son objectif est de permettre au politique de réintervenir par des mesures discrètes de protectionnisme, exemple de l'exception culturelle française, il s'appuie là sur la frange des minorités (fonctionnaires de service en voie de déréglementation et producteurs non rentables face à une concurrence étrangère "déloyale") qui ont à perdre à l'exercice de souveraineté des consommateurs "égoïstes et égarés" et dont les revenus découlent plus facilement de la protection que du service rendu.

La mondialisation devient ainsi un sujet polémique, les "politiques" lui collent une mauvaise image. Elle symbolise aussi des choix vulgaires : émissions de tv réalité étrangère, malbouffe et gadgets inutiles fabriqués dans des conditions sociales inéquitable.

    - Définir rigoureusement l'utilité

Face à "l'utilité citoyenne" Simonnot défend la souveraineté du consommateur et la subjectivité de la notion d'utilité. Il ne dément pas que nous pouvons subir des influences dans nos choix, qu'elles viennent de la publicité, de notre milieu familial, etc ... Mais c'est aussi ainsi que se construisent nos goûts et nos envies, l'Etat nous influence aussi bien sûr mais s'il était tellement capable de nous conditionner il n'aurait pas besoin de biens tutélaires. On suppose donc que l'homme est libre et seul capable de déterminer ses besoins, il sait donc ce qui lui est utile et prétendre que l'Etat peut déterminer ce qui nous est utile est un non-sens puisque l'utilité varie d'une personne à l'autre. En réalité l'Etat prétend savoir ce qui nous est utile selon la vision subjective qu'ont nos gouvernants de ce qui est utile à la société. Imposer ainsi ce qui leur semble utile en n'utilisant non pas une certaine influence, mais des taxes et des contributions obligatoires (ce que ne peuvent pas faire les producteurs) revient à mettre en cause gravement le libre arbitre de chacun au nom d'un prétendu intérêt général qui ne serait pas la somme de tous les intérêts particuliers mais l'intérêt particulier de ceux qui influencent les décisions de l'Etat.

 

Conclusion

Synthèse : Mandeville a montré dans la Fable des Abeilles il y a plus de 300 ans que les vices privés faisaient la fortune générale, montrant à rebours que des besoins devenus vertueux conduisaient à la ruine de la ruche. La mise sous tutelle de consommateurs trop humains par des pouvoirs publics trop divins ne conduit donc pas à cet intérêt général mais répond à d'autres considérations et à une vision inquiétante de la nature humaine.

Ouverture : Il n'en reste pas moins que les individus sont influencés dans leurs choix et réalisent quelquefois des calculs regrettables, mais est-il alors permis de considérer que le prix du libre-arbitre est que nous portons seul la responsabilité de nos choix.Le ménage doit faire des choix.

 


 

Pour aller plus loin on peut rajouter le texte suivant et transformer le sujet :

"Les choix collectifs sont ils plus éclairés que les choix individuels" ?

Les questions suivantes peuvent nous aider à développer un argumentaire :

Avons-nous consenti en France à un pacte avec l'État ?

En quoi un tel pacte consiste-t-il à renoncer à une liberté contre une sécurité ?

Montrez que cette sécurité n'est pas vraiment assurée (vous pourrez expliquer par exemple le risque que la Sécurité sociale pose à l'ensemble de la collectivité).

Quels choix pouvons nous faire en matière de services publics ?

 

Document 7

 

Une fois son revenu gagné, le ménage doit choisir entre la consommation et l'épargne.

Mais à l'intérieur même de ces choix, il doit décider de son épargne. Il peut placer ses économies dans l'immobilier, les actions ou les produits bancaires classiques, mais comment savoir quel placement est le meilleur.

Il peut confier cet arbitrage à des professionnels, mais comme il y a de bons et de mauvais professionnels, il doit encore choisir entre eux.

