la loi de Bitur-Camember ?
C'est une des illusions
couramment entretenues sur la redistribution politique que de s'imaginer que,
parce qu'elle est une forme impunie du vol, celle-ci serait forcément payante.
L'illusion
naît probablement du fait que les voleurs illégaux doivent subir
toutes sortes de coûts, lesquels amènent à conclure que le
crime ne paie pas : coûts de dissimulation, d'armement, d'évasion,
d'emprisonnement, risques d'être blessé voire tué ; en revanche,
lorsque la spoliation est légale, elle garantit l'impunité aux voleurs,
leur économisant tous ces coûts-là . Elle exalte même
les receleurs, les faisant passer pour des victimes de la société
et se donnant pour une forme supérieure de justice
. Serait-ce alors
que le crime paie toujours pourvu qu'il soit commis par les hommes de l'Etat ou
avec leur complicité ?
C'est là qu'il faut détromper les candidats au pillage légal et leur expliquer pourquoi. La redistribution politique ne peut pas en soi être une meilleure affaire que les autres - parce que la concurrence, à la longue, fait toujours disparaître les bonnes affaires : il n'y a pas de profit certain, il n'y en a jamais. Toute occasion de profit est immédiatement exploitée par ceux qui l'ont perçue, et ce jusqu'à sa disparition. En conséquence, le profit ne s'acquiert que par chance, ou parce qu'on a su mieux prévoir que les autres. C'est vrai par définition du profit, et c'est d'ailleurs le point de départ de tout raisonnement financier, celui dont découlent tous les autres, pour ceux qui ont besoin de raisonner sur des investissements. (...)
(...) Si l'impunité du pillage étatique épargne certains coûts à ceux qui s'y livrent, ce qu'on oublie le plus souvent c'est que la rivalité pour le partage de son butin n'en sera que plus féroce. C'est à ce moment-là , au moment du partage, que disparaîtra l'avantage présumé que son impunité apporte à ce type de vol. Car ceux qui peuvent espérer une part de ce butin-là feront, pour s'en emparer plutôt que les autres, d'autant plus d'efforts que le pillage est public et le recel impuni, et ces efforts, chacun les fera à la mesure de la part de butin qu'il espère en obtenir, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de différence entre ce que cela coûte et ce que cela rapporte de voler les autres. C'est cela qui fait disparaître le profit espéré de la redistribution politique : la rivalité pour le partage du butin. C'est donc un crime qui ne paie pas plus que les autres, et pas davantage non plus qu'une activité honnête. Une fois que l'injustice étatique a nié la propriété des produits, elle n'a fait que les livrer à la foire d'empoigne de la redistribution politique, et cela condamne à disparaître le profit que certains pensaient en tirer - mais cela a aussi pour conséquence, le plus souvent méconnue, que la richesse qu'ils représentent sera détruite au cours des efforts faits pour s'en emparer.
Une fois que les hommes de l'État ont nié la propriété d'une richesse, il ne faut pas oublier que toutes sortes de gens peuvent mettre la main dessus : il suffit d'être bien placé - cela, on le verra, n'exclut pas forcément les propriétaires légitimes -; et pour obtenir cette bonne place on aura mis en oeuvre toute une stratégie, fait toutes sortes de sacrifices, renoncé à une autre carrière, constitué des alliances, bref lancé force entreprises et dépensé maintes richesses sans autre but que de pouvoir accéder à la distribution du butin le moment venu.
Jusqu'où chacun aura-t-il intérêt à investir de la sorte dans la redistribution politique ? Si la part de butin qu'on espère avec incertitude est moindre que les ressources qu'on devrait sacrifier pour s'en emparer, cela n'en vaudra pas la peine. En revanche, tant que la part de butin espérée dépasse les ressources employées pour l'obtenir, on trouvera son intérêt à investir davantage dans la redistribution politique. En somme, chacun investira dans la redistribution politique jusqu'à ce que la part de butin qu'il s'attend avec incertitude à recevoir équivaille aux ressources employées pour l'obtenir.
Cependant, et c'est un fait essentiel pour qui se soucie de distinguer
la production de la destruction, la richesse qu'on obtient de la redistribution
politique, ce n'est pas cet investissement-là, l'investissement dans la
redistribution politique qui l'a produite : c'est un autre investissement, celui
qu'avait fait la victime, un vrai investissement celui-là, car
c'est lui seul qui a créé la richesse volée, qui a engendré
sa capacité à servir les projets humains. Les
investissements
faits pour obtenir la richesse politiquement redistribuée
ne sont pas nécessaires pour produire cette richesse et ils en seraient
bien incapables ; ils ne sont donc des investissements
que pour ceux qui
les ont faits, en vue du butin qu'ils espéraient en tirer. En revanche,
pour la production authentique - celle qui crée les produits en rendant
les êtres et les choses capables de servir les hommes - ils n'en sont pas
du tout.
