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L'ultime défi

L'ultime défi



Un principe s'est établit en France - avec la complicité sans égale des médias et de l'éducation nationale - en vertu duquel tout marché libre est nécessairement défaillant alors que l'action de l'Etat est par nature réparatrice et bienveillante. Ce principe est loin d'être nécessairement vrai sauf à considérer, de manière un peu naïve, que les hommes et femmes de l'Etat sont dotés d'un sens inné du bien public et d'une capacité surhumaine de compréhension et d'anticipation des faits économiques et sociaux qui leur permettraient de connaître et d'appliquer les politiques économiques les plus efficaces, et ce sans délai. Personne ne croit à cette chimère.

Pourtant, les secousses financières ou les soubresauts de la conjoncture économique sont toujours l'occasion, pour les partisans de l'interventionnisme à tout crin, de ressasser le refrain de l'inacceptable « dictature des marchés ». Sauf à pervertir le sens des mots, il est bon de rappeler que ce qui définit la dictature, c'est précisément la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d'un seul individu : de la sorte, un seul individu est en mesure d'imposer sa volonté à tous les autres. En économie, cela donne le monopole, lequel n'existe qu'à l'abri de la réglementation. Ainsi, le monopole, comme la dictature, est le fait du prince. Le marché est tout le contraire : c'est un lieu abstrait où sont en interaction les décisions de millions d'individus, lesquels sont libres de faire des choix et de prendre des décisions alors qu'aucun d'entre eux n'a de pouvoir sur les autres. Et pour que les marchés fonctionnent, il faut justement que les individus soient libres de prendre les décisions qui reflètent leurs préférences et intègrent leurs contraintes. C'est tout le contraire d'une dictature qui nie tout espace de liberté individuelle. Le marché n'avait pas de sens dans la Chine de Mao et il était clandestin dans la Russie des Soviets.

De ce point de vue, le F.M.I ou la Banque Mondiale, institutions financières internationales visées par les terroristes, ne sont en rien le bras armé de cette dictature imaginaire. Le F.M.I manipule des fonds publics en les mettant à disposition de pays dont la légitimité et l'efficacité des politiques économiques sont plus que douteuses. Faire porter la responsabilité de la crise russe aux spéculateurs internationaux est commode mais c'est oublier un peu rapidement que la Russie, dotée de richesses naturelles incomparables, a été épuisé par 75 années d'économie administrée. De son côté, la crise des pays d'Asie du Sud-Est apparaissait bien moins comme la faillite programmée du marché que comme l'inévitable sanction des complicités qui se sont nouées entre les ministres, les militaires, les banquiers et les industriels dans des régimes autocratiques.
 

Siège du FMI

Pendant des décennies, le F.M.I. a distribué de l'argent public sans être regardant sur l'utilisation de ces milliards. Aussi a-t-il déverser des dizaines de milliards de dollars à la Russie, qui n'ont certes pas amélioré le sort du peuple russe mais ont grandement enrichi la mafia locale. Et ce sont encore par milliards de dollars que les fonds du FMI ont été distribués à l'Afrique, sous couvert d'aide au développement depuis les années 60, sans qu'on s'interroge jamais sur l'efficacité d'une telle action. Point de dénonciation. Il était plus commode d'imputer à « l'échange inégal », à la « mondialisation libérale » - tellement décriée aujourd'hui - et à l'impérialisme capitaliste le sort des nations africaines.

Pourtant, l'ouverture aux échanges internationaux a fait plus pour le sort des peuples des pays en développement que la charité dévoyée des institutions internationales. L'actuel secrétaire général de l'O.M.C., d'origine thaïlandaise, l'a tellement bien compris qu'il se donne comme objectif de faire tomber les subventions agricoles du Nord (USA, Europe et Japon) qui sont autant de remparts au libre-échange contribuant à maintenir la pauvreté dans le Sud. C'est bien là l'ultime défi.

L'Etat - ou toute autre institution publique - n'est pas une entité abstraite. Il est incarné et organisé pas des individus caractérisés par des motivations, des intérêts et des stratégies particulières. La multiplication des interventions et des dépenses publiques n'est pas le résultat de prétendues défaillances du marché mais résulte le plus souvent des activités de « recherche de rente » des individus qui attendent de l'Etat une redistribution des revenus en leur faveur. C'est cette activité de recherche de rente qui finit par dérégler tout le fonctionnement de l'économie en même temps qu'elle pervertit les esprits. Des esprits corrompus ne font pas un pays prospère.



Jean-Louis CACCOMO, le 3 août 2004

 


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