Le ménage doit aussi décider de sa consommation et donc répartir la partie consommée de son revenu disponible entre logement, alimentation, santé, loisirs et culture. C'est toujours une grande responsabilité ; et le ménage peut évidemment se tromper. Il est donc tentant de fuir de telles responsabilités. Mais ces choix sont assez répétitifs, ces répétitions sont autant d'occasions d'apprendre.

 

Le choix est une prise de risque mais le risque est l'instrument de l'apprentissage. Certes devant la peur de se tromper, devant la peur de prendre de mauvaises décisions, le ménage peut être tenté de troquer sa liberté contre de la sécurité. Il peut confier la gestion de son épargne à un professionnel et il aura le choix entre différentes banques.

De fait, comme un individu ne peut pas tout faire lui-même. Il fait appel aux autres en payant le prix des différents biens et services qu'il acquiert et qui seront produits par d'autres. C'est pourquoi le marché existe. En achetant un service comme un conseil financier, par exemple, le ménage conserve du même coup sa liberté.

Mais, s'il refuse les contraintes imposées par le marché, et notamment le fait qu'il faille y mettre un prix, il peut conclure un pacte avec l'État. Par ce pacte, le ménage accepte de se faire ponctionner - directement et indirectement - une partie de son revenu par l'État lequel lui fournira en échange des biens et services publics.

Ce faisant, l'État se substitue insidieusement au marché. Par ce pacte passé avec l'État, le ménage perd définitivement une liberté qu'il conserve toujours en s'en remettant au marché. La marge de ses choix possibles se rétrécit dans la mesure du prélèvement effectué par l'État. En effet, cette partie du revenu est collectivisée ainsi que sa gestion. En contrepartie, l'individu bénéficie d'une offre de biens et services publics.

 

Arrêtons-nous un instant sur ce pacte. Lorsque des biens et des services publics existent, le ménage n'a plus à se poser la question de la santé, de l'éducation ou de sa retraite par exemple. C'est à l'État d'y répondre. Le ménage est soulagé d'autant de responsabilités.

Ces choix privés sont transférés au niveau collectif : ils deviennent politiques.

On parle alors de santé publique ou de politique de la santé par exemple, ou encore de politique de l'éducation. Le ménage n'a donc plus à se soucier de certains aspects qui contribuent à la qualité de sa vie : ils seront pris en charge par la collectivité. Ils sont sous la responsabilité des décideurs politiques et de l'administration.

Ce faisant, le ménage fait confiance aveuglément à l'État. Par exemple, il n'aurait plus à se soucier de mettre de l'argent de côté pour sa retraite car celle-ci serait garantie par la Sécurité sociale.

Pourtant, dans ce processus le risque individuel n'a pas disparu. Il a tout simplement été transféré. Mais ce n'est pas non plus un simple transfert car, dans ce processus, il a été transformé en risque collectif.

 

Allons un peu plus loin. Lorsque je choisis une voiture (ou un restaurant, une banque, une assurance, …), je peux toujours me tromper. C'est pourquoi j'ai aussi la possibilité de changer : il y existe un marché de voitures. Je suis en droit d'espérer que toutes les voitures ne sont pas défaillantes et que, parmi l'offre de voitures, il en existe au moins une à mon goût. Ma préférence pour telle ou telle marque me guidera dans ma décision.

Par contre, je n'ai pas le choix de l'école publique ou de ma retraite alors même que je subis un risque collectif : si la gestion publique s'avère défaillante, je ne pourrais pas me retourner. Si la Sécurité sociale fait faillite, les individus n'auront rien mis de côté comptant sur un système qui leur a fait croire qu'ils avaient acquis des droits. En se privant de la liberté de choix, on se prive non seulement d'une partie de son revenu : mais on agrandit l'espace de la gestion publique laquelle neutralise les éléments régulateurs qui sont inhérents au marché (prix, faillite, réallocation des ressources).

Ce faisant, on multiplie l'espace du risque collectif face auquel l'individu n'a aucun recours.

 

Jean-Louis Caccomo, La Troisième Voie, 2006