Conséquence logique et massive pour l'idée qu'on se fait du patrimoine productif global ainsi que pour le jugement qu'on peut porter sur les statistiques officielles qui n'en rendent aucun compte : pour toute richesse redistribuée par les hommes de l'État, il aura fallu détourner de la production réelle une richesse équivalente, pour la pseudo-investir dans la lutte pour ce butin, c'est-à-dire dans les démarches, l'intrigue, la propagande, la corruption et la violence nécessaires pour affronter la rivalité des autres prétendants au partage.
On en trouvera une preuve dans l'écart entre l'ampleur de
ce que les politiciens volent - légalement ou illégalement, c'est
secondaire - et le peu qu'ils réussissent à garder pour eux-mêmes.
On voit dès lors où gît l'illusion dans le sophisme des corrompus
de la politique quand ils disent : je ne suis pas un
voleur parce que je ne me suis pas enrichi personnellement.
Aucune
activité, que celle-ci soit voleuse ou honnête, légale ou
illégale, ne garantit l'enrichissement. L'individu qui se défend
de la sorte est évidemment un voleur, mais un voleur qui, pour pouvoir
voler, pour accéder au pouvoir de voler les autres face à la rivalité
des autres prétendants, a dû beaucoup dépenser, sacrifiant
la plupart du butin à sa campagne, ou à son parti.
Il ne faut pas non plus oublier les victimes désignées de ladite spoliation légale : dans la redistribution politique, ces victimes-là ne sont pas entièrement impuissantes; elles peuvent s'organiser, défiler, protester, ou au contraire s'évader, à l'étranger ou dans l'illégalité. Chacun de ces choix leur coûte quelque chose, et ces coûts, elles consentent à les subir pour pouvoir disposer d'une richesse - richesse qui se trouve leur appartenir mais que l'injustice des hommes de l'État a livrée à la foire d'empoigne de la redistribution politique. Mais les choix de lutte contre la spoliation ne seront pas moins des pseudo-investissements, parce qu'ils ne sont évidemment pas nécessaires pour produire ni capables de le faire, et qu'on ne les fait qu'à cause de la redistribution politique : c'est pourquoi, même si, quand ils réussissent, ils permettent aussi de produire davantage, il faut les porter en tant que tels au compte des destructions que celle-ci engendre nécessairement. (...)
(...) Par conséquent la redistribution politique tend naturellement, et inéluctablement, à détruire l'intégralité des richesses dont elle s'empare, ou son équivalent : c'est donc presque exactement à l'ampleur même de la redistribution politique que s'évalue la richesse que cette même redistribution politique détruit. (...)
Bitur-Camember ?
Il s'agissait de trouver à cette loi, que nous avons démontrée ici, un nom qui illustre le fait que jusqu'à présent, les économistes - et a fortiori les comptables nationaux - n'avaient pas tiré toutes les conséquences des pseudo-investissements qu'on est obligé de faire dans la redistribution politique pour en obtenir les butins, et surtout n'avaient pas fait fait appel au raisonnement économique pour évaluer leur ampleur.
En somme, il fallait trouver une appellation qui traduise l'erreur de comptabilité majeure de ceux qui raisonnent sur la redistribution politique comme si elle pouvait durablement détruire moins qu'elle ne vole, parce qu'ils ne se sont pas demandés comment ce serait possible, alors que justement nous venons, pour nous être posé la question, de démontrer que ce ne l'est pas, que la redistribution politique tend à détruire l'équivalent de toute richesse dont elle s'empare, comme déduction directe et nécessaire du fait, reconnu par tous, qu'il ne peut pas exister de profit certain.
Nous avons
vu dans cette erreur logique, consistant à croire que la redistribution
politique pourrait durablement détruire moins qu'elle ne vole, une
analogie irrésistible avec les conceptions scientifiques du sergent
Bitur, telles qu'il les faisait connaître au sapeur Camember : m'ferez
quatre jours pour n'avoir pas creusé le deuxième trou assez
grand pour pouvoir y mettre sa terre avec celle du premier trou.
(...)
François GUILLAUMAT et Georges LANE
1.
Expliquez ce qu'est le vol légal, pourquoi parler de vol et pourquoi serait-il
légal ?
2.
Dans le cas du vol légal, selon les auteurs, qui sont les voleurs et qui
sont les receleurs "victimes de la société" ?
3.
Le bénéfice du pillage nécessite-t-il à proprement
parler des investissements ?
4.
Donner des exemples de stratégies qui permettent de capter une part
des richesses prélevées par l'État, indiquer des organisations
dont l'objet est la mise en place de telles stratégies.
Stratégies basées sur la justice sociale, sur
les grandes causes, sur la discrimination positive. La stratégie
peut être individuelle, refuge dans la trappe à la pauvreté
en dissimulant son activité, mais perte d'opportunité d'une
carrière. Organisations : DAL par exemple, ou encore Emmaüs,
taxe sur le textile.
5.
En quoi y-a-t-il un choc des investissements entre receleurs et créateurs,
quel en est le résultat ? La
destruction des richesses créées
6.
Quelle phrase dans le texte fait référence à des phénomènes
décrits par Arthur Laffer au sujet de la fameuse courbe ?
7.
Comptabiliser l'ensemble des pseudo-investissements qu'impose la redistribution
étatique, à quoi équivalent-ils ?