Alternatives Economiques à l'école

histoire de paille et de poutre

L'assaut des mercantiles

Mais c’est un vrai scandale me souffle une lecture, l’école n’est plus l’école, ce temple sacré du refus de la société de consommation, dont les gardiens sont d’anciens soixante-huitards non repentis, plie devant l’assaut des mercantiles. Horreur, mais heureusement l’affaire ne se passe pas encore en France mais en Grande-Bretagne, là-bas des entreprises privées, que dis-je des multinationales, donnent de l’argent pour acquérir des équipements scolaires et pédagogiques. Dieu c’est inouï, donner de l’argent c’est déjà vouloir acheter tant il est vrai que timeo Danaos et dona ferentes.

Et l’auteur de l’article n’hésite pas à livrer un nom à la vindicte populaire.

Cadbury Schweppes a offert 13 millions d’euros d’équipements sportifs dans une école anglaise, mais il ose demander des preuves d’achat de ses barres chocolatées pour continuer à pousser la générosité, on se croirait revenu à l’époque du plan Marshall lequel avait osé reconstruire l’Europe de l’ouest avec des équipements américains.

Quand on pense que de plus en plus le même type de drague est fait auprès des établissements de notre bel hexagone.

Pas cher le bourrage de crâne, pas cher !!!

Indubitablement l’entreprise la plus présente dans le monde de l’éducation et particulièrement autour des enseignements d’économie, de droit, de gestion, mais aussi de géographie, d’histoire, d’éducation civique, est la coopérative Alternatives Economiques. Beaucoup d’enseignants en lycée et dans le supérieur l’utilisent de façon régulière, cédant facilement aux propositions alléchantes d’abonnement qui leur sont consenties.

Jugeons en puisque l’entreprise nous propose à chaque début d’année scolaires :

- à partir de 4 abonnements souscrits, le tarif passe à 22 euros au lieu de 54,10 euros soit 55 % de réduction, à charge pour l'enseignant d'envoyer les listes d' abonnements pré-imprimées avec enveloppes T ;

- à partir de 10 abonnements, un abonnement supplémentaire gratuit est offer et envoyé à l'adresse fournie par l'enseignant. Il recevra en oeuvre pour sa peine, outre les 10 numéros annuels de la revue, les trois hors-série ;

- à partir du vingtième abonnement, c'est Byzance ! En plus de la formule à 10 abonnements, on peut cumuler un point supplémentaire par abonnement qui donne droit à des livres, pour 20 points par exemple on peut avoir "La nouvelle stratégie économique d'ATTAC" (de quoi intéresser les élèves), ou "la consommation citoyenne", pour 30 on a "Économie, le réveil des citoyens" ;

- à partir du cinquantième abonnement, on bénéficie d'un abonnement gratuit supplémentaire d'un an, et on y rajoutera en plus les hors-séries à partir du soixantième abonnement.

Ces méthodes de vente agressives, dites à la boule de neige, n’ont pas encore attiré l’attention des syndicats prompts à défendre la sanctuarisation anti-marchande de l’école.

Tout au contraire, la revue est très bien perçue par les mêmes syndicats qui vont jusqu’à y prendre des intérêts par l’association des amis de la revue interposée, c’est qu’en réalité la coopérative Alternatives Economiques a réussi à faire sa place au cœur de l’institution sacrée qu’est l’école et réalise même la plupart des supports documentaires qui seront à  traiter lors des examens officiels.

Gratuit et prémâché le prêt-à-penser pour formatage gauchiste

 Quant aux enseignants n’ayant pas encore succombé aux sirènes de cette entreprise, on leur enverra gratuitement quelques numéros mais également les 3 hors-séries. On trouvera dans ces derniers des articles permettant d’illustrer les points du programme avec un livret enseignant détaillant les objectifs pédagogiques, les démarches, les conclusions auxquelles devront aboutir les élèves.

Que des avantages semble-t-il.
Certes cette entreprise ne fait pas preuve de philanthropie puisque les abonnements restent payants, mais le travail des enseignants est largement allégé dans la mesure où ils n’ont plus à se donner la peine de construire leurs cours, tout est déjà mâché y compris ce que doivent retenir les élèves des différentes séquences. On peut donc dire que certains professeurs ont complètement sous-traité la matière de leur enseignement, ne devenant que des récitants de contenus pré-élaborés… Avantage tout de même au niveau de la charge de travail  mais aussi au niveau de la standardisation des enseignements puisque les inspecteurs académiques en seront à se demander, lors de leurs visites, pourquoi tel prof d’économie ne se sert pas des supports de cours vendus par cette entreprise.

Désavantage aussi car on peut se demander si l’autonomie de l’enseignant n’a pas à souffrir de cette immixtion d’une entreprise dans les contenus pédagogiques, il ne s’agit pas là de dire que ce cours vous est offert par McDonald’s mais ce cours a été préparé par Alternatives Economiques jusque dans la moindre de ses conclusions. Le problème est plus criant et si il s’agissait d’une autre entreprise que celle-ci, certains n’auraient pas manqué de crier à l’emprise sectaire… 
Autre désavantage lié au premier : l’utilisation de cet outil créé des générations de crétins qui finiront par se prendre pour des rebelles sans avoir pu, à aucun moment, cultiver leur sens critique. Les articles de cette revue sont en effet suffisamment manichéens pour écarter à priori toute conclusion incompatible avec la ligne politique  de l’entreprise, on y  découvrira par exemple que les approches libérales sont invalides, que la trappe à la pauvreté ou la courbe de Laffer sont des concepts inopérants, on s’y  alignera sur des positions d’extrême gauche défendues par ATTAC, on y développera les mythologies des régulationnistes.  Désavantage net donc puisqu’il faudra réapprendre aux élèves et étudiants passés par là,  les bases de l’économie afin de les mettre à même de construire des raisonnements rigoureux  à partir de démarches scientifiques et non d’a priori.

La morgue se fout de la charité 

Xavier PREGENTIL, le 24 février 2004